14ème législature

Question N° 74860
de M. Dino Cinieri (Union pour un Mouvement Populaire - Loire )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère attributaire > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Rubrique > travail

Tête d'analyse > réglementation

Analyse > détachement. directive européenne. contrôles.

Question publiée au JO le : 24/02/2015 page : 1309
Réponse publiée au JO le : 24/03/2015 page : 2362

Texte de la question

M. Dino Cinieri appelle l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la nécessité de mieux encadrer et de mieux contrôler les « travailleurs détachés » de l'Union européenne qui viennent accomplir des missions professionnelles en France. La directive de 1996 précise qu' « un travailleur est considéré comme détaché s'il travaille dans un État membre de l'UE parce que son employeur l'envoie provisoirement poursuivre ses fonctions dans cet État membre ». Pour ces travailleurs détachés, les cotisations sociales appliquées sont celles du pays d'origine. Cela permet ainsi à un employeur d'embaucher des travailleurs à moindre coût dans des pays aux cotisations sociales bien plus élevées. En revanche, le salaire et les conditions de travail de l'employé détaché relèvent des règles du pays dans lequel il travaille. Un travailleur détaché en France doit donc toucher au moins le smic. Avant le début de la prestation, l'employeur doit transmettre une déclaration préalable de détachement à l'unité territoriale du lieu où s'effectue la prestation (ou du premier lieu de l'activité en cas de prestation « itinérante ») en langue française, par lettre recommandée avec avis de réception ou par télécopie, ou par transmission électronique. Ce phénomène des travailleurs détachés donne lieu à des abus manifestes, notamment à cause du manque de précision du cadre réglementaire européen et l'on estime qu'aujourd'hui, il y aurait au moins 300 000 travailleurs détachés en activités dans notre pays, principalement dans les secteurs du bâtiment, de l'intérim et de l'industrie. Une telle situation n'est plus tolérable, alors que notre pays connaît un niveau de chômage très élevé et qu'un grand nombre de nos concitoyens recherche un emploi, même ponctuel. Il lui demande donc de lui préciser quelles mesures le Gouvernement compte mettre en œuvre pour renforcer les contrôles de l'inspection du travail auprès de ces travailleurs détachés, renforcer les obligations déclaratives des entreprises faisant appel à cette catégorie de travailleurs, renforcer les sanctions pour les entreprises qui emploient illégalement ce type de travailleurs et instaurer une carte professionnelle de « travailleur détaché » qui permette une véritable traçabilité des activités et missions accomplies dans ce cadre.

Texte de la réponse

Pour la bonne application des règles relatives au détachement dans un contexte de libre circulation accrue des travailleurs au sein de l'Union Européenne et compte tenu du constat de certaines pratiques de contournement du droit (exemple des entreprises « boîte aux lettres »), la directive européenne 2014/67/UE du 15 mai 2014 renforce les moyens dont disposent les États pour lutter contre les pratiques frauduleuses. Elle prévoit notamment différentes mesures destinées à permettre une information plus précise et plus accessible des acteurs du détachement et à faciliter le contrôle et les sanctions des entreprises qui ne respectent pas les droits des salariés détachés et les règles encadrant la prestation de service transnationale. Le Gouvernement a fait le choix de devancer la transposition de cette directive en soutenant avant même la fin des négociations, l'initiative législative du député M. Savary. La loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale a donc notamment pour objet de transposer cette directive et de compléter la réglementation en matière de lutte contre les fraudes au détachement. Elle instaure un dispositif de responsabilité solidaire entre le donneur d'ordre et l'un de ses sous-traitants s'il ne respecte pas, ou pas intégralement, l'obligation de verser aux salariés - notamment détachés - une rémunération au moins égale au salaire minimum légal ou conventionnel. Elle transpose ainsi la directive d'application en garantissant à tous les salariés, et notamment aux salariés détachés, la possibilité de faire valoir leur droit au paiement d'un salaire conforme au minimum légal ou conventionnel. Mais elle va aussi plus loin que le dispositif prévu dans la directive. D'une part, la responsabilité solidaire mise en place n'est pas limitée au seul secteur du bâtiment mais s'applique à tous les secteurs professionnels. D'autre part, cette responsabilité pèse sur les maîtres d'ouvrage et l'ensemble des donneurs d'ordre, quel que soit leur rang dans la chaîne de sous-traitance et n'est pas limitée au seul cocontractant. La loi complète également l'arsenal législatif français en matière de lutte contre les fraudes au détachement, notamment en élargissant les possibilités d'action offertes aux organisations professionnelles d'agir en justice même si l'action publique n'a pas été mise en mouvement par le ministère public ou par la partie lésée et en autorisant les organisations syndicales à agir au nom d'un salarié détaché même en l'absence d'accord expresse de l'intéressé. L'obligation de déclaration préalable de détachement et de désignation d'un représentant en France est désormais consacrée par la loi. Son non respect est sanctionné par une amende, qui peut aussi être infligée au donneur d'ordre qui ne s'est pas assuré que son prestataire de service s'est acquitté de ces formalités. Enfin, la loi contient des dispositions qui renforcent les sanctions applicables en cas de travail illégal, qui peut souvent être constaté dans les cas de fraude au régime du détachement. Mais il faut amplifier l'action et traduire les sanctions dans les faits. C'est pourquoi figurent dans le projet de loi croissance et activité trois mesures importantes : - Premièrement l'augmentation de l'amende administrative pour non respect de la déclaration de détachement, avec un passage du plafonnement du cumul d'amendes de 10 000 € à 500 000 €. - Deuxièmement la possibilité pour l'autorité administrative de suspendre une prestation de service internationale. - Enfin La généralisation d'une carte d'identité professionnelle obligatoire sur tous les chantiers du BTP. Par ailleurs, les contrôles seront considérablement renforcés en 2015. 30 000 contrôles conjoints avec l'URSSAF seront opérés notamment dans les secteurs prioritaires, soit 8 000 de plus avec une action ciblée sur 500 grands chantiers. De plus, dans le cadre de la nouvelle organisation de l'inspection du travail, pour accentuer les contrôles, ont été créés un groupe national chargé des affaires les plus sensibles et des unités régionales. Le gouvernement est totalement engagé dans la lutte contre le travail détaché illégal. Il le fait pour les salariés employés dans des conditions indignes, pour les entreprises victimes du dumping social mais aussi pour l'emploi.