14ème législature

Question N° 73272
de Mme Marietta Karamanli (Socialiste, républicain et citoyen - Sarthe )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > droits de l'Homme et libertés publiques

Tête d'analyse > lutte contre le racisme

Analyse > Internet. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 03/02/2015 page : 680
Réponse publiée au JO le : 11/08/2015 page : 6195

Texte de la question

Mme Marietta Karamanli attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la lutte contre l'antisémitisme, le racisme et les discriminations sur Internet. En 2010, un rapport officiel remis au Premier ministre « lutter contre le racisme sur internet » fixait trois objectifs : mieux mesurer le phénomène ; mieux orienter la politique pénale en direction des cas les plus graves mais aussi du racisme ordinaire et en développant l'éducation aux médias vers les jeunes ; lutter contre les évasions vers les paradis du net où s'installent les sites ouvertement racistes. Parallèlement de nombreux messages envoyés par des courriels à des adresses personnelles et à large échelle diffusent des informations fausses mettant en cause les étrangers avec un motif évident et récurrent de provoquer la haine et la xénophobie. Il s'agit de provocation « publique » via un grand nombre de message adressés à des personnes, visant la discrimination, la haine ou la violence à l'égard d'un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une race ou une religion déterminée. Elle lui demande d'une part les suites données au rapport cité, d'autre part les initiatives envisagées pour rechercher la responsabilité des personnes diffusant des informations relevant d'une possible qualification pénale non à travers un site mais à travers des messages standards adressés par voie de courriels.

