14ème législature

Question N° 75627
de M. Sébastien Huyghe (Union pour un Mouvement Populaire - Nord )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires étrangères
Ministère attributaire > Affaires étrangères

Rubrique > politique extérieure

Tête d'analyse > Iraq

Analyse > minorités religieuses. persécutions. attitude de la France.

Question publiée au JO le : 10/03/2015 page : 1573
Réponse publiée au JO le : 28/04/2015 page : 3200

Texte de la question

M. Sébastien Huyghe alerte M. le ministre des affaires étrangères et du développement international sur les persécutions à grande échelle commises par l'État islamique d'Irak et du Levant (EIIL) à l'encontre des chrétiens d'Orient, et sur la situation de la communauté chrétienne en Irak, notamment dans la ville de Mossoul. Une épuration religieuse massive est en cours en Irak, en Égypte, en Syrie et sans doute bientôt au Liban. Depuis que la ville de Mossoul est tombée aux mains de Abou Bakr al Baghdadi, chef de l'État islamique d'Irak et du Levant (EIIL), les chrétiens de la région subissent l'oppression de ses troupes. Suite à la mise en place du califat, qui s'étend d'Alep à Diyala, les chrétiens ont été expropriés, écartés des postes d'administration, les villes chrétiennes ont été privées d'eau potable. Obligés de choisir entre la conversion à l'Islam, l'acquittement d'un impôt supplémentaire ou la mort, les chrétiens ont finalement fui la région. En 2003, plus d'un million de chrétiens vivaient en Irak, dont 60 000 à Mossoul. Il n'en reste plus que 400 000 aujourd'hui, majoritairement dans la province de Ninive première visée par les actes de violence. Ban Ki-moon, secrétaire général de l'Organisation des Nations unies, n'a pas hésité à condamner ce qu'il appelle la « persécution systématique des minorités en Irak par l'État islamique et les groupes armés qui lui sont liés » et à rappeler que « les attaques systématiques contre des civils en raison de leur origine ethnique ou de leur appartenance religieuse peuvent constituer un crime contre l'humanité ». La Coordination des chrétiens d'Orient en danger vient d'ailleurs d'obtenir une avancée importante dans la lutte contre les terroristes islamistes, avec l'instruction par la Cour pénale internationale de sa plainte pour génocide et crimes contre l'Humanité contre « l'État Islamique ». Rappelons à ce titre que la plainte de la CHREDO est soutenue par les 115 députés du groupe d'études sur les chrétiens d'Orient à l'initiative de Véronique Besse et de Valérie Pécresse qui le co-président. Cette saisine est de nature à donner un message fort à la fois aux terroristes, à leurs soutiens et à leurs recrues. Ces crimes ne doivent pas être considérés comme des « crimes de guerre » mais bien comme des « crimes contre l'humanité », d'une part pour obliger les dirigeants onusiens qui ont refusé de saisir la Cour pénale internationale à agir et, devant l'évidence des preuves, en intervenant militairement et au sol en Irak et en Syrie pour faire cesser au plus vite les exactions. Il s'agit d'autre part d'adresser une réponse sans ambiguïté aux terroristes qu'il n'y aura aucune tolérance ni faiblesse dans la traque et la sanction. À l'heure où la situation extrêmement précaire de cette minorité religieuse est particulièrement inquiétante, tout doit être mis en œuvre pour éradiquer à l'avenir les menaces qui pèsent tant sur cette région du monde que sur la communauté internationale. Une absence de réaction urgente conforterait les terroristes dans leurs actions, renforcerait leur sentiment d'impunité en Orient mais aussi en Occident où les islamistes tentent d'implanter la barbarie et le crime. À la suite de l'enlèvement par Daesh de 90 chrétiens dans le nord-est de la Syrie, dans la région de Hassaké, énième exaction contre les chrétiens d'Orient et les diverses minorités en raison de leur religion, et contre les musulmans sunnites qui ne partagent pas leurs croyances, il lui demande quelles décisions la France compte prendre en matière de politique étrangère, et comment le Gouvernement français compte s'engager pour soutenir les chrétiens irakiens, pour stabiliser et préserver la présence chrétienne d'Orient, ses droits et spécificités, dans un espace qu'ils habitent depuis près de deux millénaires.

Texte de la réponse

La France condamne fermement les violences et les exactions à l'encontre des civils, quelle que soit leur appartenance religieuse ou ethnique. Elle défend le respect des droits des personnes appartenant à des minorités religieuses. C'est notamment le cas des Chrétiens d'Orient, avec lesquels la France entretient des liens spécifiques, hérités de l'Histoire. La montée en puissance de Daech depuis l'été 2014 menace aujourd'hui la stabilité de la région et sa diversité culturelle. Cette organisation terroriste est engagée dans une tentative d'éradication ethnique et religieuse, comme l'illustre l'exode des Chrétiens d'Orient, dont la présence millénaire sur ces terres est remise en cause. Mais la barbarie de Daech ne doit pas nous faire oublier celle du régime de Bachar al Assad, qui commet des crimes contre sa propre population depuis plus de quatre ans et alimente l'extrémisme par sa fuite en avant militaire et son refus de toute ouverture politique. Face aux menaces graves qui pèsent sur les Chrétiens d'Orient et les autres minorités, la France a convoqué une réunion ministérielle du Conseil de sécurité des Nations unies le 27 mars consacrée aux « victimes de violences ethniques ou religieuses au Moyen-Orient ». A l'occasion de ce débat inédit, la France a proposé l'élaboration par les Nations unies d'une Charte d'action autour de quatre volets : l'accompagnement humanitaire d'abord, pour répondre à l'urgence et permettre le retour des populations persécutées sur les terres dont elles ont été chassées ; les solutions politiques inclusives dans les pays en crise ; et enfin la lutte contre l'impunité pour les auteurs des crimes, dont certains sont constitutifs de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité. A cet égard, la France appelle tous les Etats à adhérer au Statut de Rome, afin que justice soit rendue aux victimes des crimes les plus graves ayant une portée internationale. Comme le ministre des affaires étrangères et du développement international l'a souligné lors de la réunion du 27 mars, il est indispensable que le Conseil de Sécurité saisisse la Cour Pénale Internationale. Il convient de rappeler que la France a présenté en mai 2014 une résolution au Conseil de sécurité déférant la situation en Syrie à la Cour, soutenue par plus de 100 ONG et par plus d'une soixantaine d'Etats, qui s'est cependant vue opposer les vétos russe et chinois. La France encourage par ailleurs les Etats sur le territoire desquels les membres de Daech ont perpétré des crises ou dont ils ont la nationalité, à poursuivre et juger ces auteurs en vertu de leur compétence au titre des lois nationales et des conventions internationales auxquelles ils sont parties. En tant qu'Etat partie au Statut de Rome, la France continuera de répondre aux demandes de coopération de la Cour en conformité avec les stipulations du Statut de Rome.