14ème législature

Question N° 78243
de M. André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine - Puy-de-Dôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère attributaire > Agriculture, agroalimentaire et forêt

Rubrique > élevage

Tête d'analyse > lait

Analyse > quotas. suppression. conséquences.

Question publiée au JO le : 21/04/2015 page : 2936
Réponse publiée au JO le : 02/06/2015 page : 4100

Texte de la question

M. André Chassaigne interroge M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur la situation des éleveurs laitiers alors que la suppression des quotas laitiers devient effective. Le 31 mars 2015 a marqué la fin des quotas laitiers. Cette mesure de gestion des volumes européens disparaît au bout de 30 années d'existence, et alors que les producteurs se trouvent dans une situation désastreuse, déjà soumis à l'extrême volatilité des prix et à une libéralisation du secteur conduite à marche forcée à la demande de la Commission européenne. C'est tout l'équilibre entre l'offre et la demande qui est remis en cause, entraînant une pression permanente sur les prix d'achat, alors que les mesures de contractualisation avec les transformateurs s'avèrent totalement inefficaces. Déjà, en 2014, l'octroi de quotas laitiers supplémentaires par les industriels, sous la pression de la grande distribution, a largement déstabilisé les marchés et fait chuter les prix. L'objectif de cette libéralisation de la production laitière est simple : faire chuter les prix d'achat et concentrer l'offre laitière sur les territoires et les exploitations les plus performantes. Il s'agit d'un véritable plan d'ajustement territorial et financier de la production laitière française et européenne pour mieux servir les marchés et les grands acteurs de la distribution et du commerce alimentaire. Alors que la France ne compte plus que 70 000 exploitations laitières, quand elle en comptait 160 000 en 1995, et 120 000 en 2002, seules les régions qui auront les coûts de production les plus faibles sauveront leurs élevages. Les zones de montagne et de piémont situées hors appelation d'origine seront les premières victimes de ces choix libéraux. Seule une vraie régulation des productions, des prix et des marchés, est à même d'enrayer la disparition de l'élevage laitier sur une grande partie du territoire national. Aussi, il souhaiterait connaître les engagements qu'il compte prendre au regard des graves menaces qui pèsent sur les éleveurs laitiers, particulièrement en zone de montagne et de piémont.

Texte de la réponse

Le Gouvernement est très attentif à l'évolution des marchés du lait et des produits laitiers et agit pour donner des perspectives aux éleveurs. En effet, l'élevage français, dans toute sa diversité, est et doit rester un atout majeur pour l'agriculture et pour l'économie françaises parce qu'il permet de créer de la valeur sur tout le territoire national. Il convient de rappeler au préalable, que la décision européenne de sortie du système des quotas laitiers a été prise en 2008, avec l'accord du Gouvernement français de l'époque. Dans ce contexte, le Gouvernement est force de propositions au niveau européen. L'observatoire européen du marché du lait et des produits laitiers, obtenu par la France, est en place depuis avril 2014. Néanmoins, lors du Conseil européen des ministres de l'agriculture du 15 décembre 2014, le ministre a une nouvelle fois indiqué la nécessité d'améliorer encore la connaissance des marchés et de leurs perspectives de façon fine et réactive. La France a fait plusieurs propositions en ce sens pour renforcer cet observatoire qui doit permettre aux acteurs de mieux anticiper les fluctuations du marché, notamment depuis la fin des quotas laitiers le 1er avril 2015, et d'assurer une réponse appropriée et proportionnée aux crises. Par ailleurs, au niveau national, un travail a été engagé avec la filière laitière, au sein de FranceAgriMer, pour dégager une stratégie partagée à long terme afin d'accompagner la structuration des filières et le renforcement de leur compétitivité. C'est dans ce cadre que les enjeux spécifiques relatifs à la filière laitière en zones de montagne et de piémont sont traités. Concernant les aides couplées à la filière bovine laitière, ces dernières, limitées jusqu'en 2014 à la montagne, seront étendues à l'ensemble du territoire grâce à la mise en oeuvre d'une nouvelle enveloppe de 95 millions d'euros complétant l'enveloppe actuelle de 45 millions d'euros qui restera dédiée à la montagne dès cette année. Le niveau d'aide en montagne sera ainsi supérieur à l'aide unitaire dans les autres zones. L'aide laitière prendra la forme d'une aide unitaire estimée à 74 € par vache sur les 30 premières vaches en zone de montagne (y compris piémont) et d'une aide unitaire estimée à 36 € par vache sur les 40 premières vaches hors zone de montagne. Une majoration de 15 € par vache en zone de montagne et de 10 € par vache hors zone de montagne sera appliquée pour les nouveaux producteurs (dont les jeunes agriculteurs) pendant les trois années suivant le début de leur activité. En outre, l'enveloppe de 2 %, soit 151 millions d'euros, pour les productions riches en protéines s'adressera en priorité aux éleveurs et sera répartie de la manière suivante : un soutien dédié aux éleveurs disposant de plus de 5 unités gros bovins et produisant certaines légumineuses fourragères, en particulier la luzerne ; un soutien aux producteurs produisant certaines plantes riches en protéines dans l'objectif de leur consommation par l'élevage ; un soutien à la production de semences fourragères. Ce régime profitera donc aux éleveurs, notamment ceux des zones défavorisées. Par ailleurs, un plan pour la compétitivité et l'adaptation des exploitations agricoles (qui remplace désormais en particulier le plan de modernisation des bâtiments d'élevage) est doté de plus de 200 millions d'euros par an (crédits UE, État et régions), va permettre d'accompagner en particulier les secteurs d'élevage. Enfin, le développement des signes d'identification de la qualité et de l'origine ou de la mention valorisante « produit de montagne » peut permettre d'accroître la valeur ajoutée générée et d'assurer un maintien des filières laitières dans ces zones. Les dispositions européennes issues du « paquet lait » et permettant de réguler l'offre des fromages bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée sont des outils au service des filières permettant de préserver un équilibre satisfaisant entre l'offre et la demande du fromage concerné, de maintenir sa qualité et de préserver les emplois dans les territoires. Par ailleurs, les dispositions législatives et réglementaires concernant l'organisation économique des filières, renforcées dans le cadre de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, visent à donner de la visibilité aux acteurs et assurer un fonctionnement pérenne des filières. Ce cadre, consacré par la nouvelle organisation commune de marché, fournit aux acteurs des outils pour s'adapter et accroître leur durabilité économique : outils de structuration économique des producteurs à travers des organisations de producteurs reconnues pouvant, dans certains secteurs, négocier au nom de leurs membres des contrats écrits avec les acheteurs ; reconnaissance et renforcement du rôle des organisations interprofessionnelles ; renforcement des outils de contractualisation. Enfin, dans le cadre du programme d'investissement d'avenir, un troisième appel à projets « innovations et compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires », doté de 45 millions d'euros sur deux ans, est désormais lancé. Il a pour objectif d'accélerer la mise au point et le développement d'innovations et de favoriser l'investissement pour l'agriculture comme pour les industries agroalimentaire. Les projets pourront porter sur l'innovation individuelle et des investissements matériels et immatériels au sein des projets mutualisés démontrant un apport déterminant à une filière et à sa structuration. La filière laitière, comme toutes les autres, doit se saisir de cette opportunité pour proposer des projets collectifs, adaptés aux besoins des territoires. Cet outil a été pensé pour s'adapter au mieux à ce type de projets, et ce malgré le changement opéré en 2015 d'une logique de « guichet », à une logique de soutien à des projets.