14ème législature

Question N° 74736
de M. Jean-Louis Touraine (Socialiste, républicain et citoyen - Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Ministère attributaire > Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

Rubrique > recherche

Tête d'analyse > chercheurs

Analyse > précarisation. emplois scientifiques. perspectives.

Question publiée au JO le : 24/02/2015 page : 1281
Réponse publiée au JO le : 28/06/2016 page : 6002
Date de changement d'attribution: 06/03/2015
Date de signalement: 07/06/2016
Date de renouvellement: 15/03/2016

Texte de la question

M. Jean-Louis Touraine attire l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur la situation précaire dans laquelle se trouvent nombre de jeunes chercheurs français. Les jeunes chercheurs passent fréquemment plusieurs années en contrats à durée déterminée (CDD) dans les laboratoires, après l'obtention de leur doctorat, afin d'acquérir de l'expérience. Or la loi relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels du 12 mars 2012 a imposé de limiter à six ans la durée maximale d'un emploi en CDD, laquelle a ensuite été réduite à trois ans par décision conjointe des directions de l'INSERM et du CNRS. Si la loi Sauvadet a pu avoir des effets bénéfiques sur les agents précaires de la fonction publique, elle demeure inadaptée à la situation des jeunes docteurs. En effet, la limitation du nombre d'années sous CDD a des conséquences désastreuses pour la recherche publique française et les jeunes diplômés : fuite vers des pays plus propices au déploiement des carrières scientifiques, changement d'orientation professionnelle, chômage, etc. Par conséquent, il lui demande quelles solutions le Gouvernement envisage d'apporter pour répondre à la précarité à laquelle sont confrontés de nombreux jeunes chercheurs et soutenir la recherche publique française.

Texte de la réponse

La loi no 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique s'applique dans le secteur de l'enseignement supérieur et de la recherche dans les mêmes conditions que dans le reste de la fonction publique. La loi rappelle le principe selon lequel les emplois permanents de l'Etat doivent être occupés par des fonctionnaires. Toutefois, dans certains cas, une dérogation est possible et permet l'engagement d'agents contractuels par contrat d'une durée de trois ans renouvelable dans la limite de 6 ans, et ce pour certains motifs légaux de recrutement. Par ailleurs, l'expérience en doctorat dans le cadre d'un contrat doctoral n'est pas prise en compte dans la comptabilisation de l'ancienneté pour être éligible au dispositif Sauvadet. De même, en précisant les cas de recours au contrat, la loi a pour objectif de limiter la reconstitution de situations professionnelles instables. La responsabilité des établissements est d'accompagner ces personnels contractuels, afin de faciliter leur insertion pérenne, soit dans la fonction publique, soit dans le secteur privé. La loi du 12 mars 2012 précitée instaure notamment un dispositif de transformation des contrats en contrats à durée indéterminée pour les agents remplissant les conditions. Une circulaire du ministère de la réforme de l'Etat, de la décentralisation et de la fonction publique du 26 juillet 2012 précise notamment que les agents ayant occupé le même emploi pendant la durée de six ans exigée, alors même qu'ils ont été rémunérés par des employeurs successifs, peuvent bénéficier d'un contrat à durée indéterminée. Toutefois, ces employeurs doivent nécessairement relever de la même fonction publique. Ainsi, le ministère souhaite-t-il promouvoir une insertion professionnelle des jeunes docteurs au plus près de la thèse pour éviter les successions de contrats après l'obtention du doctorat et ainsi lutter contre toute précarisation de cette population. Dans la dynamique européenne, en lien avec les principes issus de la Charte européenne du chercheur et du code de bonne conduite pour le recrutement des chercheurs, le ministère encourage l'application des normes publiques concernant ces emplois non permanents : cadre contractuel, rémunération attractive, accès aux droits de l'ensemble des personnels des établissements (y compris à la formation tout au long de la vie), accompagnement spécifique pour réfléchir aux perspectives de carrières et à la recherche de l'emploi suivant… Dans la continuité de la loi Sauvadet, et en application du principe de responsabilité sociale des employeurs, les organismes de recherche ont élaboré des chartes valorisant ainsi les bonnes pratiques développées notamment en matière d'employabilité future des jeunes chercheurs et sensibilisant les différentes parties prenantes de la contractualisation d'un post-doctorat, afin que le devenir des bénéficiaires de ces contrats ne soit pas limité à la sphère de la recherche publique. En effet, force est de constater que la multiplication des CDD dans les établissements d'enseignement supérieur et de recherche ne facilite pas l'accès des docteurs au secteur privé. Aussi, convient-il de limiter la prolongation de ces contrats pour permettre aux docteurs de poursuivre leur carrière en dehors de la sphère académique. Les débouchés du doctorat sont divers et le seront de plus en plus, dans la mesure où le nombre d'emplois dans la recherche publique n'a pas augmenté en proportion du nombre de doctorats délivrés, et ce même en dehors de la période actuelle, caractérisée par des contraintes budgétaires mais aussi par une baisse des départs en retraite notamment dans les organismes de recherche. Dans une économie de plus en plus ouverte, globalisée et basée sur la connaissance, les docteurs ont vocation à irriguer l'ensemble des secteurs économiques, pas seulement la recherche publique, comme c'est le cas dans la plupart des pays développés ou émergents, où le doctorat est le diplôme de référence pour accéder à des postes de responsabilité. Les travaux entrepris par le ministère pour fondre les arrêtés existants sur la formation doctorale en un seul, afin de tenir compte de ces évolutions et de mieux valoriser le doctorat, ont abouti récemment avec la publication de l'arrêté du 25 mai 2016 fixant le cadre national de la formation et les modalités conduisant à la délivrance du diplôme national de doctorat (JO du 27 mai 2016). Le ministère incite les docteurs à se constituer en réseaux pour faire valoir leurs compétences au-delà du seul monde académique à travers différentes opérations qu'il soutient, par exemple l'opération « Ma thèse en 180 secondes ». Un dispositif comme le CIR, qui double l'assiette fiscale pour le recrutement d'un docteur, favorise l'emploi de docteurs dans la recherche privée. Le départ à l'étranger des docteurs ou des jeunes chercheurs ne doit plus aujourd'hui être considéré comme une perte de potentiel humain et intellectuel. La mobilité internationale à ce niveau de compétences tend à devenir la norme et une période de recherche à l'étranger est un plus pour le recrutement au sein des universités ou organismes de recherche français. La mobilité internationale, que ce soit au sein de l'Union européenne ou à l'extérieur, qu'elle soit sortante ou entrante, est une source de richesse pour la recherche française. Le ministère tend à favoriser l'accueil des doctorants et docteurs étrangers, ainsi que le retour des chercheurs français après une expérience internationale.