14ème législature

Question N° 78429
de M. Jean-Philippe Nilor (Gauche démocrate et républicaine - Martinique )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires sociales, santé et droits des femmes
Ministère attributaire > Affaires sociales et santé

Rubrique > outre-mer

Tête d'analyse > DOM-ROM : Guadeloupe et Martinique

Analyse > agriculture. traitements. épandage aérien. précautions.

Question publiée au JO le : 21/04/2015 page : 2926
Réponse publiée au JO le : 12/07/2016 page : 6586
Date de changement d'attribution: 12/02/2016
Date de renouvellement: 22/03/2016

Texte de la question

M. Jean-Philippe Nilor interpelle Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur les conséquences sanitaires liées à l'épandage aérien de produits toxiques sur les exploitations agricoles et à l'exposition des populations au chlordécone dans les outre-mer. Faisant fi du principe de précaution et des mises en garde de plusieurs scientifiques, les pouvoirs publics français ont autorisé pendant plus de 20 ans l'usage du chlordécone pour le traitement du charançon du bananier dans les Antilles françaises. Bien qu'interdit aux USA dès 1978 et en France en 1990, des dérogations ont pourtant été accordées à outrance pour une utilisation en Martinique et en Guadeloupe, entraînant une pollution et une contamination globale des rivières, des sols, des nappes phréatiques, de la mer, des produits maraîchers et de la ressource halieutique. Le chlordécone est cancérigène, perturbateur endocrinien, neurotoxique et spermatotoxique et des études épidémiologiques récentes avancent qu'il existe une corrélation entre l'exposition des populations à cette molécule et le foisonnement de cancers notamment de la prostate, de maladies de Parkinson, de malformations génitales chez les nourrissons, de dégénérescences et de problèmes de fertilité ou de stérilité. Par ailleurs, à partir de 1958, les exploitations agricoles, notamment les bananeraies dans les Antilles françaises ont été traitées par épandage aérien de pesticides. Cette pratique interdite en France en 2009 a été autorisée par dérogation en Martinique et en Guadeloupe jusqu'à 2014, alors que la dangerosité pour l'environnement a été reconnue et que les effets sur la santé humaine demeurent méconnus. Il lui demande donc quelles mesures concrètes elle entend prendre pour qu'un rapport scientifique et objectif puisse fournir un état des lieux de la contamination de nos sols, de nos cours d'eaux, de nos produits alimentaires et de l'empoisonnement de nos populations, en vue de mettre en place les politiques sanitaires spécifiques qui s'imposent.

Texte de la réponse

Concernant la question de l'épandage aérien, il est rappelé que c'est la directive 2009/128/CE du 21 octobre 2009 (article 9), instaurant un cadre d'action communautaire pour parvenir à une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable, qui a posé le principe d'interdiction du traitement par voie aérienne de pesticides. Elle prévoyait néanmoins qu'il puisse être dérogé à cette interdiction « que dans des cas particuliers » et sous certaines conditions. Ce principe d'interdiction sauf dérogation a été transposé à l'article L.253-8 du code rural et de la pêche maritime. Les conditions dans lesquelles sont délivrées les dérogations ont été fixées par l'arrêté des ministères chargés de l'agriculture, de l'écologie et de la santé du 19 septembre 2014 relatif aux conditions d'épandage par voie aérienne des produits mentionnés à l'article L.253-8 du code rural et de la pêche maritime. Les dispositions de cet arrêté ne sont plus applicables depuis le 1er janvier 2016, les dérogations ne sont aujourd'hui plus autorisées. L'épandage aérien de produits phytopharmaceutiques est interdit depuis cette date, hormis en cas de danger sanitaire grave qui ne pourrait être maîtrisé par d'autres moyens. Par ailleurs, depuis 2008, en réponse aux fortes préoccupations exprimées par la population concernant les effets de la pollution par la chlordécone en Martinique et en Guadeloupe, le Gouvernement a mis en place d'importants moyens pour répondre à cette situation de pollution à travers un premier plan d'action national (2008-2010) d'un montant de 33 millions d'euros, suivi d'un deuxième plan d'action (2011-2013) d'un montant de 31 millions d'euros. Ces deux plans ont conduit à une mobilisation renforcée des services de l'État et de différents opérateurs (organismes de recherche nationaux et régionaux, laboratoires d'analyse, chambre d'agriculture et organisations agricoles, comités régionaux des pêches maritimes et des élevages marins, agences régionales de santé, …). Au travers de ces deux plans, l'action de l'État et de ses opérateurs s'est principalement déployée dans cinq directions : l'amélioration des connaissances sur les caractéristiques de la chlordécone et de la pollution, la protection des populations à travers des plans de contrôle du respect des normes de contamination des denrées alimentaires, le développement et le renforcement de moyens régionaux de mesure (laboratoires d'analyse), la sensibilisation de la population à travers des actions de communication et à travers le programme JAFA (JArdins FAmiliaux) et le soutien aux agriculteurs impactés (programme de diagnostic d'exploitations et développement d'outils d'aide à la décision) ainsi qu'aux aquaculteurs et pêcheurs impactés directement en raison des interdictions de pêche. Le bilan des deux premiers plans et une évaluation de la situation des territoires de Martinique et de Guadeloupe ont conduit à s'orienter vers l'élaboration d'un troisième plan. Dans la continuité des plans I et II, le plan chlordécone III (2014-2020), copiloté par le ministère chargé de la santé et le ministère des outre-mer, vise à poursuivre les actions engagées pour protéger la population (recherche et surveillance) et à accompagner les professionnels fortement impactés par cette pollution, notamment les pêcheurs, en créant les conditions d'un déploiement de leur qualité de vie sur le plan économique, sanitaire, social et culturel. Ce plan comporte des actions réparties en quatre axes visant à élaborer localement une stratégie de développement durable (axe 1), favoriser une approche de prévention du risque sanitaire et de protection des populations (axe 2), poursuivre les actions de recherche (axe 3) et prendre en compte les enjeux socio-économiques (axe 4). L'élaboration du plan III s'est basée sur le bilan du plan II, transmis au Premier ministre, ainsi que sur les recommandations des rapports d'évaluation des inspecteurs généraux (février 2012) et de la Cour des comptes sur la santé en outre-mer (juin 2014). Le projet de plan III a été soumis à une concertation locale organisée par les Préfets de Guadeloupe et de Martinique dans les deux départements permettant ainsi l'intégration des problématiques locales soulevées.