14ème législature

Question N° 73478
de M. Jean-Pierre Blazy (Socialiste, républicain et citoyen - Val-d'Oise )
Question écrite
Ministère interrogé > Finances et comptes publics
Ministère attributaire > Économie, industrie et numérique

Rubrique > transports aériens

Tête d'analyse > aéroport de Toulouse-Blagnac

Analyse > ouverture du capital. conséquences.

Question publiée au JO le : 03/02/2015 page : 674
Réponse publiée au JO le : 05/04/2016 page : 2759
Date de changement d'attribution: 30/06/2015
Date de signalement: 16/06/2015

Texte de la question

M. Jean-Pierre Blazy attire l'attention de M. le ministre des finances et des comptes publics sur sa décision de privatiser l'aéroport de Toulouse-Blagnac. Celle-ci traduit l'esprit de la loi du 20 avril 2005 relative aux aéroports qui autorise l'ouverture du capital d'Aéroports de Paris et des sociétés aéroportuaires gestionnaires des principaux aéroports régionaux. Ce désengagement de l'État inquiète notamment les élus des territoires aéroportuaires concernés autour de Toulouse, Lyon, Nice ou Bordeaux. Il rappelle que la tentative de privatisation de ces aéroports régionaux avait avortée sous le précédent quinquennat en 2011 devant les fortes réticences des élus locaux. Suite à la procédure d'appel d'offres, c'est la candidature d'un consortium sino-canadien Symbiose qui a finalement été retenue par l'État. Le groupe chinois est détenu par un oligarque et une holding immatriculée aux îles Vierges britanniques. Ce groupe a une filiale immatriculée dans ces mêmes îles, qui s'est alliée à un groupe canadien immatriculé aux îles Caïman et sous le coût de sanctions de la Banque mondiale jusqu'en 2023 pour corruption. Cette privatisation comme celles à venir cette année (Lyon-Saint-Exupéry, Nice-Côte-d'Azur) peut conduire à des abus de position dominante très dommageables pour l'ensemble de la filière et fragiliser davantage le transport aérien domestique. Dès lors, il est impératif qu'un actionnariat public (pacte d'actionnaires) majoritaire soit maintenu face aux groupes privés. En effet, pour les collectivités locales et la Chambre de commerce et d'industrie, liées par un pacte d'actionnaires et qui détiennent ensemble 40 % du capital de SATB, il est essentiel que cet équipement stratégique continue à être contrôlé par la puissance publique. L'aéroport de Toulouse-Blagnac constitue en effet un outil vital pour la dynamique économique de tout le Grand Sud-Ouest et il joue un véritable rôle de service public pour le transport des personnes et des biens de plusieurs régions. Le développement de ses activités ne peut se concevoir que dans une approche globale du territoire, avec toujours à l'esprit la prise en compte des conséquences environnementales de la croissance du trafic. En ce sens, les élus ont soumis l'idée d'obtenir une rétrocession d'une partie des parts (10 % à 15 %) du consortium Symbiose lors d'une réunion du conseil de surveillance de SATB. Il lui demande s'il trouve judicieux que l'État perçoive 300 millions d'euros en se privant de rester maître du jeu sur le sixième aéroport de France qui réalise plus de 10 millions d'euros de profit par an. Il lui demande également s'il n'est pas paradoxal de lutter pour la transparence fiscale et de choisir de tels candidats. Il lui demande enfin ses intentions concernant les aéroports de Lyon et de Nice ainsi que l'agenda prévisionnel d'éventuelles décisions de privatisation.

Texte de la réponse

A l'issue d'un appel d'offres ouvert, transparent et non-discriminatoire, l'Etat a cédé à CASIL Europe, société de droit français filiale de Shandong Hi-Speed Group et Friedmann Pacific Asset Management Ltd, une fraction de 49,99 % du capital de la société Aéroport Toulouse-Blagnac (ATB). L'Etat conserve 10,01 % du capital d'ATB, aux côtés de la CCI (25 %) et des collectivités locales (région, département et métropole qui détiennent ensemble 15 % du capital). Le groupe canadien SNC-Lavalin (qui n'est pas immatriculé dans les Iles Caïmans) n'est pas membre du consortium Symbiose, mais uniquement conseil technique auprès des actionnaires de CASIL Europe au même titre que l'aéroport de Shenzhen. S'il a effectivement connu certaines dérives, le groupe SNC Lavalin a depuis pris des mesures pour lutter contre la corruption ; en particulier l'état-major du groupe a été profondément remanié suite à l'inscription du groupe dans la liste noire de la Banque Mondiale, et les responsables mis en cause ont quitté le groupe. L'Etat s'est par ailleurs assuré que le schéma d'acquisition permet d'empêcher toute évasion fiscale et qu'aucune structure n'était interposée à des fins fiscales. En particulier, aucun flux de trésorerie ne sera versé aux actionnaires sous forme de management fees, de redevance de marques ou de contrats de prestation de services. S'agissant d'un aéroport exploité dans le cadre d'une concession et régulé, cette opération ne remet pas en cause les leviers dont l'Etat dispose pour s'assurer de la bonne prise en compte de ses objectifs d'intérêt général. En particulier, au titre de son rôle de concédant, l'Etat reste propriétaire des infrastructures, et conserve des pouvoirs étendus pour contrôler l'activité de la société et la sanctionner en cas de manquement. Par ailleurs, en sa qualité de régulateur, l'Etat continuera à homologuer chaque année les tarifs des redevances aéroportuaires et veillera à ce qu'elles évoluent de façon modérée. Le contrat de régulation économique actuel, en vigueur jusqu'en 2018, reflète cette modération tarifaire et devrait être suivi par d'autres contrats pour les périodes ultérieures. Le sujet des nuisances liées au trafic aérien demeurera sous le contrôle étroit des autorités publiques, la réglementation applicable demeurant par ailleurs inchangée. En tout état de cause, le développement de l'aéroport s'appuiera sur les instances de concertation existantes, notamment la commission consultative de l'environnement réunissant les usagers d'ATB, les élus concernés et les associations de riverains représentatives. Enfin, le transfert au secteur privé des sociétés aéroportuaires gérées dans le cadre d'une concession accordée par l'Etat nécessite l'autorisation préalable du législateur, conformément aux dispositions de l'article 191 de la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques du 6 août 2015. Cet article autorise ainsi le transfert au secteur privé des sociétés Aéroports de la Côte d'Azur et Aéroports de Lyon.