14ème législature

Question N° 76828
de M. Jacques Cresta (Socialiste, républicain et citoyen - Pyrénées-Orientales )
Question écrite
Ministère interrogé > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère attributaire > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social

Rubrique > travail

Tête d'analyse > réglementation

Analyse > détachement. directive européenne. contrôles.

Question publiée au JO le : 24/03/2015 page : 2137
Réponse publiée au JO le : 21/04/2015 page : 3105

Texte de la question

M. Jacques Cresta attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur la mise en œuvre de la politique gouvernementale contre le dumping social. En effet seraient présents sur le territoire national plus de 300 000 travailleurs détachés à ce jour. Si la liberté de circulation constitue un des piliers de la construction européenne, à laquelle nous sommes tous attachés, elle ne doit pas conduire, sur le terrain, à la mise en concurrence des travailleurs européens et à une situation de dumping social. Malheureusement, on constate sur l'ensemble de notre territoire des pratiques à la fois illégales et indignes, dans des secteurs aussi variés que le bâtiment et les travaux publics, les transports, l'agriculture ou la sécurité privée. Le Gouvernement a joué un rôle moteur pour promouvoir une meilleure régulation européenne fondée sur l'obligation, pour chaque État membre, de mettre en place une responsabilité du donneur d'ordres en cas de fraude au détachement de travailleurs. Concrètement, l'adoption à l'été 2014 de la proposition de loi de Gilles Savary a permis de transposer dans le droit français un arsenal judiciaire efficace pour lutter contre ces fraudes. Dans le cadre du projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques trois mesures très importantes sont prévues pour lutter contre le travail illégal : l'augmentation de 10 000 euros à 500 000 euros du montant de l'amende administrative ; l'ouverture de la possibilité, pour l'autorité administrative, de suspendre une prestation de services internationale en cas de fraude manifeste ; enfin, la généralisation de la carte professionnelle obligatoire, voulue par la Fédération française du bâtiment. Cependant ce nouvel arsenal juridique qui permet en droit de lutter contre le dumping social et les détournements des réglementations concernant les travailleurs détachés n'aura d'effet que si un travail de terrain est effectué avec la mise en place de contrôles de ces pratiques et que ces fraudes au détachement de travailleurs dans notre pays sont sanctionnées. Il souhaiterait connaître les mesures prises sur le terrain pour faire appliquer les dispositions gouvernementales de lutte contre le travail illégal qui touche tout particulièrement les départements frontaliers comme celui des Pyrénées-Orientales.

Texte de la réponse

Pour la bonne application des règles relatives au détachement dans un contexte de libre circulation accrue des travailleurs au sein de l'Union Européenne et compte tenu du constat de certaines pratiques de contournement du droit (exemple des entreprises « boîte aux lettres »), la directive européenne 2014/67/UE du 15 mai 2014 renforce les moyens dont disposent les États pour lutter contre les pratiques frauduleuses. Elle prévoit notamment différentes mesures destinées à permettre une information plus précise et plus accessible des acteurs du détachement et à faciliter le contrôle et les sanctions des entreprises qui ne respectent pas les droits des salariés détachés et les règles encadrant la prestation de service transnationale. Le Gouvernement a fait le choix de devancer la transposition de cette directive en soutenant avant même la fin des négociations, l'initiative législative d'un député, M. Gilles Savary. La loi n° 2014-790 du 10 juillet 2014 visant à lutter contre la concurrence sociale déloyale a donc notamment pour objet de transposer cette directive et de compléter la réglementation en matière de lutte contre les fraudes au détachement. Elle instaure un dispositif de responsabilité solidaire entre le donneur d'ordre et l'un de ses sous-traitants s'ils ne respectent pas, ou pas intégralement, l'obligation de verser aux salariés - notamment détachés - une rémunération au moins égale au salaire minimum légal ou conventionnel. Elle transpose ainsi la directive d'application en garantissant à tous les salariés, et notamment aux salariés détachés, la possibilité de faire valoir leur droit au paiement d'un salaire conforme au minimum légal ou conventionnel. Mais elle va aussi plus loin que le dispositif prévu dans la directive. D'une part, la responsabilité solidaire mise en place n'est pas limitée au seul secteur du bâtiment mais s'applique à tous les secteurs professionnels. D'autre part, cette responsabilité pèse sur les maîtres d'ouvrage et l'ensemble des donneurs d'ordre, quel que soit leur rang dans la chaîne de sous-traitance et n'est pas limitée au seul cocontractant. La loi complète également l'arsenal législatif français en matière de lutte contre les fraudes au détachement, notamment en élargissant les possibilités d'action offertes aux organisations professionnelles d'agir en justice même si l'action publique n'a pas été mise en mouvement par le ministère public ou par la partie lésée et en autorisant les organisations syndicales à agir au nom d'un salarié détaché même en l'absence d'accord expresse de l'intéressé. L'obligation de déclaration préalable de détachement et de désignation d'un représentant en France est désormais consacrée par la loi. Son non respect est sanctionné par une amende, qui peut aussi être infligée au donneur d'ordre qui ne s'est pas assuré que son prestataire de service s'est acquitté de ces formalités. Enfin, la loi contient des dispositions qui renforcent les sanctions applicables en cas de travail illégal, qui peut souvent être constaté dans les cas de fraude au régime du détachement. Mais il faut amplifier l'action et traduire les sanctions dans les faits. C'est pourquoi figurent dans le projet de loi croissance et activité trois mesures importantes : - Premièrement, l'augmentation de l'amende administrative pour non respect de la déclaration de détachement, avec un passage du plafonnement du cumul d'amendes de 10 000 € à 500 000 €. - Deuxièmement, la possibilité pour l'autorité administrative de suspendre une prestation de service internationale. - Enfin, la généralisation d'une carte d'identité professionnelle obligatoire sur tous les chantiers du BTP. Par ailleurs, les contrôles seront considérablement renforcés en 2015. 30 000 contrôles conjoints avec l'URSSAF seront opérés notamment dans les secteurs prioritaires, soit 8 000 de plus avec une action ciblée sur 500 grands chantiers. De plus, dans le cadre de la nouvelle organisation de l'inspection du travail, pour accentuer les contrôles, ont été créés un groupe national chargé des affaires les plus sensibles et des unités régionales. Le gouvernement est totalement engagé dans la lutte contre le travail détaché illégal. Il le fait pour les salariés employés dans des conditions indignes, pour les entreprises victimes du dumping social mais aussi pour l'emploi.