14ème législature

Question N° 73622
de Mme Michèle Delaunay (Socialiste, républicain et citoyen - Gironde )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires sociales, santé et droits des femmes
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > étrangers

Tête d'analyse > immigration

Analyse > mineurs isolés. examen médical. réglementation.

Question publiée au JO le : 10/02/2015 page : 815
Réponse publiée au JO le : 22/12/2015 page : 10606
Date de changement d'attribution: 17/02/2015

Texte de la question

Mme Michèle Delaunay attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur le recours à des tests osseux afin d'établir l'âge de mineurs isolés étrangers. Un jeune migrant isolé arrivant en France est pris en charge différemment selon qu'il est majeur ou mineur. S'il est ou est reconnu majeur, il sera en situation irrégulière et menacé d'expulsion du territoire. En revanche, s'il est ou est reconnu mineur, il sera pris en charge par l'État français, selon le dispositif juridique de protection de l'enfance, applicable sans condition de nationalité. Cela représente donc un enjeu décisif pour son avenir. Il est fréquent que les immigrés se présentent en France sans papiers d'identité ou que ces derniers soient illisibles, rayés ou abimés. Pour déterminer l'âge du jeune migrant, la justice fait alors procéder à des tests osseux et à des examens physiologiques effectués par des médecins habilités par le ministère de la justice. Les résultats de l'examen sont comparés à un atlas de référence, dit de Greulich et Pyle, réalisé à partir de données recueillies de 1931 à 1942 auprès d'une cohorte d'enfants nord-américains et de niveau socio-économique élevé. Cette cohorte ne correspond ni aux générations actuelles, ni aux populations migrantes présentes en France. Plusieurs études estiment ainsi un intervalle de confiance de plus ou moins 2 ans rendant la fiabilité de ces tests pour déterminer l'âge d'un jeune immigré fortement sujette à caution. Dès 2010, dans un avis formel, le conseil de l'ordre des médecins réclamait que « les actes médicaux réalisés dans le cadre des politiques d'immigration, soient bannis, en particulier les radiologies osseuses » et dénonçait le fait que des médecins étaient ainsi appelés à prendre des positions qui ne devraient pas être déterminantes, tant elles peuvent être subjectives. Elle souhaite connaître sa position sur ces tests controversés dont dépend l'avenir de nombreux jeunes migrants isolés.

Texte de la réponse

Tout enfant en danger sur le territoire national peut bénéficier du dispositif de protection de l’enfance, quelle que soit sa nationalité, son origine et son parcours. Les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille sur le territoire national, communément appelés mineurs isolés étrangers, ne sont pas toujours en mesure de prouver leur minorité, condition nécessaire pour bénéficier d’une mesure de protection. Dans le cadre de la procédure d’assistance éducative, l’article 1183 du code de procédure civile permet à l’autorité judiciaire d’ordonner toute mesure d’information, enquête sociale, examens médicaux, expertises psychiatriques et psychologiques… C’est à ce titre que des examens radiologiques, les tests osseux, peuvent être ordonnés en cas de doute sur la minorité de l’intéressé et après vérification des documents d’identité, conformément au protocole d’évaluation de l’âge annexé à la circulaire du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers. Ce protocole rappelle que ces examens ont un caractère subsidiaire, qu’ils ne constituent que l’un des éléments d’appréciation et que le doute doit être interprété en faveur de la minorité. Les conditions dans lesquelles ces tests sont pratiqués suscitent toutefois des interrogations, partagées par la garde des Sceaux, quant au respect de la volonté et de l’intérêt de ces enfants. Leur fiabilité est également questionnée, notamment lorsqu’ils sont utilisés seuls, puisqu’ils ne permettent pas d’établir d’âge certain et ne donnent qu’une indication comportant une marge d’erreur. Ces questions sont actuellement en débat devant le Parlement dans le cadre de la proposition de loi no 799 relative à la protection de l’enfant, déposée le 11 septembre 2014 par la sénatrice madame Michelle MEUNIER. A ce stade de la discussion, le recours aux tests radiologiques n’est possible qu’en cas d’accord de l’intéressé. Le doute lui profite.