14ème législature

Question N° 72817
de Mme Marianne Dubois (Union pour un Mouvement Populaire - Loiret )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires sociales, santé et droits des femmes
Ministère attributaire > Affaires sociales, santé et droits des femmes

Rubrique > sécurité sociale

Tête d'analyse > régime social des indépendants

Analyse > monopole. jurisprudence. conséquences.

Question publiée au JO le : 20/01/2015 page : 293
Réponse publiée au JO le : 05/01/2016 page : 77

Texte de la question

Mme Marianne Dubois attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur la remise en cause du monopole du régime social des indépendants par le tribunal de grande instance de Nice dans son jugement du 11 décembre 2014. La décision du TGI n'est pas sans conséquences et requiert quelques éclaircissements. Un mouvement de travailleurs indépendants conteste la légitimité du monopole du RSI invoquant deux directives européennes de 1992 et incite les travailleurs indépendants à s'émanciper de ce régime social. En effet, dans un premier temps des indépendants ont choisi des organismes privés de protection social en s'appuyant sur les différents jugements européens jugeant illégal le monopole du RSI. Le TGI de Nice vient d'affirmer que le RSI n'a pas capacité à agir en faisant des mises en demeure et en recourant à des huissiers. Face au flou juridique entourant le RSI, elle lui demande d'éclaircir la position du Gouvernement concernant une réforme de ce régime social paraissant de plus en plus nécessaire.

Texte de la réponse

Depuis de nombreuses années, des associations ou des particuliers remettent en cause ce qu’ils qualifient de « monopole » de la sécurité sociale, poursuivant une entreprise de désinformation visant à remplacer le système français solidaire de sécurité sociale par la mise en place d’un système de libre choix d’assurance privée, avec tarification individualisée. En France, comme dans de nombreux pays européens, l’affiliation à un régime de sécurité sociale déterminé par la loi est obligatoire. En conséquence, toute personne qui exerce son activité en France est obligatoirement affiliée au régime légal de sécurité sociale dont elle relève. A ce titre, elle est assujettie aux cotisations de sécurité sociale, à la contribution sociale généralisée (CSG) et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS). Conformément au traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE, article 153), les États membres sont libres d’organiser comme ils l’entendent leur système de Sécurité sociale, et notamment de fixer dans leurs législations nationales pour chacun des risques, le niveau des prestations, le mode et le niveau de financement, les modalités de fonctionnement du régime et son degré de solidarité entre les citoyens. La jurisprudence de la cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est constante en la matière : il appartient à la législation de chaque Etat membre de déterminer le droit ou l’obligation de s’affilier à un régime de Sécurité sociale et les conditions qui donnent droit à des prestations. Il est souvent objecté par les mouvements contestant le « monopole » de la sécurité sociale que l’obligation d’affiliation et de cotisations en France à la sécurité sociale va à l’encontre des règles européennes de la concurrence. Or, ces dernières ne lui sont pas applicables. La CJUE a confirmé à plusieurs reprises que les organismes de sécurité sociale ne constituent pas des entreprises au sens des articles 101 et 102 du TFUE (ex articles 81 et 82 du traité instituant la communauté européenne TCE) dans la mesure où ils n’exercent pas des activités économiques au sens des règles européennes de la concurrence. De même, les directives assurances (dont notamment les directives CEE 92/49 et 92/96) excluent les législations de sécurité sociale de leur champ d’application. De ce fait, les organismes de sécurité sociale, organismes de droit privé, ne sont pas soumis aux règles assurantielles consistant pour les mutuelles à être immatriculées au registre national des mutuelles. En ce qui concerne le régime social des indépendants (RSI), une décision récente de la cour d’appel de Limoges (arrêt du 23 mars 2015) confirme une jurisprudence nationale constante : les caisses de ce régime sont des organismes de sécurité sociale, relevant du code de la sécurité sociale et ne sont donc pas soumises au code de la mutualité. La cour indique également que le principe de solidarité nationale posé par le code de la sécurité sociale suppose une obligation d’affiliation des personnes exerçant en France une activité, salariée ou non, et que cette obligation n’est supprimée ni par les directives européennes ni par la jurisprudence de la CJUE. Créé par l’ordonnance no 2005-1528 du 08/12/2005, le régime social des indépendants (RSI) est un des régimes obligatoires de sécurité sociale français. Il a en charge la gestion des risques d’assurance maladie maternité des artisans, commerçants et professions libérales et des risques d’assurance vieillesse, invalidité et décès pour les professions artisanales, industrielles et commerciales. Ce régime est géré par des organismes de droit privé chargés par la loi d’une mission de service public. Ses activités sont, conformément au droit européen, des activités de sécurité sociale organisées par les pouvoirs publics français (TFUE, article 154). Elles ne sont donc pas des activités commerciales mais des activités sociales (directives 92/049 et 92/096) et sont exclues des règles européennes en matière d’assurance et de concurrence (directive 73/239). Pour environ 6 % des cotisants la mise en place en 2008 de l’interlocuteur social unique, dispositif de recouvrement partagé entre le RSI et les URSSAF, s’est accompagnée de dysfonctionnements multiples qui ont été très préjudiciables à la qualité du service rendu à l’ensemble des cotisants : appels de cotisation erronés, absence de prise en compte des cotisations versées, retards dans le traitement des affiliations et des radiations des cotisants, dans le remboursement des cotisations trop perçues, dans l’ouverture des droits à retraite ou à indemnités journalières, saturation des services d’accueil du RSI… Ces dysfonctionnements ont été également source de pertes financières du fait d’une perturbation du recouvrement. La mise en œuvre des différentes recommandations des rapports d’inspection et de la cour des comptes est bien engagée et ces dysfonctionnements sont désormais résorbés. Ce constat est notamment confirmé par différents rapports parlementaires dont le récent rapport intermédiaire de la mission confiée aux députés Verdier et Bulteau. À cet égard, il doit être rappelé que le rapport de la cour des comptes de 2012 ne porte pas sur la situation actuelle du RSI mais sur celles des années 2008 à 2012. Conscient des efforts restant néanmoins à faire, le RSI et l’ACOSS, appuyés par les pouvoirs publics, poursuivent les efforts entamés visant en particulier à l’amélioration de la qualité du service rendu à ses assurés. C’est d’ailleurs l’orientation des 20 mesures en faveur des assurés du RSI, présentées par la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, le secrétaire d’Etat chargé du budget et la secrétaire d’Etat chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire le 25 juin 2015.