14ème législature

Question N° 7420
de Mme Laurence Dumont (Socialiste, républicain et citoyen - Calvados )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > système pénitentiaire

Tête d'analyse > détenus

Analyse > fouilles intégrales. réglementation.

Question publiée au JO le : 16/10/2012 page : 5686
Réponse publiée au JO le : 24/06/2014 page : 5274
Date de changement d'attribution: 03/04/2014
Date de renouvellement: 23/04/2013

Texte de la question

Mme Laurence Dumont interroge Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la pratique de la fouille intégrale en détention. S'il elle n'est pas justifiée par des raisons de sécurité, celle-ci porte en effet une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale de l'intéressé et peut constituer un traitement inhumain ou dégradant, au sens de la convention européenne des droits de l'Homme. Sans aller jusqu'à proscrire définitivement cette pratique, la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 est venue encadrer strictement l'usage de la fouille intégrale en détention, posant en effet un principe de proportionnalité en exigeant que la nature et la fréquence des fouilles soient « strictement adaptées [aux nécessités de la sécurité] et à la personnalité des personnes détenues ». L'article 57 de cette loi a également posé un principe de subsidiarité, qui ne permet les fouilles intégrales que « si les fouilles par palpation ou l'utilisation des moyens de détection électronique sont insuffisantes ». Le 27 avril 2010, M. Jean-Baptiste Mattei, représentant permanent de la France auprès de l'office des Nations-unies à Genève, relevait, lors de son audition par le Comité contre la torture de l'Organisation des nations unies (ONU), que, depuis la loi pénitentiaire et « en application de la jurisprudence de la Cour de Strasbourg, [le caractère systématique des fouilles] est désormais proscrit et elles n'ont lieu qu'en cas de nécessité suggérée par des indices sérieux ». L'Observatoire international des prisons (OIP) constate néanmoins que des régimes de fouilles intégrales systématiques à l'endroit de détenus ayant accès à certains secteurs de la détention sont toujours en vigueur dans nombre d'établissements pénitentiaires français. Saisies de recours engagés par cette organisation depuis le mois d'octobre 2011, plusieurs juridictions administratives ont sanctionné les directions des centres pénitentiaires de Rennes, de Poitiers-Vivonne et de Bourg-en-Bresse, des centres de détention de Salon-de-Provence et d'Oermingen, ou encore de la maison d'arrêt de Fresnes, en suspendant ou en annulant leur décision d'instaurer un régime de fouilles intégrales systématiques. L'OIP s'inquiète aujourd'hui de voir perdurer ces régimes de sécurité illégaux dans nombre d'établissements pénitentiaires, à plus forte raison lorsque ces établissements ont été sanctionnés par des décisions de justice. Face à ces vives inquiétudes, elle souhaite connaître sa position quant à la pratique des fouilles intégrales en détention et les intentions réelles du Gouvernement concernant ce procédé. Elle souhaiterait enfin connaître sa position sur la proposition des sénateurs Jean-René Lecerf et Nicole Borvo Cohen-Seat de prévoir l'installation de portiques à ondes millimétriques et la mobilisation des moyens nécessaires pour lutter contre les projections d'objets illicites à l'intérieur des établissements pénitentiaires (recommandations n° 11 et 12 du rapport d'information fait au nom de la commission des lois et de la commission pour le contrôle de l'application des lois sur l'application de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009).

Texte de la réponse

La nécessité de trouver un équilibre entre le respect de la dignité de la personne détenue et les impératifs de sécurité en établissement pénitentiaire constitue une préoccupation permanente de la Garde des sceaux. Le régime applicable en matière de fouilles a fait l'objet d'une évolution normative significative. Il est fixé par l'article 57 de la loi n° 1436 du 24 novembre 2009 et les articles R. 57-7-79 à R. 57-7-82 du code de procédure pénale issus du décret n° 2010-1634 en date du 23 décembre 2010 qui énoncent la nécessité d'adapter la nature de la fouille et sa fréquence aux circonstances de la vie en détention, au profil de la personne détenue et aux risques encourus en termes de sécurité et d'ordre. Ces nouvelles dispositions impliquaient une évolution des pratiques professionnelles fondées jusqu'alors sur des fouilles systématiques dans certaines circonstances, évolution que le précédent gouvernement n'avait jamais concrétisée. Pour rendre possible ce changement des pratiques professionnelles, la Garde des sceaux a lancé, le 3 juin 2013, un plan sans précédent de sécurisation des établissements pénitentiaires à hauteur de 33 millions d'euros, visant notamment à doter 35 établissements de dispositifs anti-projection, à créer deux nouvelles équipes cynotechniques, mais aussi à déployer des portiques à masse métallique dans les zones sensibles de tous les établissements et 20 fois plus de portiques à ondes millimétriques dans les établissements accueillant les détenus au profil le plus sensible. En outre, afin de permettre la parfaite application de l'article 57 de la loi pénitentiaire, les pratiques professionnelles ont été adaptées par une intensification du partenariat avec les autorités judiciaires et les autres services de l'Etat et par une révision de la formation des agents. La mise en oeuvre du protocole conclu le 14 mai 2013 avec l'organisation syndicale majoritaire a également permis de redéfinir le positionnement des personnels en détention et l'identité de ces métiers. Enfin, à la suite de la note du directeur de l'administration pénitentiaire du 11 juin 2013 demandant aux chefs d'établissement d'adapter les régimes de fouille, une nouvelle note détaillée sur les moyens de contrôle a été diffusée le 13 décembre 2013 à l'ensemble des établissements pénitentiaires pour réaffirmer le principe d'un double critère : celui de la nécessité et de la proportionnalité qui doit présider à la mise en place de toutes les fouilles, quelle que soit leur nature (par palpation ou intégrale) et quel que soit le lieu de détention (tous les établissements, les UHSI, UHSA etc.). L'ensemble de ces mesures permettra ainsi de concilier le respect des exigences européennes et légales avec la nécessaire préservation de l'ordre public des établissements pénitentiaires.