14ème législature

Question N° 76753
de M. Jacques Bompard (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Intérieur

Rubrique > sécurité publique

Tête d'analyse > sécurité des biens et des personnes

Analyse > délinquance et criminalité. lutte et prévention.

Question publiée au JO le : 24/03/2015 page : 2116
Réponse publiée au JO le : 16/06/2015 page : 4589

Texte de la question

M. Jacques Bompard attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur une efficacité de la police inférieure aux années précédentes. Le Figaro publiait le 16 mars 2015 le tableau de bord du ministère de l'intérieur. Outre les vols à main armée, tous les chiffres concernant le taux d'élucidation sont en baisse : « pour les homicides, ils sont passés de 93,1 % à 85,3 %, pour les vols avec violence de 14,1 % à 11,9 %, pour coups et blessures volontaires de 76,2 % à 75,3 %, pour les cambriolages de 13,6 % à 11,9 %, pour les vols liés aux véhicules de 8,8 % à 7,3 % et pour les vols à la tire de 4,3 % à 4,1 % ». D'autre part, l'évolution des crimes et délits est flagrante : « l'atteinte aux personnes concernait 488 881 faits en 2010 contre 532 138 en 2014 ; quant à l'atteinte aux biens elle évolue de 2,23 en 2010 à 2,27 millions en 2014 ». Ces chiffres reflètent l'insécurité qui s'introduit en France. Insécurité qui peut aussi s'expliquer par « une baisse : de 2,2 % des « missions opérationnelles », 2,6 % des missions de « surveillance générale policière » soit 670 000 heures de patrouille en moins, de 3,3 % pour la « surveillance des réseaux de transports terrestres » et de 8,2 % de prévention routière ». Le Gouvernement est responsable de cette insécurité : par le manque de soutien vis-à-vis des forces de l'ordre, l'instauration de tâches qui les neutralisent telle la contrainte pénale - qui alourdit les enquêtes - et une justice laxiste qui décourage et paralyse les forces de l'ordre. Il lui demande des mesures sérieuses pour faire face à l'insécurité croissante qui s'organise en France.

