14ème législature

Question N° 78244
de M. André Chassaigne (Gauche démocrate et républicaine - Puy-de-Dôme )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère attributaire > Agriculture, agroalimentaire et forêt

Rubrique > élevage

Tête d'analyse > lait

Analyse > quotas. suppression. conséquences.

Question publiée au JO le : 21/04/2015 page : 2936
Réponse publiée au JO le : 02/06/2015 page : 4100

Texte de la question

M. André Chassaigne interroge M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur l'insuffisance des mesures permettant de maintenir les exploitations laitières dans le contexte de sortie des quotas laitiers. Alors que l'abandon des quotas laitiers est désormais effectif depuis le 1er avril 2015, les producteurs de lait se retrouvent directement confrontés aux logiques de marché, sans perspectives quant à la pérennité de leur activité. Ils perdent ainsi les derniers leviers permettant une équité de traitement dans les redistributions et une répartition des besoins en lait des industriels sur l'ensemble du territoire protégeant les zones défavorisées. L'impact de la libéralisation à marche forcée du secteur laitier aura pour effet d'anéantir les derniers outils de défense collective des producteurs sur les prix d'achat et pour le maintien de la collecte sur sa zone géographique. L'échec des mesures contenues dans le « Paquet lait » de 2012 qui visaient à la mise en place d'une contractualisation entre acheteurs et producteurs, regroupés en organisations de producteurs, est manifeste. En témoigne la fluctuation incessante des prix d'achat, qui, après une embellie en 2013 et début 2014, ne cessent de s'écrouler, passant sous la barre des 230 euros la tonne. Seuls les profits de la grande distribution et des grands groupes industriels, conjugués à la spéculation sur cette nouvelle matière première, guident aujourd'hui les opérateurs. Les contrats négociés n'ont aucune efficacité. La confirmation de la libéralisation de ce secteur essentiel à l'agriculture européenne et française est d'autant plus dramatique qu'aucun autre grand pays producteur n'abandonne ses outils de régulation des volumes et de gestion des marchés. La volatilité des prix conduit ainsi, en fonction de la demande mondiale et des fluctuations de l'offre, à voir les prix varier de plus ou moins 50 % en quelques mois. Par ailleurs, les projets d'accord de libre-échange, notamment avec les Etats-unis, peuvent conduire à déstructurer encore plus rapidement les filières (attaques sur le lait cru, distorsions de concurrence sur les normes sanitaires, environnementales et de bien-être animal). L'objectif de la Commission européenne de capter le maximum de marchés extérieurs et d'augmenter la production laitière sur la base de très grandes exploitations, très intensives, couplées à d'autres productions subventionnées, est ainsi totalement déconnectée des besoins économiques, environnementaux et sociétaux. Elle tourne clairement le dos à l'objectif d'une agriculture plus durable, relocalisée, répondant en qualité et en quantité aux besoins des consommateurs européens. En conséquence, il souhaiterait connaître ses intentions pour reprendre l'initiative d'une régulation européenne de ce secteur, permettant d'assurer des prix rémunérateurs pour les producteurs et un maintien des exploitations sur nos territoires.

