14ème législature

Question N° 73313
de Mme Cécile Duflot (Écologiste - Paris )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > étrangers

Tête d'analyse > immigration

Analyse > mineurs isolés. sans abri. accueil. scolarisation.

Question publiée au JO le : 03/02/2015 page : 677
Réponse publiée au JO le : 26/01/2016 page : 814
Date de signalement: 12/05/2015

Texte de la question

Mme Cécile Duflot attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur concernant la situation des jeunes scolarisés sans papiers ou sans abri. Ses services viennent d'accorder la nationalité française à Lassana Bathily dont le parcours fait écho à celui de nombreux autres jeunes étrangers arrivés en France après un long périple. Arrivé en 2008 pour rejoindre son père, M. Bathily a passé deux CAP. Aux termes de ces formations, la préfecture lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, puis adressé une OQTF. Avec le soutien d'associations comme RESF ou la Ligue des droits de l'Homme, il a pu échapper au centre de rétention et à la reconduite à la frontière. Après un parcours du combattant, plusieurs recours au tribunal administratifs, et deux années de lutte, M. Bathily a eu la chance d'obtenir un titre de séjour et a pu travailler. C'est comme salarié de l'Hypercasher qu'il s'est illustré de la plus belle des façons comme chacun le sait. À Paris, dans le même temps, devant l'absence de solutions avancées tant par l'État que par la municipalité, des lycées ont dû exceptionnellement ouvrir leurs portes la nuit pour assurer un toit à des élèves sans abris soutenus par leurs professeurs et camarades de classe. La municipalité a dû exceptionnellement ouvrir un gymnase pour abriter plusieurs dizaines de mineurs isolés, en attente d'une mise à l'abri par les services de l'aide sociale à l'enfance. La loi française est pourtant censée leur garantir une protection immédiate mais, à Paris, les délais avant de pouvoir être évalués par les services mandatés atteignent plusieurs semaines, pendant lesquelles ces jeunes restent à la rue. J'ai depuis entendu les annonces de Dominique Versini, adjointe chargée de la solidarité et de la lutte contre les exclusions, pour que la municipalité fasse le maximum à leur encontre. Il y a plus grave. En cas de doute sur leur âge, la présomption de minorité, pourtant prévue dans la loi, n'est pas appliquée et les examens qui s'ensuivent, parfois humiliants et imprécis comme les tests osseux, laissent ces enfants sans protection pour un temps prolongé. Lorsqu'ils sont estimés majeurs, ces jeunes se voient refuser toute protection au titre de l'enfance en danger. De plus, ces jeunes ne peuvent déposer de demande de régularisation avant que leurs papiers ne stipulent leur majorité, la préfecture opposant fermement refus à toute demande de titre de séjour sur la base de résultats de tests osseux. Le 115 applique la même politique, ce qui les prive d'accès à toute forme d'hébergement d'urgence. Il convient de rappeler que la fiabilité de ces tests osseux est contestée par l'ordre des médecins qui en demandait dès 2010 l'interdiction dans le cadre des politiques d'immigration. La loi française garantit une protection aux mineurs isolés étrangers. Mais avec un accompagnement de plus en plus limité d'un point de vue éducatif, et sur la durée. Les contrats « Jeunes majeurs » permettant de soutenir ces jeunes au-delà de leurs 18 ans deviennent quasiment inexistants, l'aide sociale à l'enfance ne permet plus de sécuriser les parcours d'insertion de jeunes pourtant pleinement motivés. Beaucoup de jeunes hommes et de jeunes filles se retrouvent de fait à la rue dès leur majorité, et les dispositifs de droits communs ne permettent pas l'accueil de jeunes sans papiers. La très grande majorité de ces jeunes poursuivent des parcours de formation, et s'intègrent sans aucun problème lorsque sont levés les obstacles à leur embauche. Ces jeunes scolarisés ne sont ni un danger ni une menace : ils sont une richesse pour la France, un investissement pour demain ! Ils sont l'avenir, ils se forment, trouvent du travail et participent à la vie économique et sociale du pays. Faute de papiers ils ont du mal à valider leurs stages et donc leur diplôme. Faute de papiers, ils ont du mal à trouver un employeur alors que leur filière professionnelle recherche ces jeunes bien formés et qui ont développé des compétences appréciées. Avec le souci d'offrir en France un accueil digne de ces futurs jeunes citoyens de France ou d'ailleurs, elle souhaite connaître sa position sur deux points. Que compte faire le Gouvernement concernant la régularisation de ces jeunes majeurs, lycéens ou en formation professionnelle ? Par ailleurs, les tests d'âge osseux en matière de politique d'immigration ne sont pas fiables et créent exclusion et injustice. Bien que cette question appelle également l'avis de Mme la Garde des Sceaux, elle souhaite savoir s'il compte y mettre un terme.

