14ème législature

Question N° 76993
de M. Hervé Féron (Socialiste, républicain et citoyen - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Intérieur
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > étrangers

Tête d'analyse > immigration

Analyse > mineurs isolés. examen médical. réglementation.

Question publiée au JO le : 31/03/2015 page : 2441
Réponse publiée au JO le : 22/12/2015 page : 10606
Date de changement d'attribution: 19/05/2015
Date de renouvellement: 07/07/2015

Texte de la question

M. Hervé Féron attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les tests pratiqués sur les enfants mineurs entrés sur le territoire français. Ces jeunes isolés sont pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance dépendant des Conseils généraux. En l'absence d'informations suffisamment étayées ou crédibles sur leur état civil, ces mineurs sont soumis à des examens physiologiques et à des tests osseux pour déterminer leur âge alors que ces tests ont normalement une visée thérapeutique dans le cas des retards de croissance. Ces pratiques sont régulièrement dénoncées par les associations en ce qu'elles sont loin de représenter un moyen fiable pour évaluer l'âge et apparaissent dégradantes et humiliantes pour les personnes qui y sont soumises. Par ailleurs, les méthodes de radiographie utilisées, dites de Greulich et de Pyle, ont été établies il y a plus de 60 ans, et correspondent à des squelettes caucasiens, différents des ossatures d'adolescents issus par exemple du continent africain. Le corps médical et les comités d'éthique soulignent également le caractère approximatif de ces examens et le fait qu'il est possible de raisonner uniquement en densité de probabilité. Le Haut conseil de la santé publique dans son avis du 23 janvier 2014 précisait que « la détermination d'un âge osseux ne permet pas de déterminer l'âge exact du jeune lorsqu'il est proche de la majorité légale. La détermination d'un âge physiologique sur le seul cliché radiologique est à proscrire ». La Commission nationale consultative des droits de l'Homme recommandait d'ailleurs de mettre fin à cette pratique le 26 juin 2014, conformément à l'avis très critique rendu par le commissaire aux droits de l'Homme du Conseil de l'Europe en 2011 qui précisait que les tests osseux sont en contradiction avec la convention relative aux droits de l'enfant. Alors qu'une circulaire du 31 mai 2013 était censée limiter le recours à ces méthodes, certains Conseils généraux, en raison des contraintes budgétaires auxquels ils sont soumis, ont tendance à y recourir de façon abusive dans le but de réduire leur coût en faisant sortir les enfants mineurs isolés des services de l'ASE, au risque de les fragiliser encore davantage et de les plonger dans une précarité extrême. Il lui demande ainsi les mesures que le Gouvernement entend prendre pour mettre fin à ces dérives et son appréciation quant à l'interdiction des tests osseux.

Texte de la réponse

Tout enfant en danger sur le territoire national peut bénéficier du dispositif de protection de l’enfance, quelle que soit sa nationalité, son origine et son parcours. Les mineurs privés temporairement ou définitivement de la protection de leur famille sur le territoire national, communément appelés mineurs isolés étrangers, ne sont pas toujours en mesure de prouver leur minorité, condition nécessaire pour bénéficier d’une mesure de protection. Dans le cadre de la procédure d’assistance éducative, l’article 1183 du code de procédure civile permet à l’autorité judiciaire d’ordonner toute mesure d’information, enquête sociale, examens médicaux, expertises psychiatriques et psychologiques… C’est à ce titre que des examens radiologiques, les tests osseux, peuvent être ordonnés en cas de doute sur la minorité de l’intéressé et après vérification des documents d’identité, conformément au protocole d’évaluation de l’âge annexé à la circulaire du 31 mai 2013 relative aux modalités de prise en charge des jeunes isolés étrangers. Ce protocole rappelle que ces examens ont un caractère subsidiaire, qu’ils ne constituent que l’un des éléments d’appréciation et que le doute doit être interprété en faveur de la minorité. Les conditions dans lesquelles ces tests sont pratiqués suscitent toutefois des interrogations, partagées par la garde des Sceaux, quant au respect de la volonté et de l’intérêt de ces enfants. Leur fiabilité est également questionnée, notamment lorsqu’ils sont utilisés seuls, puisqu’ils ne permettent pas d’établir d’âge certain et ne donnent qu’une indication comportant une marge d’erreur. Ces questions sont actuellement en débat devant le Parlement dans le cadre de la proposition de loi no 799 relative à la protection de l’enfant, déposée le 11 septembre 2014 par la sénatrice madame Michelle MEUNIER. A ce stade de la discussion, le recours aux tests radiologiques n’est possible qu’en cas d’accord de l’intéressé. Le doute lui profite.