Texte de la réponse

Le Gouvernement est très attentif à l'évolution des marchés du lait et des produits laitiers et agit pour donner des perspectives aux éleveurs. En effet, l'élevage français, dans toute sa diversité, est et doit rester un atout majeur pour l'agriculture et pour l'économie françaises parce qu'il permet de créer de la valeur sur tout le territoire national. Il convient de rappeler au préalable, que la décision européenne de sortie du système des quotas laitiers a été prise en 2008, avec l'accord du Gouvernement français de l'époque. Dans ce contexte, le Gouvernement est force de propositions au niveau européen. L'observatoire européen du marché du lait et des produits laitiers, obtenu par la France, est en place depuis avril 2014. Néanmoins, lors du Conseil européen des ministres de l'agriculture du 15 décembre 2014, le ministre a une nouvelle fois indiqué la nécessité d'améliorer encore la connaissance des marchés et de leurs perspectives de façon fine et réactive. La France a fait plusieurs propositions en ce sens pour renforcer cet observatoire qui doit permettre aux acteurs de mieux anticiper les fluctuations du marché, notamment depuis la fin des quotas laitiers le 1er avril 2015, et d'assurer une réponse appropriée et proportionnée aux crises. Par ailleurs, au niveau national, un travail a été engagé avec la filière laitière, au sein de FranceAgriMer, pour dégager une stratégie partagée à long terme afin d'accompagner la structuration des filières et le renforcement de leur compétitivité. C'est dans ce cadre que les enjeux spécifiques relatifs à la filière laitière en zones de montagne et de piémont sont traités. Concernant les aides couplées à la filière bovine laitière, ces dernières, limitées jusqu'en 2014 à la montagne, seront étendues à l'ensemble du territoire grâce à la mise en oeuvre d'une nouvelle enveloppe de 95 millions d'euros complétant l'enveloppe actuelle de 45 millions d'euros qui restera dédiée à la montagne dès cette année. Le niveau d'aide en montagne sera ainsi supérieur à l'aide unitaire dans les autres zones. L'aide laitière prendra la forme d'une aide unitaire estimée à 74 € par vache sur les 30 premières vaches en zone de montagne (y compris piémont) et d'une aide unitaire estimée à 36 € par vache sur les 40 premières vaches hors zone de montagne. Une majoration de 15 € par vache en zone de montagne et de 10 € par vache hors zone de montagne sera appliquée pour les nouveaux producteurs (dont les jeunes agriculteurs) pendant les trois années suivant le début de leur activité. En outre, l'enveloppe de 2 %, soit 151 millions d'euros, pour les productions riches en protéines s'adressera en priorité aux éleveurs et sera répartie de la manière suivante : un soutien dédié aux éleveurs disposant de plus de 5 unités gros bovins et produisant certaines légumineuses fourragères, en particulier la luzerne ; un soutien aux producteurs produisant certaines plantes riches en protéines dans l'objectif de leur consommation par l'élevage ; un soutien à la production de semences fourragères. Ce régime profitera donc aux éleveurs, notamment ceux des zones défavorisées. Par ailleurs, un plan pour la compétitivité et l'adaptation des exploitations agricoles (qui remplace désormais en particulier le plan de modernisation des bâtiments d'élevage) est doté de plus de 200 millions d'euros par an (crédits UE, État et régions), va permettre d'accompagner en particulier les secteurs d'élevage. Enfin, le développement des signes d'identification de la qualité et de l'origine ou de la mention valorisante « produit de montagne » peut permettre d'accroître la valeur ajoutée générée et d'assurer un maintien des filières laitières dans ces zones. Les dispositions européennes issues du « paquet lait » et permettant de réguler l'offre des fromages bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée sont des outils au service des filières permettant de préserver un équilibre satisfaisant entre l'offre et la demande du fromage concerné, de maintenir sa qualité et de préserver les emplois dans les territoires. Par ailleurs, les dispositions législatives et réglementaires concernant l'organisation économique des filières, renforcées dans le cadre de la loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, visent à donner de la visibilité aux acteurs et assurer un fonctionnement pérenne des filières. Ce cadre, consacré par la nouvelle organisation commune de marché, fournit aux acteurs des outils pour s'adapter et accroître leur durabilité économique : outils de structuration économique des producteurs à travers des organisations de producteurs reconnues pouvant, dans certains secteurs, négocier au nom de leurs membres des contrats écrits avec les acheteurs ; reconnaissance et renforcement du rôle des organisations interprofessionnelles ; renforcement des outils de contractualisation. Enfin, dans le cadre du programme d'investissement d'avenir, un troisième appel à projets « innovations et compétitivité des filières agricoles et agroalimentaires », doté de 45 millions d'euros sur deux ans, est désormais lancé. Il a pour objectif d'accélerer la mise au point et le développement d'innovations et de favoriser l'investissement pour l'agriculture comme pour les industries agroalimentaire. Les projets pourront porter sur l'innovation individuelle et des investissements matériels et immatériels au sein des projets mutualisés démontrant un apport déterminant à une filière et à sa structuration. La filière laitière, comme toutes les autres, doit se saisir de cette opportunité pour proposer des projets collectifs, adaptés aux besoins des territoires. Cet outil a été pensé pour s'adapter au mieux à ce type de projets, et ce malgré le changement opéré en 2015 d'une logique de « guichet », à une logique de soutien à des projets.