14ème législature

Question N° 76003
de Mme Virginie Duby-Muller (Union pour un Mouvement Populaire - Haute-Savoie )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > justice

Tête d'analyse > peines

Analyse > politique pénale. réforme. conséquences.

Question publiée au JO le : 17/03/2015 page : 1901
Réponse publiée au JO le : 23/08/2016 page : 7548
Date de changement d'attribution: 28/01/2016

Texte de la question

Mme Virginie Duby-Muller alerte Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur l'incohérence de la politique pénale du Gouvernement. En effet, le nombre d'incarcérés en France a baissé en 2014 alors que la délinquance a augmenté. Ce paradoxe est donc la révélation d'une politique pénale irréaliste. À ce jour, quelque 90 000 peines ne sont pas exécutées et le suivi des condamnés est insuffisant. D'ailleurs, les Français ne s'y trompent pas : la justice est le service public qu'ils jugent le plus sévèrement comme le démontrent toutes les études d'opinion. Elle s'inquiète, par conséquent, des conséquences de la réforme pénale, votée à l'automne, qui n'inflige pas de prison pour les condamnations inférieures à cinq ans et aménage de nombreuses peines. Lui signalant que les inquiétudes des citoyens - conséquences révélatrices de ce paradoxe - se développent et touchent aussi les forces de l'ordre - pourtant soumises au droit de réserve -, elle lui demande de prendre en considération - par des mesures concrètes - le besoin pressant de sécurité des Français ainsi que le besoin de reconnaissance des policiers.

Texte de la réponse

Entre le 1er mai 2012 et le 1er juin 2016, le nombre de personnes en détention en France est passé de 65173 à 68542, démontrant l'inconsistance d'un prétendu laxisme de la politique pénale. La prévention de la récidive est au contraire au cœur de la politique pénale menée depuis 2012, la peine de prison n'était d'ailleurs pas l'unique réponse pour prévenir la récidive. Il y a lieu de constater que si la durée moyenne de la partie ferme des peines d'emprisonnement pour les condamnations en état de récidive légale est passée de 8,2 mois à 11 mois entre 2004 et 2010 et que la politique pénale menée entre 2002 et 2012 a privilégié le recours à l'incarcération, cela n'a pas permis que la sécurité de nos concitoyens soit fondamentalement mieux assurée. Il ne peut davantage être ignoré que la France est affectée par une surpopulation carcérale importante et ancienne, entraînant des conditions de travail difficiles pour les personnels ainsi que des conditions de détention indignes pour les personnes condamnées rendant impossible leur prise en charge et donc une prévention sérieuse de la récidive. Il est par ailleurs apparu comme essentiel de favoriser l'aménagement des peines d'emprisonnement ferme. La principale étude réalisée en France en 2011 sur la récidive des personnes condamnées établit que 63% des personnes sortant de prison sans aménagement de peine font à nouveau l'objet d'une condamnation dans les cinq années qui suivent la libération. Ce taux est de 55 % pour les personnes libérées dans le cadre d'un aménagement de peine sous écrou (placement à l'extérieur, semi-liberté ou surveillance électronique) et de 39 % pour les sortants en libération conditionnelle. Il est de 45 % pour les personnes condamnées à une peine alternative - sursis avec mise à l'épreuve, travail d'intérêt général (source : Annie KENSEY – Qui ne récidive pas ? Ouvrage collectif sous la direction de Marwan MOHAMMED – les sorties de délinquance – La Découverte 2012). L'objectif de la politique pénale ainsi impulsée a été d'opérer un changement au bénéfice de solutions plus pragmatiques et ayant démontré leur utilité pour promouvoir la sécurité de tous. L'individualisation de la peine et de son exécution doit être recherchée à tous stades de la procédure. Il y a lieu d'ailleurs de constater que le nombre de personnes bénéficiant d'un aménagement de peine sous écrou est passé de 20,7% à 21,5% entre le 1er juin 2012 et le 1er juin 2016, signe d'une mobilisation pleine et entière des acteurs de la chaîne pénale. Dans un même souci de prévenir la récidive, la loi no 2014-896 du 15 août 2014 relative à l'individualisation des peines et renforçant l'efficacité des sanctions pénales, inspirée par les travaux de la conférence de consensus des 13 et 14 février 2013,  est venue moderniser le droit des peines et améliorer leur efficacité. Pour ce faire, elle favorise le prononcé de peines individualisées, répondant au triple objectif de sanction de l'acte délictueux, de réinsertion de l'auteur de l'infraction et de réparation du préjudice de la victime. Partant du constat que toute sortie accompagnée est mieux à même de réduire le risque de récidive, la loi a créé tout d'abord un dispositif d'examen obligatoire en commission d'application des peines de la situation de toute personne exécutant une ou plusieurs peines d'une durée totale inférieure ou égale à 5 ans, arrivée aux deux tiers de sa peine, en vue du prononcé éventuel, par le juge de l'application des peines, d'une mesure de libération sous contrainte. Loin des expériences de « libérations massives » évoquées, les retours des juridictions sur la mise en place de ce dispositif montrent qu'il est employé avec mesure et discernement par les juges de l'application des peines. Toujours dans le souci de favoriser la prévention de la récidive, la création de la peine de contrainte pénale, dont le prononcé est à nouveau encouragé par la circulaire de politique pénale du garde des Sceaux du 2 juin 2016, vise à contrebalancer la prépondérance de la peine d'emprisonnement. Il s'agit d'une peine de probation en milieu ouvert qui vise à favoriser la désistance du condamné par la personnalisation de la sanction pénale et la mise en place d'un suivi évolutif, renforcé et pluridisciplinaire. Par le caractère contraignant du suivi qu'elle instaure, la contrainte pénale a vocation à être prononcée à la place des courtes peines d'emprisonnement, dont l'inefficacité en matière de lutte contre la récidive est établie, et qui ne permettent pas d'engager un travail de réinsertion. Cette nouvelle peine est prévue pour les délits punis d'une peine inférieure à cinq ans jusqu'au 1er janvier 2017, puis sera étendue à tous les délits punis d'emprisonnement, à disposition du juge qui pourra la prononcer lorsque cette sanction lui semblera la réponse la plus adaptée aux faits commis et à la personnalité de leur auteur. Par ailleurs, toute inexécution par la personne condamnée des mesures de contrôle et d'assistance ainsi que des obligations et interdictions particulières qui lui ont été imposées pourra entrainer son placement en rétention judiciaire ainsi que, le cas échéant, la mise à exécution de la peine d'emprisonnement prévue par la juridiction. Dans le souci de mesurer pleinement les effets des nouvelles dispositions et les éventuelles améliorations à y apporter, la loi a prévu que le gouvernement, dans les deux ans suivant la promulgation de la loi, remette au Parlement un rapport sur son évaluation et notamment sur la mise en œuvre de la contrainte pénale. Ce rapport est actuellement en cours d'élaboration.