Question de : Mme Bérengère Poletti
Ardennes (1re circonscription) - Les Républicains

Mme Bérengère Poletti attire l'attention de M. le ministre du redressement productif sur l'appropriation de prénoms pour nommer des produits. On se souvient de l'affaire Mégane Renaud, du nom de cette fillette dont les parents avaient dû aller plaider le droit de la prénommer ainsi devant la justice. Aujourd'hui, c'est l'inverse : le même constructeur automobile a pour dessein de nommer sa future berline électrique « ZOE ». Ce choix porte préjudice aux femmes portant le prénom de « Zoé » exposées aux mêmes railleries plus ou moins élégantes que celles dont le prénom est « Mégane ». Notons que ce prénom est tombé en désuétude depuis la sortie du véhicule homonyme. Aujourd'hui, une pétition opposée à cette appropriation réunit près de 8 000 signataires et 38 % des Français estiment « déplacé ou tout à fait déplacé » le procédé d'appeler une voiture par un prénom. Le spectre de possibilités pour nommer une automobile ou tout autre bien de consommation est aussi large que la langue française elle-même. Pour nommer les humains, il n'y a que les prénoms. Il s'agit là de la frontière entre le vivant et l'inerte. Alors que des parents ne peuvent attribuer à leur fille un prénom sous prétexte qu'il est déjà utilisé pour désigner un produit, peut-on tolérer qu'un produit puisse sans vergogne s'approprier un prénom ? Aussi, elle lui demande de lui faire part de son avis sur la question.

Réponse publiée le 22 octobre 2013

Le nom d'une personne physique, qui a pour objectif l'identification de cette personne dans la vie sociale, comporte deux éléments : le nom patronymique qui désigne une famille et le prénom qui distingue la personne au sein d'une même famille. Si le nom est le fruit d'un rapport de filiation ou d'une décision administrative, le choix du prénom d'un enfant est un attribut de l'autorité parentale, le choix appartenant aux seuls « père et mère » de l'enfant, selon l'article 57 alinéa 2 du code civil. En droit, le prénom est régi par le principe d'indisponibilité, c'est-à-dire qu'il n'appartient pas à la personne qui le porte, elle ne peut en avoir l'exclusivité, le céder ou le prêter. Un prénom existant peut être choisi par tous les parents sans interdiction, c'est un bien commun sans maître. En vertu de ce principe un prénom existant peut également être attribué à un bien. Les limites apportées à ce principe concernent en premier lieu l'intérêt supérieur de l'enfant. Le troisième alinéa de l'article 57 du code civil fixe les limites de ce droit en précisant que l'officier de l'état civil, lorsque les prénoms choisis, ou l'un d'eux, lui paraissent « contraires aux intérêts de l'enfant », avise le procureur de la République. Ce dernier peut alors saisir le juge aux affaires familiales qui tranchera le litige et pourra demander la suppression du prénom sur les registres de l'état civil. A ce titre, rien n'interdit à des parents d'attribuer à leur enfant un prénom qui par ailleurs peut évoquer une marque commerciale ou être utilisé comme une marque commerciale. Dans ce cas, ce qui sera apprécié par le juge c'est le caractère préjudiciable à l'enfant. Ainsi dans le cas de l'enfant nommée Mégane Renaud et qui ne concernait pas l'utilisation d'un prénom seul mais son association avec un nom de famille pouvant provoquer d'éventuelles railleries, la Cour d'appel a finalement jugé que cette association n'était pas préjudiciable à l'enfant. Des parents peuvent également par ailleurs donner comme prénom à leur enfant un nom dont la notoriété relève quasi-exclusivement d'une marque commerciale. Ainsi en France chaque année plus d'une centaine d'enfants se voit attribuer le prénom « Chanel ». A l'inverse, comme précédemment évoqué, rien n'interdit à une société commerciale de désigner un de ses produits par un prénom, l'utilisation commerciale d'un prénom est en effet licite mais elle connaît toutefois elle aussi des limites. Cette deuxième série de limite au principe d'indisponibilité relève de la protection de la notoriété et entre dans le cadre juridique du parasitisme commerciale. Toute personne, parallèlement à son droit d'utiliser son ou ses prénoms, peut en assurer la protection dans des conditions similaires à celles existantes pour le nom de famille. Ainsi, le prénom pourra être protégé contre son utilisation fautive en tant que marque lorsqu'il est source de confusion dans l'esprit du public, confusion qui entraînera, pour le titulaire du prénom, un préjudice, le plus souvent de nature morale. Pour autant, pour que la possible confusion dans l'esprit du public soit relevée, l'association du prénom et du nom doit être marquée par une réelle notoriété. Ainsi, le juge considère que cette confusion est rarement acquise car, sauf exception, le pouvoir d'identification du prénom seul est quasi nul en dehors de la cellule familiale. Les tribunaux ont jugé que la confusion n'était possible que lorsque la rareté ou l'originalité d'un prénom fait que le public l'assimile automatiquement à une personne déterminée. Ils retiennent également le cas d'un prénom porté par une famille précise ou d'un prénom « classique » mais rendu célèbre car attaché à une personnalité connue du public.

Données clés

Auteur : Mme Bérengère Poletti

Type de question : Question écrite

Rubrique : État civil

Ministère interrogé : Redressement productif

Ministère répondant : Redressement productif

Dates :
Question publiée le 23 octobre 2012
Réponse publiée le 22 octobre 2013

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