Afrique du Nord
Question de :
Mme Josette Pons
Var (6e circonscription) - Les Républicains
Mme Josette Pons attire l'attention de M. le ministre de la défense sur l'impérieuse nécessité pour les harkis et la mémoire nationale, que le Président de la République ou le chef d'état-major des Armées reconnaissent de manière officielle les responsabilités et les fautes de l'État français dans les évènements qui ont suivi le « cessez-le-feu » en Algérie du 19 mars 1962. La France ne doit oublier ni ses instants de grandeur, ni les tragédies qu'elle a traversées ou les responsabilités qui sont les siennes dans le sort réservé à certains de ses enfants. Parmi ces derniers se trouvent les harkis et leurs familles. L'instauration en 2001 de la journée nationale d'hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives a été vécue par celles-ci comme un pas important sur le chemin de l'apaisement en vue d'une justice sociale et de la réconciliation des mémoires. Pourtant, ces hommes et ses femmes, meurtris dans leur amour pour la France, attendent davantage de l'État français. Cette reconnaissance leur a pourtant plusieurs fois été promise. Aujourd'hui, les associations de harkis s'impatientent. Elle lui demande donc si l'État français, par la voie du Président de la République ou du chef des Armées, est prêt à reconnaître par une déclaration officielle, ses responsabilités dans le massacre et l'abandon de milliers de harkis suite aux accords d'Evian.
Réponse publiée le 10 mars 2015
Le Gouvernement porte une attention toute particulière à la situation des harkis et de leurs ayants cause. Afin de recenser leurs difficultés éventuelles et de définir les moyens de les résoudre, le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire s'est attaché, depuis 2012, à rencontrer régulièrement les représentants des associations représentatives des harkis dans le cadre d'échanges ouverts et constructifs. Plusieurs avancées importantes ont d'ores et déjà été réalisées pour améliorer les dispositifs existant en faveur de ces ressortissants, tant en matière de réforme de structures que de mémoire, d'indemnisation ou d'insertion professionnelle. S'agissant des questions mémorielles qui sont sensibles et complexes, l'action des anciens supplétifs a été longtemps méconnue, et a justifié ainsi une série de mesures prises par l'État, à partir des années 2000, pour conférer à cette mémoire une notoriété publique. L'initiative la plus symbolique a été la création, en 2001, d'une journée d'hommage national, destinée à témoigner à ces anciens combattants la reconnaissance de la République pour leur engagement au service de la France et les épreuves qu'ils ont endurées. Cet hommage s'est concrétisé par l'apposition, dans des lieux emblématiques, de plaques commémoratives. La décision ayant été prise de pérenniser cet hommage, le décret du 31 mars 2003 a institué une « Journée nationale d'hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives », fixée le 25 septembre de chaque année. Concernant l'histoire douloureuse des harkis, la République a reconnu à plusieurs reprises une part de responsabilité dans le sort qui fut le leur en 1962 et leur a rendu hommage à de nombreuses occasions. S'inscrivant dans cette démarche, le Président de la République, dans le message qu'il a délivré le 25 septembre 2012, dans le cadre de cette journée d'hommage, a déclaré : « Il y a cinquante ans, la France a abandonné ses propres soldats, ceux qui lui avaient fait confiance, ceux qui s'étaient placés sous sa protection, ceux qui l'avaient choisie et qui l'avaient servie ». D'autre part, la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés a prévu la création d'une Fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie, des combats du Maroc et de Tunisie (FM-GACMT). Ses statuts ont été approuvés, 5 ans plus tard, par décret du 3 août 2010. Comme il est précisé dans le rapport du Gouvernement remis au Parlement, en juin 2013, en exécution de l'article 99 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, le Gouvernement a décidé de réorienter les travaux de cette fondation tout en favorisant la participation de l'ensemble des acteurs du conflit à ses travaux et à la définition de son objet. Ainsi, dans l'esprit des engagements pris par le Gouvernement, la FM-GACMT s'est engagée dans un vaste programme d'études consacré aux harkis, dont les premiers résultats ont été présentés lors d'un colloque de restitution (« Les harkis, des mémoires à l'histoire ») au Musée de l'armée, les 29 et 30 novembre 2013. Après une année 2014 consacrée à l'Afrique française du Nord pendant la Grande Guerre, les travaux de la fondation seront poursuivis en 2015 grâce à la mise en place d'un centre de ressources documentaires et d'outils spécifiques d'aide à la recherche (fiches de lectures, fiches pédagogiques, publications spécialisées). L'ensemble des études conduites par la fondation est placé sous l'autorité d'un conseil scientifique regroupant chercheurs, témoins, et responsables associatifs. Ce conseil a vocation à s'élargir afin de garantir que les travaux de la fondation représentent, dans