14ème législature

Question N° 76266
de M. Frédéric Lefebvre (Union pour un Mouvement Populaire - Français établis hors de France )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, industrie et numérique
Ministère attributaire > Culture et communication

Rubrique > arts et spectacles

Tête d'analyse > cinéma

Analyse > plateforme en ligne. Netflix. conséquences.

Question publiée au JO le : 24/03/2015 page : 2094
Réponse publiée au JO le : 11/08/2015 page : 6144
Date de changement d'attribution: 07/04/2015

Texte de la question

M. Frédéric Lefebvre attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur la question des conséquences de l'arrivée de Netflix sur l'organisation de notre système de production audiovisuelle. Coûtant 7,99 euros par mois, l'abonnement à Netflix permet à chaque Français de disposer en illimité d'un service de vidéos à la demande, et constitue donc une véritable onde de choc dans le secteur audiovisuel français. Il lui demande quelles seront les conséquences de l'arrivée de Netflix sur l'organisation économique de notre système de production audiovisuelle, et si le Gouvernement entend, comme il l'a suggéré à de maintes reprises, modifier le régime juridique des droits de production, afin de répondre aux questions pratiques soulevées par ce changement de modèle économique.

Texte de la réponse

Pour le moment, le lancement de Netflix, service de média audiovisuel à la demande (SMAd) défini par la directive SMA de 2007 en France, n'a pas eu d'impact très significatif sur le système de production audiovisuelle français. Une seule série a été commandée par Netflix en France, « Marseille », produite par Federation Entertainment. Le budget par épisode serait compris entre 0,8 M€ et 1,0 M€, comparable au budget d'un épisode de série diffusée en première partie de soirée sur les chaînes françaises. Néanmoins, les productions soutenues par Netflix en France (une seule à ce jour) ne peuvent pas être soutenues par le Centre national du cinéma et de l'image animée (CNC), car la plate-forme est basée aux Pays-Bas. Ne contribuant pas financièrement au système du CNC, Netflix ne peut donc pas voir ses projets français cofinancés par le CNC. Si Netflix bénéficie d'un taux de notoriété élevé au sein du public français (66 % connaissent Netflix en février 2015), le service compterait toutefois moins de 250 000 abonnés selon des sources non officielles, contre 600 000 pour Canalplay fin 2014, selon le groupe Canal+. D'après les études que réalise le CNC sur le marché de la vidéo à la demande, l'usage de Netflix est quasiment stable depuis le mois de février dernier. Le choix d'un établissement au Luxembourg puis aux Pays-Bas par Netflix soulève une série de questions quant au respect de ses obligations fiscales et sectorielles. I - Taxes et fiscalité. En matière de TVA, les services de Vidéo à la demande (VàD) établis en France sont soumis à une TVA de 20 %, alors que les services établis à l'étranger bénéficient généralement d'une TVA plus avantageuse. La règle du pays de consommation, qui a commencé à s'appliquer à partir du 1er janvier 2015, devrait cependant mettre progressivement fin à cette distorsion de concurrence. Les éditeurs de services de VàD établis en France sont soumis à la taxe vidéo (2 % du chiffre d'affaires dans le cas général, 10 % dans le cas de programmes adultes) alimentant le CNC depuis la loi n° 2004-669 du 9 juillet 2004 relative aux communications électroniques et aux services de communication audiovisuelle, qui a complété l'article 302 bis KE du code général des impôts (nouvellement 1609 sexdecies B). Cet article, antérieur à la directive SMA de 2007, et donc à la notion juridique de SMAd, précise qu' « est assimilée à une activité de vente ou de location de vidéogrammes la mise à disposition du public d'un service offrant l'accès à titre onéreux à des oeuvres cinématographiques ou audiovisuelles, sur demande individuelle formulée par un procédé de communication électronique ». Une extension de la taxe vidéo et VàD aux opérateurs établis à l'étranger a été votée lors de la loi de finances rectificative pour 2013 via son article 30. Cette disposition est maintenant en cours d'examen auprès de la Commission Européenne. Concernant l'impôt sur les sociétés, la réalisation de prestations de services immatérielles depuis le Luxembourg pose la question de la localisation de l'établissement stable dans le pays de consommation des services numériques. Le travail continue sur ce point, à l'OCDE comme au sein de l'Union européenne. Récemment, la Commission européenne a affiché sa volonté ferme d'avancer sur ce sujet de la localisation de l'établissement stable et le rattachement des profits au pays de consommation. S'agissant d'un sujet relevant des conventions bilatérales, le règlement de ce sujet dans les instances internationales est un passage obligé pour faire avancer le droit. II - Contribution à la production. Le décret du 12 novembre 2010 précise les règles applicables en matière : de contribution des SMAd à la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles ; d'exposition et de mise en valeur effective de ces oeuvres ; de règles applicables à la publicité, au parrainage et au téléachat. Ce décret ne s'applique qu'aux plates-formes établies en France : ses dispositions ne s'appliquent notamment pas à iTunes, GooglePlay, ni à Netflix. De ce fait, la révision de la directive SMA, sur laquelle s'appuie le décret suscité, constituera dans les prochains mois un sujet important pour les Autorités françaises, dans la perspective notamment d'y faire s'appliquer la règle du pays de destination, et non plus du pays d'origine. III - Chronologie des médias. Seuls les SMAd établis en France sont directement soumis à la chronologie des médias. Néanmoins, si un service établi hors de France contrevenait à celle-ci, tout ayant droit de l'oeuvre établi en France et, à ce titre, soumis à cette chronologie, pourrait, le cas échéant, faire l'objet de sanctions financières. Ainsi, toute la production domestique est a minima couverte par la chronologie des médias, quel que soit le lieu d'établissement du SMAd concerné. À noter qu'à ce jour, aucun acteur de SMAd établi hors de France n'a volontairement enfreint la chronologie des médias française, y compris pour des oeuvres acquises directement auprès d'ayants droit étrangers. En particulier, iTunes respecte totalement cette chronologie, bien qu'établi au Luxembourg et bien qu'il soit impliqué dans la plupart des expérimentations de sorties simultanées salle de cinéma / VàD dans d'autres pays, en Europe et aux États-Unis. La pertinence économique de la chronologie des médias pour les ayants droit et l'importance de la production nationale dans la consommation des oeuvres en VàD en France limitent le risque d'une infraction à la chronologie émanant de SMAd établis à l'étranger, sans bien sûr l'éteindre totalement.