14ème législature

Question N° 731
de M. Yves Albarello (Union pour un Mouvement Populaire - Seine-et-Marne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Écologie, développement durable et énergie
Ministère attributaire > Écologie, développement durable et énergie

Rubrique > déchets, pollution et nuisances

Tête d'analyse > décharges

Analyse > création. maires. pouvoirs.

Question publiée au JO le : 17/06/2014 page : 4763
Réponse publiée au JO le : 25/06/2014 page : 4575

Texte de la question

M. Yves Albarello attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la législation autorisant le rehaussement de terrains agricoles d'une hauteur inférieure à deux mètres sans autorisation. Nombre d'élus et d'associations de défense de l'environnement s'inquiètent sur la dérive observée ces dernières années dans les rehaussements de terrains agricoles, ouvrant la porte à des installations de stockage de déchets inertes (ISDI), sans aucune autorisation. C'est le cas d'un terrain agricole situé à proximité de la Francilienne sur la commune de Villeparisis où des produits toxiques ont été déversés et mélangés à des déchets inertes. Ne pourrait-on pas donner aux maires, compétents en matière d'urbanisme sur leur territoire, la délivrance d'autorisation comme pour les permis de construire, afin de mettre fin à ces décharges sauvages.

Texte de la réponse

LÉGISLATION AUTORISANT LE REHAUSSEMENT DE TERRAINS AGRICOLES D'UNE HAUTEUR INFÉRIEURE À DEUX MÈTRES SANS AUTORISATION


M. le président. La parole est à M. Yves Albarello, pour exposer sa question, n°  731, relative à la législation autorisant le rehaussement de terrains agricoles d'une hauteur inférieure à deux mètres sans autorisation.

M. Yves Albarello. J'appelle l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur l'absence de législation autorisant le rehaussement de terrains agricoles sur une hauteur inférieure à deux mètres. Au-delà de deux mètres, la législation autorise la présence d'installations de stockage de déchets inertes, les ISDI, dont les déclarations sont instruites par les services de l'État. En deçà de deux mètres, néanmoins, il n'existe aucune législation.

Nombreux sont les élus et les associations de défense de l'environnement qui s'inquiètent de la dérive observée ces dernières années concernant les rehaussements de terrains agricoles ouvrant la porte à des installations de stockage de déchets inertes sans aucune autorisation. Le dernier exemple en date concerne ma circonscription, non loin de Paris, le long de l'autoroute Francilienne. Des individus peu scrupuleux – j'irai même jusqu'à les qualifier de bandits – se sont emparés d'un terrain agricole pour y déposer des produits toxiques mélangés à des terres inertes.

Pourquoi vous signaler ce problème ? Vous savez que le Grand Paris prend corps et que les travaux ont d'ores et déjà commencé avec le prolongement de la ligne 14 du métro jusqu'à la mairie de Saint-Ouen. Ce chantier suppose d'extraire plus de 60 millions de tonnes de déblais, qu'il faudra stocker en Île-de-France. Le Conseil régional a adopté un moratoire concernant le plan régional d'élimination des déchets. L'Île-de-France court donc le risque que se développent sur son territoire ces rehaussements de terrains agricoles sans aucune autorisation.

Ma question est donc simple : ne pourrait-on pas modifier la législation pour donner compétence aux maires – qui sont d'ailleurs déjà compétents en matière d'urbanisme – concernant les permis de construire, pour éliminer ces décharges sauvages ?

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie.

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État chargée de la famille, des personnes âgées et de l'autonomie. Je suis particulièrement sensible au problème de déchets que vous soulevez, d'autant que si on le règle en Île-de-France, il se déplace. Élue de l'Oise, je sais bien où il se déplace, car mon département attise les convoitises des entreprises qui ont fait du stockage des déchets leur activité principale, parfois au détriment de l'intérêt général.

Cela étant dit, voici la réponse que Mme Ségolène Royal, qui ne pouvait être présente ce matin, m'a chargée de vous transmettre. Le droit de l'environnement encadre actuellement les opérations d'élimination des déchets, mais les opérations de valorisation sont mal définies, ce qui conduit à des éliminations déguisées sous prétexte de valorisation. C'est particulièrement vrai pour les déchets inertes, qui ne peuvent pas avoir d'interaction avec leur environnement et donc entraîner de pollution. Il s'agit par exemple des déchets de béton issus d'opérations de déconstruction ou de terres excavées – vous l'évoquiez à l'instant.

La réglementation ne prévoit pas, en général, qu'il soit nécessaire de justifier de l'innocuité des déchets valorisés. L'innocuité ne doit être démontrée qu'en cas d'usage en sites sensibles, en particulier dans une zone classée, ou pour une installation, un ouvrage, des travaux ou un aménagement ayant un impact sur l'eau. Si la zone où ces déchets sont valorisés ne fait l'objet d'aucune autre réglementation que celle applicable aux déchets et aux aménagements au titre du code de l'urbanisme, la police de l'environnement ne peut intervenir qu'après que des dommages sur l'environnement ont été observés.

Or, s'il est souhaitable que les déchets soient utilisés dans des opérations de valorisation, la faiblesse de l'encadrement réglementaire a conduit à des abus. Vous en mentionnez un avec le rehaussement des terres agricoles. Le problème dérive souvent car, au-delà d'un stockage de déchets inertes non déclarés, le stockage finit par accueillir des déchets qui ne sont pas inertes.

Ce constat a été soulevé par de nombreux acteurs – associations de protection de l'environnement et entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics, notamment – lors des réunions des groupes de travail du Conseil national des déchets qui ont eu lieu en préparation de la conférence environnementale de septembre dernier. Certaines fédérations professionnelles ont même engagé une lutte contre ces décharges déguisées en finançant des constats d'huissier et en interrogeant l'administration pour savoir si des permis ont été délivrés. Les engagements de ces professionnels sont motivés par la dégradation de l'image des matériaux alternatifs qui entraîne une consommation des ressources naturelles non renouvelables, un manque à gagner et une concurrence déloyale pour les exploitants de plateformes de recyclage et d'installations de stockage de déchets.

Le Gouvernement partage votre constat. Aussi la ministre de l'écologie a-t-elle demandé à ses services de remédier à cette lacune réglementaire en définissant la valorisation des déchets. Cela permettra que les stockages de déchets inertes sous prétexte de valorisation soient requalifiés en installations de stockage soumises au code de l'environnement.

M. le président. La parole est à M. Yves Albarello.

M. Yves Albarello. Je vous remercie, madame la secrétaire d'État, mais vous ne répondez que partiellement à ma question. En deçà de deux mètres, il serait très simple de déléguer aux maires, compétents en matière d'urbanisme, le pouvoir d'autoriser ou non le rehaussement de terrains agricoles sur le territoire de leur commune. On éviterait ainsi les catastrophes ! Actuellement, on procède d'abord au constat avant de requalifier. Mieux vaut pourtant prévenir que guérir ! Les maires connaissent leur territoire et ne vont naturellement pas chercher à défigurer leur ville. Mieux vaut leur donner la possibilité d'autoriser le rehaussement plutôt que de le constater avant requalification. Votre réponse n'est donc que partielle ; je le regrette.