Question de : M. Lucien Degauchy
Oise (5e circonscription) - Les Républicains

M. Lucien Degauchy attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur la surconsommation des médicaments psychiatriques en France, en particulier ceux destinés à des enfants. Selon des études récentes, la consommation de la Ritaline, médicament utilisé pour soigner l'hyperactivité chez les enfants de plus de six ans, a connu une hausse de 70 % en 5 ans. La prescription de ce médicament, en raison de ses effets indésirables potentiels, doit être effectuée par des spécialistes ou dans le cadre de services hospitaliers spécialisés. Cependant environ 10 % des prescripteurs initiaux sont des médecins généralistes exerçant en libéral selon l'ANSM, (Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé), qui rappelle que ce psychostimulant peut engendrer des effets indésirables neuropsychiatriques, cardiovasculaires et cérébrovasculaires. Aussi il lui demande quelles mesures le Gouvernement entend prendre pour éviter des prescriptions abusives.

Réponse publiée le 24 novembre 2015

Le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDAH) est une pathologie de l'enfance qui disparait le plus souvent à l'âge adulte. Actuellement, le diagnostic chez l'enfant est réalisé selon les critères de l'association psychiatrique américaine (DSM-V) ou selon la classification internationale des maladies de l'organisation mondiale de la santé (OMS) (ICD-10). En France, sur la base des études épidémiologiques utilisant la classification ICD-10, la prévalence des formes les plus sévères serait de l'ordre de 2 % pour la période d'âge scolaire (expertise collective Inserm). Les trois spécialités indiquées dans le traitement de TDAH chez l'enfant de plus de 6 ans, à savoir Ritaline, Concerta LP, Quasim LP, dont le principe actif est le méthylphénidate, ont été mises sur le marché depuis 1996. En raison des effets indésirables potentiels du méthylphénidate, de la population pédiatrique à laquelle il s'adresse et du risque de mésusage, l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) en lien avec l'agence européenne du médicament (EMA) a mis en place une surveillance renforcée en pharmacovigilance comme en addictovigilance à laquelle s'ajoutent des mesures de minimisation des risques. Le méthylphénidate fait ainsi l'objet d'un plan de gestion des risques (PGR) européen et d'un suivi national renforcé de pharmacovigilance. En effet, ce produit est associé à des risques identifiés (hypertension, tachycardie, syndrome de Raynaud, manie, psychose, hallucinations, anorexie, retard de croissance, agression, dépression) et potentiels (arythmies et autres effets cardiovasculaires, hostilité, comportement suicidaire, migraine, tics, syndrome de la Tourette, dystonie, effet sur la taille, potentiel d'abus et de dépendance, syndrome de sevrage, mésusage). En revanche, l'efficacité et la sécurité d'emploi de l'utilisation à long terme n'ont pas été systématiquement évaluées au cours des études cliniques. Un certain nombre d'études épidémiologiques ont été réalisées mais les effets au long terme associés au méthylphénidate sont encore incomplètement connus. C'est pourquoi sa prescription est limitée aux cas strictement nécessaires et doit être surveillée. Le méthylphénidate a fait l'objet d'une réévaluation de son rapport bénéfice/risque au niveau européen en décembre 2010, qui a conclu que le rapport bénéfice/risque pour les produits contenant du méthylphénidate dans le traitement du TDAH chez les enfants de plus de 6 ans est positif. Le TDAH pouvant entraîner une altération importante de la vie relationnelle et des performances scolaires, un traitement bien conduit par méthylphénidate est susceptible d'éviter la marginalisation de l'enfant. Cependant un tel traitement n'est pas indiqué chez tous les enfants présentant un TDAH, son autorisation de mise sur le marché (AMM) le limite uniquement chez les enfants à partir de 6 ans en début de scolarité pour lesquels les seules mesures psychologiques, éducatives et familiales se sont avérées insuffisantes, dès lors que la chronicité et la sévérité des symptômes justifient le traitement médicamenteux. En outre, le méthylphénidate ne doit pas être utilisé chez les enfants présentant des troubles psychiatriques primaires, psychose incluse, ainsi que certains troubles cardiovasculaires. Ainsi, la prescription de ce médicament doit se fonder sur une évaluation très minutieuse des symptômes de l'enfant en tenant compte de son âge. De ce fait, une véritable stratégie thérapeutique globale de prise en charge psychothérapeutique et éducative du patient doit être mise en place pour ce traitement médicamenteux. Cela nécessite une prescription initiale hospitalière annuelle réservée aux spécialistes et/ou aux services spécialisés en neurologie, en psychiatrie ou en pédiatrie. Le traitement doit être initié sous contrôle d'un spécialiste des troubles du comportement de l'enfant et/ou de l'adolescent et doit être suivi le premier mois afin de contrôler l'efficacité du traitement et l'adéquation de la posologie. Il est recommandé d'interrompre le traitement par méthylphénidate au moins une fois par an afin d'évaluer l'état de l'enfant, de préférence pendant les vacances scolaires. Ainsi pour l'établissement d'un diagnostic approprié, il convient de faire appel à des critères médicaux, psychologiques ainsi qu'à une évaluation des conséquences du TDHA sur le milieu scolaire et familial. Ce diagnostic ne doit pas être posé de façon définitive si les symptômes sont récents. Il doit se fonder sur une anamnèse et une évaluation complète, et non pas seulement sur la présence d'une ou plusieurs des caractéristiques du TDAH chez l'enfant. Enfin, il doit être précisé que l'agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé maintient le suivi national de pharmacovigilance et d'addictovigilance et a rendu public en juillet 2013 un rapport faisant un état des lieux sur l'utilisation du méthylphénidate et sa sécurité d'emploi en France, disponible sur son site internet (www. ansm. sante. fr) ainsi qu'une brochure informative à destination des patients et de leur entourage intitulée « Vous et le traitement du trouble déficit de l'attention / hyperactivité par méthylphénidate » visant à rappeler les risques liés au méthylphénidate, les modalités de surveillance et les règles de bon usage.

Données clés

Auteur : M. Lucien Degauchy

Type de question : Question écrite

Rubrique : Pharmacie et médicaments

Ministère interrogé : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Ministère répondant : Affaires sociales, santé et droits des femmes

Dates :
Question publiée le 3 mars 2015
Réponse publiée le 24 novembre 2015

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