14ème législature

Question N° 72529
de M. Hervé Féron (Socialiste, républicain et citoyen - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère attributaire > Agriculture, agroalimentaire et forêt

Rubrique > agriculture

Tête d'analyse > produits alimentaires

Analyse > gaspillage alimentaire. limitation.

Question publiée au JO le : 20/01/2015 page : 294
Réponse publiée au JO le : 17/03/2015 page : 1941

Texte de la question

M. Hervé Féron attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur le gaspillage alimentaire. Ce fléau de notre société de consommation conduit les Français à jeter en moyenne vingt kilos de déchets alimentaires chaque année, dont sept de produits non consommés, alors même que de nombreux Français éprouvent aujourd'hui de grandes difficultés à se loger, à se soigner et à se nourrir. Pour éviter qu'une telle quantité d'aliments ne termine à la poubelle, une proposition de loi a été déposée en juillet 2014 à l'Assemblée nationale pour obliger les grandes surfaces à proposer les denrées alimentaires invendues encore consommables à une ou plusieurs associations d'aide alimentaire. Cette initiative transpartisane a été saluée de toutes parts, bien que les entreprises de la grande distribution craignent que sa dimension coercitive puisse freiner la dynamique déjà à l'œuvre avec des avantages fiscaux pour les grandes surfaces pratiquant le don alimentaire. Par ailleurs, les banques alimentaires auraient besoin de moyens financiers supplémentaires pour mettre en place la logistique nécessaire à un afflux supplémentaire (notamment pour s'assurer que la distribution se fasse en toute salubrité et sécurité). Cependant, on a peu parlé des produits de la restauration collective (en établissement scolaire, dans les collectivités territoriales, dans les hôpitaux) qui, non consommés, finissent à la poubelle. Ainsi, pour de nombreux repas fabriqués le matin même (en « liaison chaude ») ou à l'avance (en « liaison froide »), les pertes sont énormes (de l'ordre de 5 % à 10 %), et les produits encore consommables pourraient aisément être utilisés. Les initiatives sont encore rares, à l'image du nouveau partenariat officialisé entre le centre hospitalier intercommunal de Créteil et les Restos du cœur de Champigny-sur-Marne, encadré par une convention validée par le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Il l'interroge sur les mesures qui pourraient être mises en place afin de systématiser ce genre de partenariats. Il souhaite notamment savoir si la mission sur le gaspillage alimentaire présidée par M. Guillaume Garot formulera des propositions dans ce sens au cours de l'année 2015.

Texte de la réponse

La lutte contre le gaspillage alimentaire représente un véritable enjeu social, environnemental et économique auquel le Gouvernement est particulièrement sensible. La loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt du 13 octobre 2014 inscrit d'ailleurs la lutte contre le gaspillage alimentaire comme l'un des grands enjeux prioritaires de la politique publique de l'alimentation. Cette évolution législative est un signal fort et s'inscrit dans la continuité du travail engagé par le Gouvernement depuis plus de deux ans sur le sujet, qui s'est traduit par le lancement du pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire en juin 2013. Chaque partie prenante de la chaîne alimentaire s'engage à mettre en place à son niveau un certain nombre d'actions de sensibilisation des consommateurs et des professionnels, ainsi que des actions concrètes de prévention du gaspillage alimentaire. Le ministre en charge de l'agriculture a présidé la deuxième réunion du comité de pilotage, le 16 octobre dernier, à l'occasion de la journée nationale de lutte contre le gaspillage alimentaire. Elle a permis de démontrer que tous les maillons de la filière alimentaire (production agricole, marchés de gros, industries agroalimentaires, artisans, grande distribution, restauration collective, restauration commerciale, collectivités locales) étaient impliqués et motivés pour travailler ensemble et diffuser les initiatives de plus en plus nombreuses sur le terrain. Un des sujets les plus régulièrement abordés, même s'il ne constitue qu'une partie du problème, est la question de la récupération des invendus des grandes surfaces, ou des repas non consommés dans la restauration hors foyer. Une proposition de loi a ainsi récemment été déposée afin d'astreindre tous les magasins de détail, d'une surface supérieure à 1 000 m2, à céder leurs invendus alimentaires, encore consommables, à des associations caritatives. Lors du débat parlementaire, le Gouvernement a rappelé que, si l'objectif de réduction du gaspillage alimentaire est tout à fait partagé, le moyen proposé, consistant à rendre contraignants et obligatoires les dons aux associations, risque d'avoir un effet contraire à l'objectif poursuivi. Cette obligation de donner pourrait se transformer en obligation de récupérer pour les associations, qui n'ont pas toujours les moyens logistiques nécessaires. La dynamique actuellement impulsée, qui repose sur le volontariat de tous les acteurs impliqués, risquerait d'être rompue par des mesures juridiquement contraignantes. De plus, il existe déjà de nombreux accords entre les associations et la grande distribution, ainsi qu'un dispositif incitatif, avec la défiscalisation des dons. Aussi, des obligations ou contraintes ne correspondant pas à la réalité de la situation sur le terrain pourraient être contre-productives ou inefficaces, et risqueraient de mettre en péril des liens construits de longue date et basés sur la confiance. Le Gouvernement souhaite donc poursuivre et approfondir les dispositifs volontaires déjà mis en place, tout en confirmant son intention d'amplifier son action, sur la base d'une approche incitative et partenariale, dans le cadre du pacte national de lutte contre le gaspillage alimentaire. Les initiatives de la restauration collective, par exemple dans les hôpitaux, ont bien évidemment toute leur place dans ce cadre. Le nouveau programme national pour l'alimentation (PNA), présenté en décembre 2014, place d'ailleurs la restauration collective au coeur des priorités de la politique publique de l'alimentation, dont font partie la lutte contre le gaspillage alimentaire et la justice sociale. A ce titre, le PNA a notamment pour objet de fédérer et sensibiliser l'ensemble des acteurs concernés afin de favoriser les partenariats. Les acteurs de la restauration collective sont très engagés sur le sujet. Afin de faciliter ces initiatives et les partenariats, le cadre réglementaire de sécurité sanitaire dans le cas des dons à des associations oeuvrant dans le domaine de l'aide alimentaire aux personnes les plus démunies a été clarifié (arrêté du 24 septembre 2014 et note d'information publiée le 16 octobre au bulletin officiel du ministère de l'agriculture). Pour ce qui est de la restauration commerciale, des initiatives comme le « gourmet bag » se développent de plus en plus. Afin de poursuivre le travail engagé, le Premier ministre a confié à M. Guillaume Garot, ancien ministre, député de la Mayenne, une mission parlementaire ayant pour objectif d'identifier les freins qui persistent tout au long de la chaîne alimentaire et de proposer des adaptations du cadre législatif et réglementaire, afin de généraliser les initiatives volontaires pertinentes mises en place dans le cadre de ce pacte. Celui-ci devrait remettre son rapport au printemps 2015. La responsabilisation des acteurs de la chaîne alimentaire afin de les inciter à donner leurs denrées invendues mais encore consommables, fera partie des sujets traités.