Texte de la réponse

La situation des mineurs isolés, étrangers ou non, fait l'objet d'une évaluation par le président du conseil départemental, avec le concours du représentant de l'État et de l'autorité judiciaire, qui inclut le cas échéant des investigations sur l'état de minorité du jeune. Comme rappelé par un rapport inter-inspections, remis en juillet 2014, qui en a évalué la mise en œuvre, il est tenu compte d'un faisceau d'indices : - Entretiens conduits par un personnel qualifié dans le cadre d'une approche pluridisciplinaire ; - Vérification de l'authenticité des documents d'état civil éventuellement fournis ; - « si le doute persiste et seulement dans ce cas », il peut être procédé à une expertise médicale de l'âge sur réquisition du Parquet (radiographie des os du poignet, mais aussi examen dentaire). Les tests osseux, dont la mise en oeuvre revient en premier lieu à l'autorité judiciaire, ne permettent pas de déterminer l'âge exact de l'intéressé avec une absolue certitude. Il s'agit d'un outil parmi d'autres, dont la valeur ajoutée ne doit pas être surestimée mais qui est néanmoins réelle pour contribuer à déterminer l'état de minorité, et donc la nécessité d'une protection adaptée. Le Haut conseil de la santé publique, dans son avis du 23 janvier 2014, précise ainsi que cet examen « sert à détecter des arguments médicaux de forte probabilité de minorité », qui permettent au médecin de « se prononcer sur la compatibilité entre l'âge allégué et l'âge estimé. » Ainsi, la jurisprudence qui s'impose aux préfets lorsqu'ils examinent les demandes de titres de séjour précise de manière constante que les tests osseux seuls ne sauraient fonder une décision de refus de séjour. C'est d'ailleurs le sens de l'avis du Conseil national consultatif d'éthique du 23 juin 2005, qui « ne récuse pas a priori leur emploi, mais suggère que celui-ci soit relativisé de façon telle que le statut du mineur ne puisse en dépendre exclusivement ».  Les mineurs étrangers isolés ne rentrent pas dans le champ de la politique d'immigration. Dès que leur minorité est établie, ils doivent recevoir une protection adaptée par l'aide sociale à l'enfance. C'est à leur majorité que la question de leur droit au séjour peut se poser. S'agissant des régularisations de jeunes majeurs, le code de l'entrée et de séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoit : - une régularisation automatique de tout jeune arrivé en France avant l'âge de 13 ans ; - une régularisation automatique de tout jeune pris en charge par l'aide sociale à l'enfance avant ses 16 ans. En outre, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, l'étranger, qui a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance entre 16 et 18 ans en qualité de mineur isolé, peut bénéficier, sous certaines conditions, d'une admission exceptionnelle au séjour au titre de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en qualité de salarié, sous réserve qu'il justifie suivre une formation professionnelle qualifiante au sens du code de l'éducation et fournisse des indications sur la nature des liens gardés avec la famille dans son pays. L'avis de la structure d'accueil du jeune est en outre demandé. La circulaire du 28 novembre 2012, relative à l'admission exceptionnelle au séjour des étrangers en situation irrégulière, a souhaité aller au-delà de ces cas, en prévoyant que tous les étrangers entrés en France avant l'âge de 16 ans peuvent, sous certaines conditions, accéder à une admission exceptionnelle au séjour. Par ailleurs, le jeune majeur qui remplit les conditions de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qui poursuit des études secondaires ou universitaires ne relevant pas d'une formation professionnelle qualifiante peut, ainsi que le précise également la circulaire du 28 novembre 2012, bénéficier, au titre du pouvoir discrétionnaire du préfet, d'un titre de séjour portant la mention « étudiant ».