14ème législature

Question N° 72890
de M. Jean-Louis Dumont (Socialiste, républicain et citoyen - Meuse )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Finances et comptes publics

Rubrique > agroalimentaire

Tête d'analyse > tabacs manufacturés

Analyse > trafics. financement. organisations criminelles. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 27/01/2015 page : 509
Réponse publiée au JO le : 30/06/2015 page : 5034
Date de changement d'attribution: 10/03/2015
Date de signalement: 31/03/2015

Texte de la question

M. Jean-Louis Dumont attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur quant aux sources de financement, plus particulièrement celles du tabac, auxquelles peuvent recourir les groupes criminels et terroristes. En effet, si le lien entre marchandises illicites et marchandises licites vendues via des circuits illicites au profit des organisations criminelles n'est plus à prouver, l'ensemble de la communauté européenne et mondiale tant à démontrer depuis plusieurs années que le marché illicite et la contrefaçon de tabac sont usités par les groupes terroristes comme soutien économique au même titre que la drogue ou le pétrole. Ce trafic d'ampleur établi, preuve en est de l'opération dite « Barrel », menée en 2011 en collaboration avec 24 pays de l'Union européenne, qui a permis la saisie de 1,2 million de cigarettes en 2012, conduit à faire le constat suivant. L'organisation de la contrebande et de la contrefaçon de tabac et cigarettes constitue une triple problématique. Dans un premier temps, elle porte préjudice aux louables objectifs de santé publique en donnant accès à des produits moins chers, n'encourageant ainsi pas la réduction de la consommation. En France, en 2013, la part du marché parallèle est estimée à environ 25,2 %. Dans un second temps, ce trafic soustrait aux gouvernements une perte de revenu fiscal important qui pourrait être utilisé pour des programmes de santé publique. Selon les estimations de la Commission européenne, les pertes fiscales et douanières liées au commerce illicite du tabac représenteraient un montant de 10 milliards d'euros. Enfin, cette levée de fonds que constitue ce trafic auprès des organisations terroristes menace directement la sécurité intérieure et internationale. Aussi, il lui demande, quelles mesures pourraient être mises en place afin d'enrayer la contrebande et la contrefaçon de cigarettes et permettre, ainsi, une lutte efficace contre le financement du terrorisme.

Texte de la réponse

La lutte contre le trafic de cigarettes constitue l'un des objectifs permanents et prioritaires de la douane française. L'importance de ce trafic et son évolution récente sont difficiles à mesurer. L'estimation chiffrant à 25,2 % la part du tabac consommé en France en 2013 qui serait acheté hors réseau provient d'un cabinet d'études mandaté et rémunéré par différents fabricants de tabac. Cette étude agrège par ailleurs deux segments de nature très différente : les achats transfrontaliers légaux (évalués à 9,8 %), et la contrebande (évaluée à 15,4 %). Les éléments dont disposent les services des douanes ne permettent pas de confirmer les chiffres émanant de ce rapport : ainsi par exemple, l'analyse de l'activité et des résultats des unités douanières frontalières indique au contraire que l'essentiel des ventes hors réseau est constitué d'achats transfrontaliers légaux. Pour autant, la réalité de ce phénomène n'est naturellement pas sous-estimée par le Gouvernement. Le chiffre record de 14 271 constatations réalisées par les services douaniers en 2014 témoigne ainsi de l'engagement entier des unités, dont l'action vise à la fois le démantèlement des organisations criminelles internationales et la lutte contre les trafics transfrontaliers ou sur internet. 422,7 tonnes de tabacs illicites ont ainsi été saisies l'an passé. Le Gouvernement s'attache par ailleurs à renforcer et moderniser les outils juridiques à la disposition des services douaniers pour lutter plus efficacement contre le trafic de tabac sous toutes ses formes. La technique du « coup d'achat », qui existait déjà pour les stupéfiants et les contrefaçons, a été adaptée à la lutte contre la fraude sur Internet et étendue aux infractions douanières portant sur le tabac à compter de 2013. Elle permet aux agents des douanes de démontrer l'existence d'un trafic en procédant à l'achat de cigarettes de contrebande auprès des trafiquants, après autorisation du Parquet. S'agissant des flux transfrontaliers, une nouvelle circulaire a été publiée le 5 septembre 2014, abaissant de dix à quatre cartouches le seuil à partir duquel toute personne, dans le cadre d'un contrôle douanier, est sommée de justifier que le tabac détenu correspond à sa consommation personnelle. Il s'agit là du plus bas seuil indicatif permis par les textes communautaires. Les sanctions peuvent être lourdes : paiement des taxes françaises - en plus de celles déjà payées dans le pays d'achat - mais aussi amende, pénalité, confiscation des produits, voire une peine d'emprisonnement pour les cas les plus graves. Pour donner son plein effet, pédagogique comme répressif, à cette mesure, des actions coordonnées sont organisées dans les zones frontalières. S'agissant des achats sur internet, une approche spécifique a été mise en place pour lutter contre cette offre illicite. Le service spécialisé « Cyberdouane » procède à une veille permanente pour identifier les sites litigieux. Soucieux de lutter avec la plus grande fermeté contre ce phénomène, le Gouvernement a fait adopter fin 2014 une interdiction des achats à distance assortie de sanctions dissuasives, en s'appuyant sur les dispositions de l'article 18 de la nouvelle directive tabac du 3 avril 2014. Cette prohibition s'applique aussi bien dans les relations commerciales avec les pays tiers qu'avec les États membres de l'Union. Concernant plus spécifiquement les réseaux internationaux, l'action de la direction nationale du renseignement et des enquêtes douanières (DNRED) et du service national de douane judiciaire (SNDJ) participe aux démantèlements des filières et organisations de fraude, y compris celles implantées à l'étranger. Ces deux services opérationnels s'appuient également sur le réseau des attachés douaniers à l'étranger, qui facilitent la coopération pour lutter contre des groupes aux ramifications internationales. La douane collabore par ailleurs étroitement avec les services du ministère de l'intérieur, par la transmission de toutes les informations pouvant avoir un lien avec le terrorisme et collectées dans le cadre de ses missions de contrôle. À cet effet, une structure dédiée existe au sein de la DNRED, et son renforcement est en cours. Enfin le ministre des finances et des comptes publics, le ministre de l'intérieur et le secrétaire d'État chargé du budget ont confié à l'inspection générale des finances et à l'inspection générale de l'administration un audit conjoint visant à établir un état des lieux de la coopération et du partage de l'information entre les deux ministères afin d'assurer de nouveaux progrès dans la coordination des services intervenant dans la lutte contre le terrorisme.