14ème législature

Question N° 75096
de M. Hervé Féron (Socialiste, républicain et citoyen - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > police

Tête d'analyse > police nationale

Analyse > contrôles d'identité. réglementation.

Question publiée au JO le : 03/03/2015 page : 1442
Réponse publiée au JO le : 31/05/2016 page : 4797
Date de renouvellement: 09/06/2015
Date de renouvellement: 26/04/2016

Texte de la question

M. Hervé Féron attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le caractère abusif des contrôles d'identité dits « au faciès ». Selon une étude du Centre national de recherche scientifique (CNRS) publiée en 2009, ces contrôles d'identité concernent principalement les personnes originaires d'Afrique du Nord et les individus originaires d'Afrique et des Antilles, qui ont respectivement 7,8 fois et 6 fois plus de risques d'être contrôlés que les autres. Une même inégalité a été observée en ce qui concerne les fouilles : les personnes originaires d'Afrique et des Antilles ont été fouillés à l'issue de 9,9 % des contrôles d'identité, celles d'Afrique du Nord 12,4 %, les autres étant inspectées 3,1 % du temps. Ces statistiques, qui devraient paraître surprenantes - les populations originaires de l'Afrique du Nord ne représentant par exemple que 7 % de la population - lèvent en réalité le voile sur une discrimination indubitable : les personnes victimes de délits de faciès seraient en effet contrôlées pour leur couleur de peau, et non pas pour leurs actions. Le rapport du CNRS souligne ainsi : « Les contrôles d'identité effectués par les policiers se fondent principalement sur l'apparence : non pas sur ce que les gens font, mais sur ce qu'ils sont, ou paraissent être ». Ces contrôles effectués sans motif aucun ont indéniablement un caractère discriminant pouvant être source d'humiliation chez les personnes contrôlées. En outre, ils contribuent à instaurer un climat de défiance entre les individus interpelés et les institutions publiques, dont la police est l'un des représentants les plus symboliques. Forcés d'endosser une responsabilité pour laquelle elles sont innocentes, ces personnes peuvent se sentir jugées comme des bouc-émissaires, au détriment de l'atmosphère de confiance et de fraternité nécessaire au vivre-ensemble de notre société. Rappelant la proposition numéro 30 du programme de François Hollande pour les élections présidentielles, « Lutter contre le délit de faciès lors des contrôles d'identité avec une nouvelle procédure respectueuse des citoyens », il souhaiterait connaître les moyens mis en œuvre par le Gouvernement depuis 2012 pour donner suite à cette proposition.

Texte de la réponse

Les contrôles d'identité sont essentiels à l'activité des forces de l'ordre et déterminants dans la lutte contre la délinquance. Ils s'inscrivent dans un cadre légal strict. Dans les faits cependant, au cours des années passées, des interrogations se sont développées dans le débat public sur les contrôles d'identité « au faciès ». Or, les contrôles d'identité ne sauraient être ni abusivement répétés à l'égard des mêmes personnes, ni multipliés sans discernement dans tel ou tel quartier, ni conduits de manière discriminatoire. Le ministère de l'intérieur a mené à partir de 2012 un travail approfondi afin de définir les moyens les plus adéquats pour parvenir à cet objectif. Après de nombreux échanges, il est apparu que la proposition tendant à la délivrance d'un récépissé ne constituait pas la meilleure solution. Cette mesure, d'ailleurs très peu développée à l'étranger, aurait en effet présenté de lourds inconvénients. Elle aurait impliqué la mise en place d'un système excessivement bureaucratique, lourd à gérer sur le plan procédural et qui aurait compliqué de manière déraisonnable le travail des policiers et des gendarmes sur le terrain. Elle aurait, de surcroît, été porteuse de difficultés juridiques, notamment quant à la constitution de fichiers des personnes contrôlées. Le Gouvernement n'a pas l'intention à ce stade de revenir sur cette décision. D'autres choix ont été faits, avec le souci de l'efficacité et du droit des personnes. Un nouveau code de déontologie commun à la police et à la gendarmerie nationales, de valeur réglementaire, est entré en vigueur le 1er janvier 2014. Il a permis de moderniser et de compléter les règles déontologiques qui s'appliquaient déjà aux forces de l'ordre. Pour la première fois, le déroulement concret des contrôles d'identité est juridiquement encadré, notamment s'agissant des palpations de sécurité, qui ne doivent être ni systématiques ni humiliantes. La formation théorique et pratique aux contrôles d'identité et aux palpations de sécurité a également été renforcée dans le cadre de la formation initiale. En application du nouveau code de déontologie de la police nationale et de la gendarmerie nationale, les policiers et les gendarmes sont également tenus, depuis le 1er janvier 2014, de porter un numéro d'identification individuel. Cette mesure, qui répond notamment à une recommandation du Défenseur des droits, permet davantage de transparence et de confiance dans l'exercice des missions de police et constitue donc un élément de nature à améliorer les relations avec la population. Si l'ordre républicain doit prévaloir partout, il doit être garanti dans le strict respect des libertés publiques et de la déontologie. Des forces de l'ordre exemplaires sont en effet mieux respectées et plus efficaces. Afin de donner à nos concitoyens l'assurance que les manquements aux règles commis par les membres des forces de l'ordre sont poursuivis et sanctionnés, des plates-formes internet de signalement ont ainsi été mises en place, en septembre 2013 au sein de l'inspection générale de la police nationale, puis à l'inspection générale de la gendarmerie nationale, permettant à quiconque de signaler tout manquement à la déontologie dont il penserait être la victime ou le témoin. Plus généralement, plusieurs autres mesures ont été prises par le ministre de l'intérieur afin d'améliorer et parfois de restaurer les relations entre la police et la gendarmerie et la population, notamment à l'occasion des patrouilles ou des interventions sur la voie publique. Il en est ainsi, par exemple, du développement de l'utilisation de caméras individuelles (dites « caméras piéton ») par les forces de l'ordre au cours de leurs interventions. Le dispositif des « délégués à la cohésion police-population » a également été renforcé, permettant le recrutement de réservistes de la police pour constituer des relais entre les forces de l'ordre et les habitants, les commerçants et les associations. L'objectif constant du ministre de l'intérieur est de doter les forces de l'ordre des moyens d'accomplir leurs missions tout en veillant à ce qu'elles ne soient pas détournées de leurs missions opérationnelles par des contraintes procédurales ou administratives excessives. Le projet de loi relatif à la procédure pénale et à la lutte contre le terrorisme que présentera prochainement au Parlement le ministre de la justice comprendra d'ailleurs un important volet de simplification de la procédure pénale. Parallèlement, le ministre attache la plus grande importance à l'exigence déontologique et à la nécessité d'une force publique qui agisse dans la transparence et dans le souci constant du respect des personnes, qui doit être mutuel. Ces enjeux revêtent une importance particulière dans les quartiers sensibles où la population est fortement demandeuse de présence policière.