14ème législature

Question N° 73677
de M. Olivier Audibert Troin (Union pour un Mouvement Populaire - Var )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > système pénitentiaire

Tête d'analyse > détenus

Analyse > radicalisation. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 10/02/2015 page : 857
Réponse publiée au JO le : 18/10/2016 page : 8704
Date de changement d'attribution: 28/01/2016
Date de renouvellement: 22/09/2015
Date de renouvellement: 26/07/2016

Texte de la question

M. Olivier Audibert Troin attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la perception de l'efficacité du système pénitentiaire français par nos concitoyens. En effet, il semble que pour un certain nombre d'entre eux, le système pénitentiaire soit défaillant ce qui suscite de vives inquiétudes. Les récents attentats terroristes ont fait naître une urgence et un besoin immédiat de nouvelles mesures pour renforcer la sûreté et la mission de prévention dans le milieu carcéral. Les trop nombreuses radicalisations de détenus en prison pourraient être liées à l'absence d'un vrai programme de prévention. De tels programmes existent déjà dans plusieurs pays (le Royaume-Uni, l'Australie, l'Indonésie, etc.) et incluent généralement des dimensions sociales, psychologiques et religieuses. Ils permettent par exemple à des imams « modérés » d'intervenir préventivement dans des quartiers sensibles, ou de se rendre en prison pour convaincre les détenus d'abandonner leur vision radicale de l'islam. Parallèlement, ces citoyens réclament la mise à disposition de moyens financiers plus importants pour le système pénitentiaire ainsi que des réformes structurelles. Par ailleurs, ils s'interrogent sur l'efficacité de la prise en charge des détenus jugés très dangereux à leur sortie de prison. C'est pourquoi il souhaite connaître précisément quelles sont les mesures envisagées par le Gouvernement et les moyens qu'il compte investir pour lutter contre le terrorisme.