son domaine d'intérêt, « la mémoire de tous et la mémoire de tout ». Par ailleurs, dans le cadre de la modernisation de l'action publique, le Gouvernement a approuvé un plan d'actions détaillé réformant la gestion des prestations en faveur du monde combattant, des victimes de guerre, des rapatriés et des harkis. S'agissant plus particulièrement des rapatriés et des harkis, les actions et les dispositifs mis en place au profit de ces personnes étaient gérés jusqu'ici, en tout ou partie, par une multiplicité d'organismes au nombre desquels il convient de citer la Mission interministérielle aux rapatriés (MIR), le Haut conseil des rapatriés (HCR), l'Agence nationale pour l'indemnisation des Français d'outre-mer (ANIFOM), le Service central des rapatriés (SCR) et l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG). Conformément à la décision du comité interministériel pour la modernisation de l'action publique du 17 juillet 2013, il a donc été convenu de recentrer la gestion de l'ensemble des dispositifs mis en oeuvre au profit des harkis et des rapatriés, sur l'ONAC-VG et le SCR, qui deviendra, à terme, un des pôles spécialisés de l'établissement public. Ainsi, les rapatriés et les harkis bénéficieront désormais d'un guichet de proximité unique auprès des services départementaux de l'ONAC-VG. Le montant des crédits concernant les dispositifs en cause a été fixé à 19,4 millions d'euros dans la loi de n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015. En matière d'indemnisation, il convient de rappeler que l'article 6 de la loi du 23 février 2005 susmentionnée a permis initialement aux harkis ou à leurs veuves, soit de bénéficier d'une allocation de reconnaissance d'un taux annuel de 2 800 euros à compter du 1er janvier 2005, soit d'obtenir le versement d'un capital de 30 000 euros, soit d'opter pour une solution mixte leur permettant d'associer le versement de l'allocation au taux en vigueur au 1er janvier 2004 et d'un capital de 20 000 euros. L'arrêté du 8 juillet 2014 fixant le montant de l'allocation de reconnaissance après indexation sur l'évolution annuelle des prix à la consommation des ménages (hors tabac) a eu pour effet de relever le montant annuel de cette allocation, à compter du 1er octobre 2014, à 3 248 euros pour les bénéficiaires ayant opté pour le seul versement d'une rente annuelle, et à 2 155 euros pour ceux ayant opté pour le maintien de l'allocation et le versement d'un capital. Pour ce qui concerne l'accès à l'emploi, le Gouvernement poursuit une politique incitative visant à faciliter l'insertion professionnelle des enfants de harkis, que ce soit dans le secteur marchand ou le secteur public. S'agissant de la formation professionnelle, le décret n° 2013-834 du 17 septembre 2013 instituant des mesures en faveur des membres des formations supplétives et assimilées ou victimes de la captivité en Algérie et de leurs familles, a prévu la prise en charge partielle de certaines formations spécifiques dédiées aux métiers du transport ou, sous certaines conditions, de formations destinées à exercer d'autres métiers. Concernant plus particulièrement l'accès aux emplois publics, l'article 55 de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 relative à la programmation militaire pour les années 2014-2019 et portant diverses dispositions concernant la défense et la sécurité nationale autorise le Gouvernement à adopter par ordonnance les mesures qui permettront d'améliorer les dispositifs de recrutement au titre des emplois réservés prévus par le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre, notamment en différenciant selon les publics concernés, les durées d'inscription sur les listes d'aptitudes à ces emplois et en permettant la réinscription de personnes déjà radiées. Ces mesures témoignent de l'attention particulière que porte le Gouvernement à l'endroit des harkis et de leurs ayants cause au regard des sacrifices qu'ils ont consentis au cours de l'histoire. Cependant, l'effort en faveur de ces personnes doit être poursuivi. C'est pourquoi le Président de la République a reçu les associations de harkis, le 4 juillet 2014, et a demandé au Gouvernement d'établir un plan d'actions détaillé en leur faveur. Ce plan d'actions a été présenté par le Premier ministre, le 25 septembre 2014, lors de la journée nationale d'hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives. Fort de dix mesures, il vise une intégration entière des harkis et de leurs familles à la communauté nationale en leur accordant une pleine reconnaissance et une meilleure réparation. Au titre de la reconnaissance et de la mémoire, le Gouvernement s'engage ainsi à faire connaître l'histoire des harkis, notamment grâce à des actions éducatives et culturelles. À cet égard, le Premier ministre a donné des instructions aux recteurs et inspecteurs d'académie pour entreprendre, en lien avec les services départementaux de l'ONAC-VG, des actions éducatives portant sur la mémoire des anciens supplétifs. En outre, les agents de l'ONAC-VG, des préfectures, des structures d'insertion mais aussi des acteurs du monde culturel seront formés aux