14ème législature

Question N° 72811
de Mme Véronique Louwagie (Union pour un Mouvement Populaire - Orne )
Question écrite
Ministère interrogé > Finances et comptes publics
Ministère attributaire > Finances et comptes publics

Rubrique > sécurité sociale

Tête d'analyse > cotisations

Analyse > fraude. Cour des comptes. rapport. propositions.

Question publiée au JO le : 20/01/2015 page : 322
Réponse publiée au JO le : 08/03/2016 page : 2027

Texte de la question

Mme Véronique Louwagie attire l'attention de M. le ministre des finances et des comptes publics sur l'évaluation de la fraude aux cotisations sociales qui a doublé en 2012 par rapport à la précédente estimation de 2007. Dans son rapport annuel publié en septembre 2014 sur les comptes de la Sécurité sociale, la Cour des comptes indique que les magistrats financiers chiffrent désormais le préjudice de la fraude aux cotisations sociales entre 20 milliards et 25 milliards d'euros, selon une estimation de l'Acoss (Agence centrale des organismes de Sécurité sociale). Une « intensification indispensable de la lutte contre la fraude aux cotisations sociales » est recommandée par les sages. Selon la Cour des comptes, la progression des « cotisations et contributions éludées », ne résulte pas toujours d'une volonté de frauder. De nombreuses formes de fraude existent et il est alors important de « distinguer la fraude de l'erreur et revenir à l'intention », constate Jean-Eudes Tesson, président de l'Acoss. « À côté des formes traditionnelles de fraude qui persistent (sous-déclaration d'activité), de nouvelles pratiques se nourrissent de la complexification des lois et règlements, liée en particulier au statut de travailleur détaché à l'étranger ou au régime des auto-entrepreneurs », déclare la Cour. L'institution ajoute que « le travail illégal, qui constitue la part massive de la fraude aux cotisations, n'en représente que 291 millions d'euros ». De plus, la Cour regrette que « le taux de recouvrement des redressements notifiés pour le travail dissimulé n'est que de 10 % à 15 % » et demande « plus de moyens à cette fin pour les organismes sociaux ». Aussi, souhaite-t-elle connaître ses intentions face aux remarques de la Cour des comptes.

Texte de la réponse

La lutte contre les fraudes aux cotisations sociales constitue un impératif au regard des objectifs de préservation des conditions de concurrence entre entreprises et de garantie des droits sociaux des salariés. Ainsi, elle figure au cœur des conventions d'objectifs et de gestion (COG) signées entre l'Etat et les organismes chargés du recouvrement : l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) pour le régime général et le régime des indépendants ; la mutualité sociale agricole (MSA) pour les travailleurs agricoles. Les engagements de l'Etat et desdits organismes rejoignent en grande partie les préconisations formulées par la Cour des comptes, en septembre 2014, dans son rapport sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale. Dans l'exercice de leurs missions de contrôle, les organismes en charge du recouvrement disposent de moyens d'investigation qui ont été progressivement renforcés, notamment par les lois de financement de la sécurité sociale. D'une part, les Urssaf et la MSA sont engagées dans une démarche partenariale avec : - la direction générale du travail, l'office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) et les inspecteurs du travail placés auprès des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) ; - la direction générale des finances publiques et les services de contrôle fiscal ; - les agents de police judiciaire et des douanes. D'autre part, les organismes chargés du recouvrement disposent, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, d'un droit de communication auprès d'un certain nombre d'organismes ou d'entreprises, en particulier les établissements bancaires, les fournisseurs d'énergie et les opérateurs de téléphonie. Les dispositifs de sanction, prévus par le code de sécurité sociale et le code du travail, ont également été durcis. Ainsi, les cotisants qui ne se conforment pas à leurs obligations de sécurité sociale s'exposent à des poursuites pénales devant le tribunal de police. En 2013, 72 % des peines infligées sont des amendes et 20 % des peines d'emprisonnement. Quant au recours au travail dissimulé, il est en outre passible de plusieurs sanctions administratives. En effet, l'employeur peut se voir refuser le bénéfice, pendant une durée maximale de cinq ans, de certaines aides publiques en matière d'emploi et de formation professionnelle. De plus, il ne peut plus prétendre au bénéfice des réductions et exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale, ni à celui des minorations de l'assiette de ces cotisations. La loi du 16 juin 2011 instaure par ailleurs un dispositif de fermeture administrative provisoire des entreprises concernées. Les contrôles effectués par les organismes en charge du recouvrement couvrent les différentes formes de fraude. Concernant par exemple les travailleurs détachés dans le cadre d'une prestation de services, la France a joué un rôle majeur dans l'amélioration de la directive no 96/71 du 16 décembre 1996 et, par suite, dans l'adoption de la directive d'application no 2014/67 du 15 mai 2014. Celle-ci a été transposée en France par la loi du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale. Désormais, afin de mieux contrôler les situations de détachement, les Etats peuvent engager des démarches de coopération administrative basées sur des réponses rapides à leurs demandes d'informations. Ils sont en outre fondés à imposer aux entreprises la réalisation de certaines obligations telles que la déclaration de détachement, la transmission des contrats de travail ou la désignation d'une personne de contact. Une responsabilité solidaire est par ailleurs instaurée dans l'ensemble de la chaîne de sous-traitance, impliquant ainsi une obligation de vigilance de la part des donneurs d'ordres. Quant au régime de l'auto-entrepreneur, les fraudes qui s'y rapportent ont essentiellement trait aux faux travailleurs indépendants : la relation entre un employeur et son salarié est alors dissimulée sous l'apparence d'une sous-traitance entre un donneur d'ordre et un auto-entrepreneur. Cette situation est constitutive d'une infraction de travail dissimulé et elle est, à ce titre, passible des mêmes sanctions. L'ensemble de ces contrôles ciblent particulièrement certains secteurs professionnels à risque : la construction, l'hôtellerie-restauration, les services aux entreprises et le spectacle vivant. Aussi les Urssaf réalisent-elles des contrôles aléatoires dans ces domaines, notamment dans les régions caractérisées par une forte saisonnalité de l'activité. Au terme de leur contrôle et en cas de détection de fraude, les Urssaf et la MSA procèdent au redressement des cotisations sociales éludées. En matière de travail dissimulé, les agents de contrôle peuvent appliquer un redressement forfaitaire, sur la base d'une assiette égale à 6 SMIC mensuels, lorsqu'il leur est impossible de connaitre les rémunérations versées aux travailleurs dissimulés. De plus, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 prévoit, dans les hypothèses de travail dissimulé, une majoration de 25 % du montant des redressements. La majoration est portée à 40 % en cas de circonstances aggravantes. Les redressements notifiés par les Urssaf sont en constante augmentation depuis 2009. En effet, ils s'élèvent à 291 millions d'euros en 2013, contre 130 millions d'euros en 2009 et 260 millions d'euros en 2012 : cela représente une augmentation de 11% entre 2012 et 2013. De même, le montant des redressements notifiés par la MSA a progressé de 18 % sur la même période, pour atteindre 8,7 millions d'euros en 2013.