14ème législature

Question N° 75638
de M. Christian Kert (Union pour un Mouvement Populaire - Bouches-du-Rhône )
Question écrite
Ministère interrogé > Culture et communication
Ministère attributaire > Culture et communication

Rubrique > politiques communautaires

Tête d'analyse > commerce extracommunautaire

Analyse > accord transatlantique. secteur de l'édition. perspectives.

Question publiée au JO le : 10/03/2015 page : 1606
Réponse publiée au JO le : 17/05/2016 page : 4202
Date de changement d'attribution: 12/02/2016
Date de renouvellement: 23/06/2015
Date de renouvellement: 20/10/2015

Texte de la question

M. Christian Kert attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur la situation des 10 000 traducteurs littéraires de 29 pays d'Europe par rapport aux négociations actuelles visant le Partenariat transatlantique de commerce et d'investissement (TTIP) entre l'Union européenne et les États-Unis d'Amérique. En effet, il semble que l'édition ne soit pas comprise dans « l'exception culturelle » et fait donc partie du mandat des négociateurs du TTIP ce qui représente une réelle menace pour l'édition et la littérature européennes. Il est à craindre que le TTIP ne tolèrera les dispositifs de promotion et de protection de la culture que dans la mesure où ils seront non discriminatoires. Les subventions au secteur du livre, mais également les politiques de prix unique du livre ou de droit de prêt pourraient ainsi être remises en cause. C'est pourquoi il lui demande de lui confirmer si ce secteur fait partie ou non des activités culturelles ne relevant pas de l'accord TTIP. En tout état de cause, il paraît nécessaire que l'édition soit sortie du périmètre de ces négociations commerciales. De même, il sollicite de la part de son ministère un appui ferme auprès de la Commission afin que celle-ci réaffirme positivement la légalité des politiques nationales de soutien et de promotion de la littérature qui constitue une richesse culturelle indéniable en Europe.

Texte de la réponse

L'exception culturelle, c'est-à-dire la reconnaissance de la spécificité des biens et services culturels et leur traitement différencié au sein des accords commerciaux, est la clef de voûte d'une politique culturelle autonome, soucieuse de ses créateurs, de ses industries culturelles et créatrices, et de la diversité culturelle. C'est pourquoi le Gouvernement français s'est élevé, avec force, contre une remise en cause, dans le cadre du lancement des négociations en vue d'un Partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement (TTIP) avec les États-Unis, de la position traditionnelle de l'Union européenne sur cette question fondamentale. Le Président de la République a très tôt fait savoir aux institutions et partenaires européens que le respect de l'exception culturelle était une condition indérogeable pour que la France donne son accord au lancement des négociations commerciales avec les États-Unis. L'Assemblée nationale a conforté cette exigence par l'adoption à l'unanimité, le 12 juin 2013, d'une résolution sur le respect de l'exception culturelle et de la diversité des expressions culturelles. Le Parlement européen s'est également exprimé à une très large majorité en ce sens en mai 2013. Le Gouvernement français s'est également attaché à fédérer ses partenaires européens autour de cet enjeu fondamental : à l'initiative du ministère de la culture et de la communication, quinze États, par la voix de leurs ministres européens de la culture et de l'audiovisuel, ont appelé la Présidence irlandaise du Conseil de l'Union européenne et la Commission à respecter l'exception culturelle dans le cadre du lancement des négociations du partenariat transatlantique qui est traduite, depuis 1994, par l'exclusion des services audiovisuels des négociations commerciales. Ainsi, grâce à cette mobilisation, le Conseil des ministres du commerce de l'Union européenne du 14 juin 2013 a adopté un mandat permettant de préserver la capacité des gouvernements et des assemblées parlementaires à arrêter et à développer, tant au niveau national qu'européen, une politique culturelle propre, favorable à la créativité et à la diversité culturelle. Cette mention renforcée de la diversité culturelle dans le mandat vaut pour l'ensemble des services culturels. Elle se décline cependant différemment pour chacun d'entre eux. L'Union européenne n'a pris aucun engagement de libéralisation commerciale pour les services audiovisuels dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) et les exclut systématiquement, depuis vingt ans, du champ des négociations d'accords bilatéraux de libre-échange. Malgré les pressions exercées pour remettre en cause cette position, la France s'est montrée inflexible et les services audiovisuels ont bien été exclus de la négociation du projet de partenariat transatlantique. Contrairement aux services audiovisuels, certains services culturels comme le secteur de l'édition (classifié en effet par l'OMC depuis 1994 comme un « service fourni aux entreprises », et non comme un service culturel) sont couverts par les engagements de libéralisation souscrits par l'Union européenne au sein de l'OMC. Cela n'a pas remis en cause les politiques de soutien mises en place pour promouvoir et protéger le secteur du livre. La législation du prix unique du livre n'introduit en effet pas de mesures discriminatoires et ne contrevient pas à la clause de traitement national. La politique française en matière de subventions n'a pas été affectée par les engagements de libéralisation de l'Union européenne. Ces politiques de soutien à l'édition ne devraient pas être davantage remises en cause dans le projet de partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement. Le Gouvernement restera extrêmement vigilant et mobilisé pour que les clauses du mandat de négociation qui prévoient la protection de la diversité culturelle soient pleinement respectées.