14ème législature

Question N° 77858
de M. Christian Jacob (Union pour un Mouvement Populaire - Seine-et-Marne )
Question écrite
Ministère interrogé > Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche
Ministère attributaire > Éducation nationale, enseignement supérieur et recherche

Rubrique > enseignement

Tête d'analyse > activités

Analyse > activités scolaires. accompagnateurs. signes religieux. réglementation.

Question publiée au JO le : 14/04/2015 page : 2786
Réponse publiée au JO le : 08/09/2015 page : 6856

Texte de la question

M. Christian Jacob attire l'attention de Mme la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche sur les conditions d'application du principe de laïcité aux personnes ayant la qualité de « collaborateur occasionnel du service public » dans le cadre d'un service d'accompagnement scolaire d'une mairie, ayant par conséquent un caractère de service administratif facultatif. Le défenseur des droits a saisi le Conseil d'État le 20 septembre 2013 sur les conditions d'application du principe de laïcité aux personnes ayant la qualité de « collaborateur occasionnel du service public ». Ce dernier a estimé que, s'agissant des collaborateurs ou des participants au service, une obligation de neutralité religieuse ou des restrictions à la liberté de manifestation des opinions religieuses n'existait pas de manière générale mais pouvait intervenir soit de textes particuliers soit de considérations liées à l'ordre public ou au bon fonctionnement du service concerné. C'est sur cet avis que s'est basée Mme la Ministre en estimant, devant l'observatoire de la laïcité le 21 octobre 2014 que, s'agissant des mères voilées accompagnant les sorties scolaires, « l'acceptation des mères devait être la règle et le refus l'exception ». Cependant, étaient alors visées les collaborations ponctuelles au service, et non l'accompagnement et l'encadrement sur le long terme. Concernant le cas de l'accompagnement régulier, un avis a été rendu postérieurement par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation en juin 2014 suite à un pourvoi formé à l'encontre d'un arrêt rendu après cassation le 27 novembre 2013 par la Cour d'appel de Paris. Dans cet avis, la Cour de cassation donne raison à la Cour d'appel qui approuvait une interdiction de port ostentatoire de signe religieux pour un salarié d'une entreprise privée à but non lucratif exerçant une mission d'intérêt général, à savoir l'éducation de jeunes enfants. Cette interdiction n'a pas été seulement justifiée par l'obligation de neutralité religieuse des personnes exerçant une activité d'intérêt général (pouvant être assimilée à un service public), mais aussi, et surtout, du fait de l'importance de la protection de liberté de conscience des jeunes enfants, du respect du droit des parents d'éduquer leurs enfants selon leurs convictions personnelles. En effet, il a été admis par la Cour de cassation qu'au vu du jeune âge des enfants, « le port du voile dans une crèche présente un risque certain de pression sur autrui ». De plus, dans sa jurisprudence, la Cour européenne des droits de l'Homme considère que l'attitude des enseignants joue un rôle important. Selon la Cour, par leur seul comportement, ceux-ci peuvent avoir une grande influence sur leurs élèves ; ils représentent un modèle auquel les élèves sont particulièrement réceptifs en raison de leur jeune âge, de la quotidienneté de la relation - à laquelle ils ne peuvent en principe se soustraire - et de la nature hiérarchique de ce rapport. Le port du foulard, en particulier, emporte donc pour la Cour un risque d'atteinte aux sentiments religieux des élèves et de leurs parents. C'est la raison pour laquelle, selon elle, « la liberté de manifester ses convictions religieuses peut être légitimement limitée lorsque cette restriction vise à protéger la liberté de conscience des enfants en bas-âge, considérés comme un public particulièrement influençable et sensible ». Ainsi, il est clair que l'interdiction du port ostentatoire de signe religieux ne saurait trouver sa justification uniquement dans la qualité ou non d'agent du service public, de la personne concernée, mais bien dans la nature de la mission effectuée. Si bien que la question du port de signes religieux ostentatoires par des tiers au service ne paraît pas être clairement réglée. Or force est de constater qu'avec la réforme des rythmes scolaires, les jeunes élèves sont davantage en contact avec des collaborateurs occasionnels au service, et que ce type de questionnements légitimes est à même de se multiplier. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir préciser les conditions d'application du principe de laïcité aux collaborateurs ou aux participants au service public dans le cadre d'une activité de soutien ou d'encadrement scolaire réguliers auprès de jeunes enfants.

Texte de la réponse

La réforme des rythmes scolaires mise en oeuvre par le décret n° 2013-77 du 24 janvier 2013 relatif à l'organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires a modifié l'organisation de la semaine scolaire des élèves des écoles maternelles et élémentaires en répartissant sur neuf demi-journées (au lieu de huit demi-journées précédemment) les vingt-quatre heures hebdomadaires d'enseignement dispensé aux élèves depuis l'entrée en vigueur, à la rentrée scolaire 2008, du décret n° 2008-463 du 15 mai 2008. La réforme des rythmes scolaires n'a donc pas eu pour effet de mettre davantage les élèves des écoles en contact avec les personnels qui mettent en oeuvre les activités périscolaires organisées par les communes en dehors du temps scolaire. Pendant le temps scolaire, les élèves sont sous la surveillance des enseignants et, le cas échéant, des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, soumis au devoir de neutralité qui s'impose aux agents du service public. Pendant le temps périscolaire, ce sont les personnes recrutées par les communes qui animent les activités proposées aux enfants et les encadrent. Les communes peuvent en effet mettre en place de telles activités au bénéfice des élèves des écoles en application de l'article L. 551-1 du code de l'éducation. Mais la possibilité pour les communes d'organiser des activités périscolaires est issue de la loi n° 89-486 du 10 juillet 1989 d'orientation sur l'éducation et la réforme des rythmes scolaires n'a pas transformé cette faculté en obligation. Pour les personnes autres que des fonctionnaires municipaux auxquelles recourent des communes pour assurer les activités périscolaires, la question de leur neutralité religieuse n'est pas nouvelle pour la majorité des communes qui organisaient de telles activités avant la réforme des rythmes scolaires, avant ou après la classe ou le mercredi. Le Conseil d'Etat, saisi par le Défenseur des droits d'une demande d'étude portant sur la question de la liberté d'expression religieuse et de son encadrement, s'est récemment prononcé sur la question du port de signes religieux par les personnes participant au service public de manière occasionnelle (étude adoptée par l'Assemblée générale du Conseil d'Etat le 19 décembre 2013). Après avoir rappelé que les agents des services publics sont tenus à une obligation de neutralité religieuse dans l'exercice de leurs missions, le Conseil d'Etat a estimé que pour les usagers et le tiers au service public, qui ne sont pas en tant que tels soumis à l'exigence de neutralité religieuse, des restrictions à la liberté de manifester des opinions religieuses peuvent résulter soit de textes particuliers, soit de considérations liées à l'ordre public ou au bon fonctionnement du service. Les principes ainsi rappelés par le Conseil d'Etat dans son étude du 19 décembre 2013 sont applicables aux personnes auxquelles les communes confient l'animation et l'encadrement des activités périscolaires qu'elles mettent en place. En revanche, le raisonnement retenu par l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, dans son arrêt du 25 juin 2014, ne peut être transposé aux personnes recrutées par les communes puisqu'il est fondé sur l'interprétation des articles L. 1121-1 et L. 1321-3 du code du travail dont il résulte que les restrictions à la liberté du salarié de manifester ses convictions religieuses doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, dès lors que ces dispositions du code du travail ne sont pas applicables aux collectivités publiques.