enjeux de la mémoire des harkis. De même, l'ONAC-VG, en coopération avec le service historique de la défense, se verra confier la mission de recueillir les témoignages oraux des harkis, afin de profiter de la mémoire vivante des anciens supplétifs. La diffusion de ces témoignages, qui sera naturellement subordonnée au consentement des intéressés, ouvrira la voie à de futures actions pédagogiques et scientifiques. Au nombre des mesures de reconnaissance et de mémoire figure également la création d'un nouveau lieu de mémoire et de recueillement à Paris. En effet, les représentants des harkis ont souvent fait part de leur volonté de voir créer un tel lieu de mémoire, en plus de la plaque déjà apposée en leur honneur aux Invalides. Soucieux d'une application rapide de ce plan, le Gouvernement a déjà concrétisé cet engagement. C'est ainsi que le 25 septembre 2014, à l'occasion de la journée nationale d'hommage aux harkis et autres membres des formations supplétives, le Premier ministre et le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire ont dévoilé une stèle en hommage aux harkis au mémorial de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie, situé quai Branly à Paris, affirmant ainsi pleinement l'appartenance des anciens supplétifs au monde combattant et l'intégration de leur histoire à la mémoire nationale. De plus, le Gouvernement souhaite voir transformer en lieux de mémoire les anciens hameaux de forestage qui accueillirent plus de 10 000 harkis, conjoints et enfants de harkis après 1962, dans des conditions de vie extrêmement précaires. À cet effet, des plaques seront apposées dans ces anciens hameaux, en coopération avec l'Office national des forêts qui employa ces anciens supplétifs. Elles permettront une réelle diffusion géographique de la mémoire des harkis sur de nombreux territoires. Il souhaite également qu'il soit procédé à l'identification des lieux d'inhumation des harkis et de leurs enfants morts et parfois inhumés anonymement dans les camps où ils furent hébergés. Dans cette perspective, l'ONAC-VG mènera un travail basé notamment sur les archives de la gendarmerie et des communes pour identifier ces lieux, ainsi que les personnes qui y sont inhumées. Par ailleurs, ce plan d'actions contient plusieurs mesures visant à favoriser le renforcement des relations entre l'administration et les harkis, et à améliorer les dispositifs existant concernant l'accès à l'emploi et la réparation. Au nombre de ces mesures figure ainsi la création de comités régionaux de concertation destinés à faciliter le dialogue entre les associations de harkis et les services de l'État. Ces comités auront pour mission notamment d'informer les intéressés sur le droit au logement. S'agissant de l'accès à l'emploi, force est de constater que le bilan actuel du dispositif des emplois réservés en faveur des enfants de harkis dans les trois fonctions publiques est très inégal selon les fonctions publiques concernées. Afin d'améliorer ce bilan, un effort d'information va être conduit auprès des recruteurs des fonctions publiques territoriale et hospitalière pour promouvoir ce dispositif d'accès aux emplois publics. En matière d'indemnisation, le Gouvernement a décidé de revaloriser l'allocation de reconnaissance de 167 euros par an à compter du 1er janvier 2015, ce qui a eu pour effet de porter son montant à 3 415 euros pour les bénéficiaires ayant opté pour le seul versement d'une rente annuelle, et à 2 322 euros pour ceux ayant opté pour le maintien de l'allocation et le versement d'un capital. Décidée dans un contexte budgétaire contraint lié notamment à l'effort de redressement des comptes publics, cette mesure de revalorisation inscrite à l'article 86 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 représente un effort budgétaire d'un million d'euros. Enfin, nombre d'enfants de harkis hébergés dans des camps militaires à l'issue de la guerre d'Algérie, ont été victimes de freins au regard de l'accès à la formation et à l'emploi. C'est pourquoi, afin d'améliorer leurs droits à la retraite, une possibilité de rachat des trimestres au titre des périodes passées dans ces camps, durant lesquelles ils n'ont pas pu se constituer de droits à la retraite, leur est ouverte. Les enfants de harkis ayant eu entre 16 et 21 ans dans ces camps pourront donc racheter jusqu'à 4 trimestres de cotisation, afin de pouvoir prétendre plus facilement à une retraite à taux plein. Pour ce faire, ils bénéficieront d'une aide forfaitaire de 2 000 euros par trimestre, ce qui représente 60 % du coût moyen pour ce type de rachat. Cette aide pourra aller jusqu'à 8 000 euros par personne, représentant ainsi le rachat de 4 trimestres de cotisations. Le Gouvernement est mobilisé sur le succès de ce plan d'actions qui témoigne de la reconnaissance de la Nation à l'égard des harkis et de leurs ayants cause.
Auteur : Mme Josette Pons
Type de question : Question écrite
Rubrique : Anciens combattants et victimes de guerre
Ministère interrogé : Défense
Ministère répondant : Anciens combattants et mémoire
Dates :
Question publiée le 3 février 2015
Réponse publiée le 10 mars 2015