14ème législature

Question N° 76619
de Mme Isabelle Attard (Écologiste - Calvados )
Question écrite
Ministère interrogé > Commerce extérieur, tourisme et Français de l'étranger
Ministère attributaire > Commerce extérieur, tourisme et Français de l'étranger

Rubrique > politique extérieure

Tête d'analyse > Canada

Analyse > accord de libre-échange. Union européenne. perspectives.

Question publiée au JO le : 24/03/2015 page : 2076
Réponse publiée au JO le : 04/08/2015 page : 5959

Texte de la question

Mme Isabelle Attard attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre des affaires étrangères et du développement international, chargé du commerce extérieur, de la promotion du tourisme et des Français de l'étranger sur le manque de clarté de la stratégie française à l'égard des dispositions de protection des investissements dans le cadre des accords de libre-échange récemment conclus avec le Canada et en négociation avec les États-unis. Mercredi 25 février 2015, elle a eu connaissance d'une note du SGAE à l'attention des eurodéputés français qui appelait ceux-ci à atténuer la position critique de l'ISDS défendue dans le projet de résolution du député Bernd Lange actuellement en cours d'élaboration au sein du Parlement européen. Elle a également pris connaissance de la réponse du secrétaire d'État par l'intermédiaire du journal Médiapart, puis de la note rectificative communiquée le jeudi 5 mars 2015, qui présente le mécanisme ISDS comme ni utile ni nécessaire. M. Fekl a également réaffirmé l'opposition ferme de la France à tout mécanisme ISDS, et sa volonté de porter quelque chose de totalement neuf au niveau européen et international qui n'ait plus rien à voir avec le mécanisme d'arbitrage aujourd'hui. Elle souhaite donc des informations précises sur la position française dans ce dossier, et sur les propositions que porte M. Fekl auprès de ses partenaires européens et internationaux en matière de protection des investissements dans le cadre des négociations commerciales communautaires. En particulier, elle souhaite connaître plus précisément le contenu de la proposition de Cour euro-américaine d'arbitrage qu'il semble défendre.

Texte de la réponse

Les mandats de négociation octroyés par les Etats membres à la Commission européenne pour le Partenariat transatlantique pour le commerce et l'investissement (PTIC - TTIP) avec les Etats-Unis et pour l'Accord économique et commercial global (AECG - CETA) avec le Canada prévoient la possibilité d'inclure un mécanisme de règlements des différends Etat-investisseur (ISDS pour Investor-to-State Dispute Settlement) dans les accords finaux. En ce qui concerne le CETA, qui est actuellement en phase dite de « toilettage juridique » à la Commission européenne, un chapitre est consacré à ce mécanisme. La France ne souhaite pas rouvrir l'ensemble des chapitres, dans la mesure où le CETA est un bon accord, dans lequel les intérêts de la France sont pris en compte. Un seul chapitre sur les 35 que compte le texte du CETA pose une difficulté (le numéro 33 relatif à l'ISDS). Il est nécessaire de faire évoluer la formulation du texte du CETA pour assurer la ratification par la France du Traité. Pour le TTIP, les négociations relatives à l'ISDS sont pour le moment suspendues à la définition d'une position européenne qui devrait intervenir à l'automne. La Commission a organisé une consultation publique relative à l'ISDS et a recueilli plus de 150 000 réponses. Les résultats ont été publiés le 13 janvier 2015. Les critiques formulées à l'encontre du mécanisme à cette occasion sont nombreuses et ne peuvent rester sans réponse. La France n'était pas demandeuse d'un tel mécanisme et a exprimé ses réserves de fond à ce sujet. Après la publication des résultats de la consultation s'est ouverte une nouvelle phase de réflexion et d'action. La France a travaillé activement avec ses partenaires européens en ce sens. Une déclaration commune entre la France et l'Allemagne a été publiée le 22 janvier 2015. Ces travaux ont abouti à la transmission le 2 juin 2015 à la Commission d'une proposition française intitulée « Vers un nouveau moyen de régler les conflits entre Etats et investisseurs ». Cette proposition, qui rappelle que les Etats doivent conserver leur pleine capacité à prendre des décisions souveraines et démocratiquement légitimes, prévoit la création d'un nouveau mécanisme présentant toutes les garanties en matière de droit des Etats à réguler. Plusieurs concepts fondamentaux font ainsi l'objet de clarification, comme les « attentes légitimes des investisseurs » et l'« expropriation indirecte ». Le mécanisme proposé prévoit des règles rigoureuses en matière de transparence, d'éthique et de prévention des conflits d'intérêts, notamment par l'insertion d'une période de quarantaine applicable aux professionnels amenés à connaître des cas d'arbitrage. Les plaintes abusives portées par des investisseurs peuvent également être sanctionnées par des pénalités dissuasives. L'innovation est également institutionnelle puisqu'une cour permanente applicable à l'ensemble des futurs accords signés par l'Union européenne est proposée. Elle aura la charge de gérer une liste préétablie de professionnels du droit qui auront à connaître des litiges entre Etats et investisseurs et d'assurer le réexamen de l'ensemble des décisions de ceux-ci. La création de cette cour est conçue comme un jalon vers l'installation future d'une cour multilatérale des investissements qui fait défaut aujourd'hui au niveau international, alors même que la mondialisation est marquée par une importante augmentation des flux d'investissements internationaux. La cour permanente européenne proposée devra ainsi constituer l'ossature de cette cour multilatérale.