Texte de la réponse

La lutte contre les propos racistes, antisémites xénophobes et discriminatoires, notamment sur internet, qui sont en contradiction totale avec les valeurs fondamentales de notre société, constitue une priorité de politique pénale du Gouvernement. C'est ainsi que par dépêche du 27 juin 2012 et par circulaire du 12 janvier 2015, relatives aux infractions commises à la suite des attentats terroristes commis les 7, 8 et 9 janvier 2015, la garde des sceaux a rappelé aux procureurs généraux la nécessité d'apporter une réponse pénale rapide et adaptée à de tels comportements. La loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse permet de sanctionner la diffusion sur internet de propos à caractère antisémite au titre soit de la diffamation publique (article 32 alinéa 2), soit de l'injure publique (article 33 alinéa 3), soit, enfin de la provocation publique à la discrimination, à la haine ou à la violence à raison de l'origine ou de l'appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée (article 24 alinéa 7). La loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dérogeant à la prescription trimestrielle de l'article 65 de la loi sur la presse, a élevé à un an le délai de prescription pour ces trois délits. La loi du 27 janvier 2014 visant à harmoniser les délais de prescription des infractions prévues par la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, a porté à un an le délai de prescription du délit de provocation à la haine, à la violence ou aux discriminations à raison du sexe, de l'orientation sexuelle ou du handicap. La loi du 5 mars 2007 a introduit par ailleurs une nouvelle procédure à l'article 50-1 de la loi du 29 juillet 1881 qui permet désormais, s'agissant des faits de provocation publique (article 24 de la loi) et de contestation de crimes contre l'humanité (article 24 bis du même texte), au ministère public et à toute personne ayant intérêt à agir, de demander au juge des référés d'ordonner l'arrêt d'un service de communication au public en ligne. En outre, les hébergeurs se voient imposer par la loi trois types d'obligations. En effet, les articles 6 I-2 et 6 I-3 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l'économie numérique prévoient que la responsabilité civile ou pénale de l'hébergeur peut être engagée dans l'hypothèse où il a effectivement connaissance de l'information illicite diffusée et qu'il n'agit pas promptement pour la retirer ou la rendre inaccessible. Si les hébergeurs ne sont pas soumis à une obligation générale de surveillance, l'article 6. I. 7, alinéa 2 de la loi du 21 juin 2004 dispose qu'ils peuvent être astreints à une activité de surveillance ciblée et temporaire demandée par l'autorité judiciaire. De même, en vertu de l'article 6. I.8 de la loi de 2004, les fournisseurs d'accès et d'hébergement ont l'obligation de déférer aux décisions de justice destinées à faire cesser ou à prévenir un dommage. Enfin, l'article art. 6. I. 7, alinéa 4 de la loi du 21 juin 2004 impose aux fournisseurs d'accès et d'hébergement de « mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données », sous peine d'un an d'emprisonnement et de 75 000 € d'amende. Le ministère de la justice est également amené à coopérer avec le ministère de l'intérieur pour renforcer la lutte contre ces infractions commises par l'intermédiaire des nouvelles technologies. La plateforme d'harmonisation d'analyse, de recoupement et d'orientation des signalements (PHAROS) est accessible au public via un portail qui autorise les internautes, les fournisseurs d'accès et services de veille étatiques à signaler en ligne les sites ou contenus contraires aux lois et règlements diffusés sur internet. Une équipe d'une dizaine d'enquêteurs, composée à parité de gendarmes et de policiers, analyse et rapproche les signalements puis les oriente vers les services de police et unités de gendarmerie en fonction d'un protocole de compétences articulé autour de critères matériels et territoriaux. Afin d'améliorer le traitement des enquêtes relatives à la cybercriminalité, une circulaire interministérielle a été signée le 19 juillet 2013 : elle rappelle les missions de la plateforme PHAROS et favorise la circulation de l'information et des signalements entre services d'enquête. Des perspectives d'évolution de la plate-forme sont déjà envisagées, à moyen ou long terme, y compris au niveau européen. La question de la compétence territoriale est fondamentale dans le traitement policier et judiciaire de la cybercriminalité car dans de nombreuses affaires, les investigations sont transfrontalières. Les règles de compétence des juridictions françaises contenues dans le code pénal sont complètes et permettent de poursuivre et de sanctionner des actes commis hors des frontières de la République, y compris par des personnes de nationalité étrangère. En effet, appliquée à l'internet, la compétence des juridictions françaises peut être retenue dès lors que les contenus illicites diffusés sont accessibles depuis la France. Par une lettre de mission du 17 juin 2013, il a été confié à Monsieur Marc ROBERT, procureur général près la cour d'appel de Riom, la présidence d'un groupe de travail interministériel dont l'objet est de mener une réflexion approfondie sur la cybercriminalité. Il était composé des représentants des ministères de la justice, de l'intérieur, de l'économie, des finances et de l'économie numérique. Les travaux de ce groupe ont porté sur l'adaptation du droit matériel et processuel aux nouvelles formes de criminalité, l'adaptation des moyens d'enquête, l'adaptation de la gouvernance interministérielle au niveau national, l'aide aux victimes, la sensibilisation des publics, la construction de stratégies de prévention de la cybercriminalité. A l'issue de ces travaux, le procureur général Marc ROBERT a remis son rapport le 30 juin 2014 aux ministres de la justice et de l'intérieur ainsi qu'à la secrétaire d'état au numérique. Il formule des propositions concrètes dont la mise en oeuvre est à l'étude. Enfin, le ministère de la justice accompagnera la mise en place du plan national de lutte contre le racisme et l'antisémitisme 2015-2017, que vient d'adopter le Gouvernement. Ce plan, qui dispose de moyens propres pour financer des projets innovants et accompagner l'action des partenaires de terrain, définit quatre priorités, dont deux concernent directement l'action du ministère de la justice : - sanctionner chaque acte raciste ou antisémite, - protéger les victimes et, plus spécifiquement, les utilisateurs d'internet de la propagation de la haine. Pour mettre en oeuvre ses priorités, le plan gouvernemental insiste notamment d'une part sur l'exigence d'une refonte des politiques locales de citoyenneté, et d'autre part, sur la nécessité de rendre la sanction pénale plus efficace et plus pédagogique en la matière et de développer les peines alternatives ou complémentaires à valeur pédagogique.