statut
Question de :
M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur les risques pesant sur la profession de commissaire-priseur et, par-delà, sur le marché de l'art en France. 75 % des commissaires-priseurs en France exercent deux activités différentes au sein de leur profession : judiciaire (inventaire de divorce, de partage, de succession, etc.) et volontaire (les ventes d'objets d'art et de collections). Cette activité annexe est rendue possible car, grâce à leur double formation en droit et histoire de l'art (niveau bac plus sept) et à leur travail judiciaire, les commissaires-priseurs ont une intime connaissance de la marchandise qu'ils vendent au niveau national. Cet état de fait justifie l'existence pour les commissaires-priseurs de deux statuts distincts, obtenus avec la réforme de la profession en 2000. Le projet de loi pour la croissance et l'activité a pour objectif de créer une « profession de commissaire de justice » regroupant les huissiers de justice et les commissaires-priseurs. Les huissiers n'ayant aucune compétence dans le domaine de l'art, cette fusion va permettre à des acteurs de formation très inégale d'effectuer de plein droit et sans restriction des inventaires, des prisées et des ventes aux enchères publiques. Avec l'entrée en vigueur d'une telle réforme, on passera de 400 à 4 000 professionnels, ce qui entraînera une atomisation du marché au profit des grandes structures anglo-saxonnes comme Sotheby's et Christie's. Ces dernières pourront ainsi augmenter leur part de marché tout en privilégiant des ventes opaques et en dispersant les œuvres achetées en France dans leurs bureaux du monde entier. 70 % des œuvres achetées en France partent déjà à l'étranger ; sans expert compétent pour apprécier la valeur des objets des particuliers, c'est le marché de l'art tout entier qui sera en danger. Alors même qu'un texte de transcription de directives européennes vient d'être voté, faisant en sorte de mieux protéger les œuvres qualifiées de « trésors nationaux » contre les sorties illégales du territoire, il souhaite alerter Mme la ministre sur les conséquences potentielles du projet de loi « croissance et activité » sur le marché de l'art avec la disparition de l'activité des commissaires-priseurs. Il attire son attention sur la nécessité de renoncer à cette réforme afin de réaffirmer la vocation de Paris à rester l'indiscutable capitale mondiale du marché de l'art.
Réponse publiée le 25 octobre 2016
Le II de l'article 61 de la loi no 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques a autorisé le Gouvernement à « prendre par ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi pour créer une profession de commissaire de justice regroupant les professions d'huissier de justice et de commissaire-priseur judiciaire, de façon progressive, en prenant en considération les règles de déontologie, les incompatibilités et les risques de conflit d'intérêts propres à l'exercice des missions de chaque profession concernée, ainsi que les exigences de qualifications particulières à chacune de ces professions ». En application de cette habilitation votée par le Parlement, l'ordonnance no 2016-728 du 2 juin 2016, relative au statut de commissaire de justice, a été publiée au Journal Officiel du 3 juin 2016. Un projet de loi de ratification sera déposé au Parlement dans les semaines à venir. Le Gouvernement s'est attaché, dans cette ordonnance, à préserver le régime des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, que le champ de l'habilitation ne lui permettait au demeurant pas de réformer. En particulier, aux termes du IV de l'article 2 de l'ordonnance susmentionnée, applicable à compter du 1er juillet 2022, les futurs commissaires de justice, incluant les anciens huissiers de justice, devront, pour pouvoir réaliser des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, remplir les conditions de qualifications professionnelles prévues pour exercer l'activité d'opérateur de ventes volontaires à l'article L. 321-4 du code de commerce. En outre, ces ventes volontaires devront être réalisées, le cas échéant, au sein d'une société ad hoc. Le marché des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques ne sera donc pas bouleversé par la création de la profession de commissaire de justice. Au contraire, la place de Paris dans le marché de l'art sera confortée, dans la mesure où l'expertise exigée des professionnels exerçant cette activité sort renforcée par cette réforme.
Auteur : M. Hervé Féron
Type de question : Question écrite
Rubrique : Professions libérales
Ministère interrogé : Culture et communication
Ministère répondant : Justice
Dates :
Question publiée le 3 février 2015
Réponse publiée le 25 octobre 2016