Rubrique > droit pénal
Tête d'analyse > légitime défense
Analyse > régime juridique. perspectives.
M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur la problématique de la légitime défense dans le cadre des violences conjugales. Cette problématique s'est récemment invitée dans le débat public avec l'acquittement le 23 mars 2012 d'une femme qui encourait la réclusion à perpétuité pour avoir tué d'un coup de couteau son mari, lui-même tentant de l'étrangler. Ayant subi un calvaire pendant plus de dix ans, cette dame avait à plusieurs reprises demandé de l'aide auprès des services de police ou encore auprès d'un foyer de femmes maltraitées. Au cours de son procès, ses deux avocates avaient tenté d'invoquer la légitime défense, en vain. En effet, l'article 122-5 du code pénal qui définit la légitime défense dispose que trois conditions doivent être remplies : il doit y avoir agression, puis un acte de riposte à but défensif de l'agressé ou d'une tierce personne ; enfin, la réponse doit être proportionnelle à l'attaque. Or, dans ce cas, cette dernière condition n'était pas remplie, du fait de son recours à une arme blanche, alors que son mari n'en était pas muni. Considérant les antécédents très lourds de l'accusée, l'ensemble de ses démarches infructueuses pour sortir de son calvaire, ainsi que le coup unique porté à son mari, l'avocat général avait alors appelé les jurés à l'acquitter. Ce cas, qui était une première en France, demeure unique à ce jour. A la fin du mois d'octobre 2014, une autre femme, également victime de violences conjugales, a mis fin aux jours de son mari avec trois coups de fusils dans le dos, ce qui lui a valu une condamnation à dix ans de prison ferme. Dans d'autres pays du monde, et notamment au Canada depuis 1990, une « présomption de légitime défense » existe et vise à caractériser ces situations de riposte non-proportionnelle faisant suite à des actes de violence répétés. La Cour suprême du Canada tient en effet compte de ce que l'on appelle le « syndrome de la personne battue », qui se caractérise par un contexte de violences conjugales répétées dans lequel la victime évolue, avec une emprise exercée son ou sa conjoint(e) sur une longue période. La victime se trouve alors dans un état post-traumatique qui se traduit par la crainte permanente de perdre la vie. Elle réagit alors en se défendant contre son ou sa conjoint(e), de quelque manière que ce soit, avant que celui-ci ou celle-ci ne finisse par la tuer. Selon le raisonnement de la Cour suprême canadienne, la victime est alors placée dans une situation de légitime défense. Eu égard à la très grande spécificité des cas d'homicides survenus à la suite de violences répétées dans le cadre conjugal, il souhaite savoir si une telle « présomption de légitime défense » pourrait être intégrée en droit français.