14ème législature

Question N° 74350
de M. Hervé Féron (Socialiste, républicain et citoyen - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Anciens combattants et mémoire
Ministère attributaire > Anciens combattants et mémoire

Rubrique > anciens combattants et victimes de guerre

Tête d'analyse > revendications

Analyse > conflits du XXe siècle. militaires condamnés à mort. attitude de l'État.

Question publiée au JO le : 24/02/2015 page : 1256
Réponse publiée au JO le : 31/03/2015 page : 2483

Texte de la question

M. Hervé Féron attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire, sur la question de la réhabilitation des fusillés pour l'exemple pendant la Première Guerre mondiale. Après que le service historique de la défense (SHD) a procédé à un nouveau comptable des fusillés de la Grande Guerre, retrouvant plus de deux cents dossiers supplémentaires, on estime désormais à neuf cent cinquante-trois le nombre de ces « poilus » exécutés pour l'exemple. Ce comptage a été rendu possible par la numérisation des archives des conseils de guerre relatives aux fusillés, désormais consultables sur internet. Ainsi, une centaine d'années après les faits, nous avons accès aux noms mais également aux dossiers de ces Français fusillés pour des motifs variés. En effet, comme le fait apparaître le rapport de l'historien M. Antoine Prost, commandé par le ministère des anciens combattants, une centaine de fusillés l'auraient été pour espionnage ou pour faits criminels. Par ailleurs, dans certains cas où le dossier est incomplet ou n'a pas été retrouvé, il est impossible de savoir pour quelle raison exacte telle ou telle personne a été fusillée. À la lumière de ces éléments, l'initiative prise à l'été 2014 par le sénateur Guy Fischer, qui a déposé une proposition de loi instaurant la réhabilitation collective de ces fusillés pour l'exemple, apparaît sous un jour différent. Néanmoins, étant donné le fait que plus de neuf fusillés sur dix l'ont été pour des motifs non liés à des faits criminels ou de l'espionnage, l'immense majorité pour désobéissance civile, il regrette que la proposition de loi sénatoriale visant à rétablir l'honneur des fusillés n'ait pas abouti. Il aurait été possible de s'inspirer de nos voisins britanniques qui ont voté dès 2006 une loi déclarative de pardon, qui eux-mêmes s'inspiraient de la démarche d'autres États (Nouvelle-Zélande en 2000, Canada en 2001). Alors même que viennent de s'achever les célébrations du centenaire de la Première Guerre mondiale, il attire donc son attention sur la nécessité de réhabiliter collectivement l'ensemble des fusillés pour l'exemple.

Texte de la réponse

Le 11 novembre 1998, soit 80 ans après la fin du premier conflit mondial, Lionel Jospin, alors Premier ministre, rendait un hommage aux mutins de Craonne sur le Chemin des Dames en 1917, à ceux qui, « épuisés par des attaques condamnées à l'avance, glissant dans une boue trempée de sang, plongés dans un désespoir sans fond, refusèrent d'être sacrifiés », et souhaitait « que ces soldats, "fusillés pour l'exemple" au nom d'une discipline dont la rigueur n'avait d'égale que la dureté des combats, réintègrent aujourd'hui, pleinement, notre mémoire collective nationale ». Il a ainsi, pour la première fois, célébré la mémoire de ceux qui avaient refusé, après la tuerie de l'offensive Nivelle, en avril 1917, de marcher au combat pour de nouveaux assauts inutiles et meurtriers. Si ce dossier a fait, par la suite, de la part des différents gouvernements qui se sont succédé, l'objet de nombreuses prises de position en faveur de la réhabilitation des « fusillés pour l'exemple » de la Première Guerre mondiale, aucune décision n'avait été prise. C'est pourquoi le ministre chargé des anciens combattants a décidé de faire un premier pas symbolique dans ce dossier en attribuant, à l'occasion de la commémoration du 11 novembre 2012, la mention « mort pour la France » au lieutenant Jean Chapelant, fusillé pour désertion le 11 octobre 1914 dans la Somme après avoir été adossé au poteau d'exécution sur un brancard improvisé, alors qu'il avait été blessé, fait prisonnier et s'était évadé. S'agissant de la réhabilitation collective des « fusillés pour l'exemple » de la guerre de 1914-1918, une proposition de loi sur cette question a effectivement été rejetée par le Sénat, en sa séance du 19 juin 2014. Au cours des débats relatifs à l'examen de cette proposition de loi, le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire a évoqué le souvenir du lieutenant Jean Chapelant et a déclaré notamment que la réhabilitation au cas par cas était la solution de la sagesse, qui respectait l'histoire comme les morts. Le travail de mémoire sur les fusillés de 1914-1918 se poursuit. En effet, dans le cadre du cycle mémoriel lié au centenaire de la Première Guerre mondiale, il est important de réintégrer les « fusillés pour l'exemple » dans notre mémoire collective. Ainsi, à la suite du rapport établi par l'historien Antoine Prost sur ce sujet et comme l'avait annoncé le Président de la République le 7 novembre 2013, un espace consacré aux fusillés de la Grande Guerre a été inauguré le 6 novembre dernier dans ce lieux prestigieux que constitue le musée de l'Armée situé aux Invalides. De même, une base de données des militaires et civils fusillés en application d'une décision de la justice militaire ou exécutés sommairement durant la Première Guerre mondiale est désormais accessible sur le site internet « Mémoire des hommes ». En effet, il ne s'agit plus aujourd'hui de juger ou de rejuger, mais de se souvenir et de comprendre, ainsi que le préconise le rapport d'Antoine Prost, car il n'y a pas de reconnaissance plus forte que celle de la connaissance.