Texte de la réponse

La lutte contre la délinquance est une priorité. La politique de sécurité du Gouvernement s'appuie notamment sur des moyens renforcés pour les forces de l'ordre. Après les 13 700 suppressions d'emplois de policiers et de gendarmes mises en oeuvre dans le cadre de la révision générale des politiques publiques par la majorité précédente, près de 500 emplois supplémentaires de policiers et de gendarmes sont créés chaque année durant l'actuelle mandature et tous les départs à la retraite sont désormais remplacés poste pour poste. Dans le respect des impératifs de maîtrise des dépenses publiques, le Gouvernement s'attache aussi à donner aux services de police et unités de gendarmerie les moyens de fonctionner correctement. Le budget de la police hors titre II est passé de 935,6 millions d'euros en 2013 à 937,8 millions d'euros en 2014 et s'élève à 978,4 millions d'euros en 2015. Les perspectives budgétaires pour 2017, qui se traduiront par des engagements dès 2015, vont par ailleurs permettre une hausse des crédits d'investissement pour la police, destinés notamment à la rénovation des commissariats, de + 22 % pour les autorisations d'engagement et de + 9,7 % pour les crédits de paiement. Des investissements significatifs vont également permettre de moderniser les équipements des forces de l'ordre dans le cadre du programme dit « sécurité 3.0 ». Par ailleurs, le renforcement du dispositif de lutte contre le terrorisme annoncé le 21 janvier par le Premier ministre prévoit un renforcement des moyens humains et matériels des forces de sécurité. La mise en oeuvre concrète de ces mesures exceptionnelles est l'un des chantiers prioritaires du ministre de l'intérieur en 2015. Elle s'accompagne sur le plan des moyens juridiques par l'examen au Parlement du projet de loi sur le renseignement. Dans ces conditions, estimer comme dans la question écrite que le Gouvernement témoignerait d'un « manque de soutien vis-à-vis des forces de l'ordre » est pour le moins étonnant. L'augmentation des effectifs ne saurait toutefois suffire. Il est nécessaire également de gagner en efficacité, d'apporter des réponses adaptées aux territoires et aux évolutions de la délinquance. Des réformes ont ainsi été engagées pour optimiser l'organisation des services, adapter les modes d'action et intensifier les partenariats avec tous les acteurs de la sécurité et de la prévention. Des moyens supplémentaires ont été redéployés dans les secteurs les plus fortement exposés à la délinquance ou fragilisés par un déficit d'effectifs (Marseille, Corse, Lille). Les zones de sécurité prioritaires (ZSP), fondées sur l'action coordonnée et ciblée des services répressifs, sur des moyens accrus mais aussi sur le travail de prévention, sont l'un des axes forts de cette stratégie. Leurs résultats sont particulièrement encourageants (baisses de 15 % des violences urbaines et de 26 % des vols à main armée en 2014, etc.). Les liens avec l'autorité judiciaire ont été resserrés pour assurer la cohérence et l'efficacité de la chaîne pénale. La complémentarité sera encore renforcée entre les forces de l'ordre et les polices municipales et se développera avec le vaste secteur de la sécurité privée. Aux côtés de l'Etat, l'ensemble des partenaires de la sécurité et de la prévention, au premier rang desquels les maires, ont en effet un rôle essentiel à jouer. Une impulsion nouvelle a été donnée à la lutte contre plusieurs formes de délinquance, notamment avec la mise en oeuvre d'un plan national de lutte contre les cambriolages et les vols à main armée, mais aussi d'autres plans de lutte spécialisés (vols de métaux, vols dans les exploitations agricoles, vols liés à l'automobile). D'importantes mesures ont également été prises pour renforcer l'action contre la cybercriminalité, avec en particulier la nomination d'un préfet chargé de coordonner la mobilisation de la police et de la gendarmerie nationales en matière de lutte contre les cybermenaces. Une politique pragmatique et déterminée est donc menée pour lutter contre la délinquance, combinant répression, dissuasion, prévention et partenariats. S'agissant des résultats, il y a lieu de rappeler que l'Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) a souligné que la mise en place de nouveaux outils d'enregistrement des faits dans les services de police et de gendarmerie avait généré des « ruptures statistiques », affectant la plupart des indicateurs utilisés pour analyser les évolutions des phénomènes délinquants. Pour autant, certaines grandes évolutions sont observables. Les atteintes volontaires à l'intégrité physique ont été plus nombreuses en 2014 qu'en 2013 (+ 3 %). Cette situation commande d'aller plus loin dans ce domaine. Pour autant, il doit être noté que les violences crapuleuses reculent (- 8 %), ce qui témoigne de l'efficacité du travail des forces de l'ordre. Ce sont en effet les violences physiques non crapuleuses (+ 6 %) qui augmentent. Il y a lieu de rappeler qu'elles révèlent des phénomènes sociaux complexes et appellent des réponses interministérielles. S'agissant des atteintes aux biens, elles ont été mesurées, dans leur globalité, comme étant stables en 2014. Les indicateurs font cependant apparaître une baisse des cambriolages (- 1,29 %) pour la première fois depuis 2008, notamment de résidences principales (- 6,3 %), ainsi qu'une diminution significative (- 12 %) des vols à main armée. Pour la première fois depuis dix ans, le nombre de vols à main armée est passé sous la barre symbolique des 5 000 faits constatés (4 600 faits en 2014). Les vols de véhicules ont également diminué de 3 % en 2014. Les vols avec violences sont également orientés à la baisse. D'autres indicateurs, pourtant intéressants, sont par ailleurs passés sous silence dans la question écrite. Il en est ainsi par exemple de l'indicateur concernant les comportements portant atteinte à la tranquillité publique (vols violents, destructions et dégradations de biens publics et privés, racolage, etc.) qui sont en baisse de 3 % en 2014. S'agissant du taux d'élucidation, la réalité est plus complexe que ce que ne le laissent penser les termes de la question écrite. Si l'on compare en effet les données de 2014 à celles de 2010 (sans que la question écrite ne donne de justification particulière quant au choix de cette année), elles font en effet apparaître une légère amélioration du taux d élucidation des violences aux personnes (60,28 % en 2014, conte 59,81 % en 2010), tandis que le taux d'élucidation des atteintes aux biens à lui baissé (13,31 % en 2014, contre 15,33 % en 2010). Autre exemple, le taux d'élucidation des vols à main armée, qui est passé de 36,29 % en 2010 à 43,12 % en 2014. Le ministre de l'intérieur a donné des instructions aux préfets pour que les indicateurs témoignant d'évolutions préoccupantes mobilisent toute leur énergie, notamment les violences intrafamiliales et les violences sexuelles, mais aussi les trafics et les fraudes qui nourrissent l'économie souterraine ainsi que la grande délinquance économique et financière, incluant la cybercriminalité. Ces quelques chiffres ne justifient nul triomphalisme. Ils témoignent en revanche d'une réalité plus contrastée que celle décrite dans la question écrite. Ils témoignent aussi de l'engagement et du professionnalisme des forces de police et de gendarmerie sur le terrain et du bien-fondé des plans d'action spécifiques mis en oeuvre par exemple pour renforcer la lutte contre les cambriolages et les vols à main armée. Au regard de ces éléments, évoquer une « insécurité croissante » ou « une efficacité de la police inférieure aux années précédentes » comme dans la question écrite revient à déformer une réalité complexe et à méconnaître voire à dévaloriser l'engagement quotidien, sur le terrain, des policiers et gendarmes. Il convient enfin de rappeler que la réponse à la violence et aux incivilités ne peut se limiter à des mesures strictement policières et judiciaires. Elle passe aussi par un investissement de long terme et une action mobilisant différents leviers : emploi, politique de la ville, prévention, éducation.