14ème législature

Question N° 76259
de M. Jean-Charles Taugourdeau (Union pour un Mouvement Populaire - Maine-et-Loire )
Question écrite
Ministère interrogé > Anciens combattants et mémoire
Ministère attributaire > Anciens combattants et mémoire

Rubrique > anciens combattants et victimes de guerre

Tête d'analyse > orphelins

Analyse > indemnisation. champ d'application.

Question publiée au JO le : 24/03/2015 page : 2070
Réponse publiée au JO le : 07/04/2015 page : 2679

Texte de la question

M. Jean-Charles Taugourdeau attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire sur la demande de reconnaissance exprimée par les associations de pupilles de la Nation et orphelins de guerre ou du devoir. En effet, depuis plus de 10 ans ces associations mènent un combat sans relâche pour que les enfants de soldats morts à la guerre bénéficient de la même réparation que celle créée par les décrets n° 2000-657 du 13 juillet 2000 et n° 2004-751 du 27 juillet 2004. Ces deux textes ont créé une juste reconnaissance du préjudice des pupilles de la Nation, des orphelins de guerre, dont les parents ont été victimes d'actes antisémites et de barbaries nazies pour des actes de résistance ou pour des faits politiques. Néanmoins cela a créé une profonde inégalité de traitement. Les pupilles de la Nation, dont au moins un des parents est décédé pour fait de guerre (reconnu par la mention portée sur les registres d'État civil : « Mort pour la France », ont été complètement oubliés. C'est une rupture d'égalité de traitement entre tous les pupilles de la Nation. Involontairement ces textes engendrent une hiérarchisation du malheur entre des enfants victimes de la même guerre. Aussi, il souhaiterait connaître les mesures qui pourraient être apportées par le Gouvernement, au droit existant afin d'étendre le dispositif d'indemnisation et de reconnaître au nom du devoir de mémoire la souffrance de celles et ceux que la guerre a privés de leurs parents.

Texte de la réponse

Très attaché au devoir de mémoire et comprenant la détresse et la souffrance de celles et ceux que la guerre a privés de leurs parents, le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants et de la mémoire accorde une attention toute particulière à la demande d'extension des dispositifs mis en place par les décrets n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et n° 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale. Ainsi que le prévoit le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG), tout orphelin de guerre peut percevoir, ou a pu percevoir, une pension spécifique jusqu'à son 21e anniversaire. En revanche, l'indemnisation mise en place par les décrets de 2000 et 2004 est plus particulièrement destinée aux victimes de l'extrême barbarie nazie, qui renvoie à une douleur tout à fait spécifique, celle d'avoir perdu un père ou une mère, ou parfois les deux, dans un camp d'extermination. En effet, c'est fondamentalement le caractère particulièrement insoutenable d'extrême barbarie nazie propre à ces disparitions spécifiques à la Seconde Guerre mondiale, le traumatisme dépassant le strict cadre d'un conflit entre États, qui est à l'origine de ce dispositif réservé aux enfants dont les parents, résistants ou ayant fait l'objet de persécutions antisémites ou raciales, sont décédés en déportation ou ont été exécutés dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du CPMIVG. Ce dispositif doit rester fidèle à sa justification essentielle qui est de consacrer solennellement le souvenir des victimes de la barbarie nazie, à travers leurs enfants mineurs au moment des faits. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de maintenir cette spécificité pour ne pas porter atteinte à la cohérence de ces décrets. S'agissant de l'établissement d'un rapport sur l'application de ces deux textes, il convient de rappeler que lors de l'examen du projet de budget pour 2014 par l'Assemblée nationale, un amendement parlementaire a été adopté, prévoyant le dépôt d'un rapport au Parlement pour le 1er juin 2014 sur l'indemnisation des orphelins, sous forme, d'une part, d'un bilan des indemnisations déjà effectuées et des modalités d'instruction des dossiers par rapport à l'appréciation de la notion « d'actes de barbarie », d'autre part, d'une évaluation du coût que représenterait l'indemnisation de tous les orphelins de la Seconde Guerre mondiale. Ces dispositions ont été reprises dans l'article 116 de la loi de finances pour 2014. Cependant, cet article a été annulé par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013. En effet, la haute juridiction a considéré que ces dispositions étaient étrangères au domaine des lois de finances et donc avaient été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution. Si ce rapport n'a donc pu être établi pour les motifs qui précèdent, le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants et de la mémoire est en mesure de préciser toutefois qu'à la date du 31 décembre 2014, les mesures de réparation instituées par les décrets des 13 juillet 2000 et 27 juillet 2004 ont bénéficié respectivement à 13 578 et 22 499 personnes depuis leur entrée en vigueur. De nouvelles demandes continuent d'être formulées au titre de ces dispositions pour lesquelles aucune forclusion n'a été prononcée. Par ailleurs, le coût d'une extension de l'indemnisation à tous les orphelins de la Seconde Guerre mondiale s'élèverait, la première année, entre 0,5 et 1,3 milliard d'euros, sous la forme de rentes viagères et d'indemnités en capital, puis entre 60 et 150 millions d'euros les années suivantes, sous la forme de rentes viagères. L'extension de l'indemnisation à l'ensemble des orphelins de guerre et pupilles de la Nation, tous conflits confondus, atteindrait un montant total de 2,5 milliards d'euros. Au-delà de cette analyse, il a été constaté que l'examen de plusieurs dossiers a laissé apparaître la difficulté d'appliquer des critères stricts à des situations extrêmement diverses. La mise en oeuvre de ces critères doit donc s'opérer de manière éclairée, afin de donner aux deux décrets leur pleine portée, dans le respect de leur ambition initiale d'indemniser la souffrance des orphelins dont les parents ont été frappés par cette barbarie. Aussi, et comme l'ont rappelé le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants et de la mémoire et son prédécesseur, lors des débats au Parlement sur le projet de loi de finances pour 2015, le Gouvernement s'est engagé en faveur d'un réexamen au cas par cas des dossiers en cause, afin de garantir une égalité de traitement entre les situations les plus proches, tout en confirmant la nécessité de préserver le caractère spécifique de cette indemnisation dont l'extension à tous les orphelins de guerre ne saurait être envisagée tant sur le plan symbolique que financier.