Texte de la réponse

La lutte contre la radicalisation à dimension religieuse dans les établissements pénitentiaires fait partie des priorités du Gouvernement. Le plan de lutte contre le terrorisme annoncé par le Premier ministre le 21 janvier 2015, comporte un important volet pénitentiaire.  La création des unités de prévention de la radicalisation constitue l'une des principales mesures de la partie pénitentiaire du plan de lutte contre le terrorisme. Les cinq unités ont ouvert entre le 25 janvier et le 29 mars 2016. Elles sont de deux catégories : les unités d'évaluation situées à fresnes et à Fleury-Mérogis et les unités de prise en charge situées à Fleury-Mérogis, Osny et Lille-Annoeuillin. L'affectation en unité de prévention de la radicalisation est réservée aux hommes détenus majeurs, en raison de l'implantation de ces unités dans des établissements ou des quartiers d'hébergement n'accueillant qu'une population pénale masculine. Cette affectation permet d'assurer un encellulement individuel. Toute personne détenue placée en unité de prévention de la radicalisation est prise en charge dans le respect du régime ordinaire de détention, avec les droits et obligations y afférents (maintien des liens familiaux, accès aux activités, etc…). La mise en oeuvre de telles unités répond à la nécessité de proposer une prise en charge adaptée des personnes détenues radicalisées ou en voie de radicalisation, tout en veillant au respect du bon ordre au sein des établissements pénitentiaires concernés. Deux unités sont consacrées à l'évaluation des personnes détenues radicalisées ou en voie de radicalisation. L'une d'elle, implantée à la maison d'arrêt de Fresnes, bénéficie de la proximité du centre national d'évaluation. La gestion des interdictions de communiquer, nombreuses dans les dossiers d'association de malfaiteurs, a conduit à la création d'une seconde unité d'évaluation à la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis. A la suite de l'évaluation ainsi réalisée et en fonction de leur profil, les personnes détenues peuvent être intégrées à un programme de prise en charge et alors affectées dans l'une des trois autres unités implantées dans la maison d'arrêt d'Osny ou de Fleury-Mérogis, ou au centre pénitentiaire de Lille-Annoeuillin. Chaque unité propose des modes de prise en charge différents liés au profil des personnes. Par ailleurs, le personnel y est dédié (ce qui est rendu possible par les renforcements permis par le plan de lutte contre le terrorisme) et spécialement formé. Enfin, le dispositif des unités de prévention de la radicalisation n'est pas exclusif d'une prise en charge adaptée des détenus radicalisés dans tout établissement pénitentiaire. L'inspection des services pénitentiaires a rendu en mars 2016 un rapport relatif aux manifestations éventuelles d'une "radicalisation islamiste" au sein des maisons centrales. Il ressort de ce rapport qu'aucune maison centrale ne se trouve réellement en difficulté en la matière. Ces établissements, plus sécuritaires, dans un contexte de faible densité carcérale, disposent d'agents expérimentés et fidélisés, dotés d'un réel savoir-faire en matière d'observation et d'analyse des comportements. En outre, au regard de la nécessité de développer davantage des actions de prise en charge spécifique à destination des publics terroristes et/ou radicalisés, des programmes de prévention de la radicalisation vont être généralisés dans un certain nombre d'établissements, dont les maisons centrales et quartiers maison centrale. Par ailleurs, grâce au renseignement pénitentiaire, le ministère de la justice s'emploie à détecter les mouvements de repli identitaire et de radicalisation, et à gérer la détention des personnes concernées. Ainsi, le renseignement pénitentiaire a vu ses moyens renforcés avec 111 nouveaux emplois grâce au PLAT1. Les établissements les plus sensibles bénéficieront à terme (recrutements en cours) d'un à deux officiers pour coordonner ce renseignement et les directions interrégionales des services pénitentiaires sont renforcées par des personnels dédiés au renseignement (officiers, personnels d'insertion et de probation, informaticiens, analystes-veilleurs, traducteurs). Au niveau central, le bureau du renseignement pénitentiaire est également renforcé dans l'attente de la création d'un vrai service de renseignement d'ici janvier 2017.  Par ailleurs, la transmission d'informations en provenance des services de renseignement à destination des niveaux national, interrégional ou local du renseignement pénitentiaire est actuellement régie par des protocoles signés avec certains partenaires de renseignement (direction générale de la sécurité intérieure et unité de coordination de la lutte anti-terrorisme au niveau national). Un directeur des services pénitentiaires a été mis à disposition de l'unité de coordination de la lutte anti-terrorisme pour faciliter les échanges liés à la radicalisation en prison. De plus, une circulaire conjointe des ministères de l'intérieur et de la justice du 25 juin 2014 référencée INTK1410202C renforce la coopération entre les services de l'Etat et fait des services de l'administration pénitentiaire des membres des réunions des états-majors de sécurité en préfecture. En outre, le travail quotidien d'observation et de renseignement réalisé par les personnels pénitentiaires permet de mettre en œuvre des modalités de gestion de détention destinées à prévenir le prosélytisme. La formation des personnels est renforcée à cette fin en formation initiale et continue.  Il convient d'ajouter que la loi relative à la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement comporte des articles qui visent à doter le renseignement pénitentiaire d'une base juridique tant pour la sécurité des établissements pénitentiaires que, d'une manière générale, pour sa contribution à la sécurité nationale. Une mission de préfiguration va être lancée afin de créer le service de renseignement pénitentiaire et d'offrir un cadre unifié à ces actions. Par ailleurs, dans le prolongement des mesures annoncées par le Premier ministre le 21 janvier 2015, l'aumônerie musulmane a bénéficié d'une dotation complémentaire destinée à permettre le recrutement supplémentaire de 60 aumôniers indemnisés. Il convient de relever que l'aumônerie musulmane est, depuis cette année, l'aumônerie pénitentiaire qui bénéficie de la plus importante dotation.  Enfin, des mesures liées à l'encellulement individuel et reconnues comme contribuant à la déradicalisation sont financées à hauteur de 26 millions d'euros sur trois ans par l'amélioration des conditions de prise en charge des personnes détenues (réhabilitation de zones collectives ou individuelles en cellule) d'une part, et par l'accroissement des activités, des aménagements de peine et le développement de nouveaux programmes d'insertion et d'activité d'autre part. La lutte contre la radicalisation violente nécessite une réponse globale, coordonnée et transversale. Le Gouvernement, et le ministre de la justice en particulier, est pleinement mobilisé pour prendre en charge ce défi. L'apparition de ce phénomène en détention n'est qu'une partie de la problématique.