14ème législature

Question N° 785
de Mme Marie-Françoise Bechtel (Socialiste, républicain et citoyen - Aisne )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Travail, emploi, formation professionnelle et dialogue social
Ministère attributaire > Affaires sociales, santé et droits des femmes

Rubrique > risques professionnels

Tête d'analyse > maladies professionnelles

Analyse > épuisement professionnel. reconnaissance.

Question publiée au JO le : 25/11/2014 page : 9669
Réponse publiée au JO le : 03/12/2014 page : 9484
Date de changement d'attribution: 02/12/2014

Texte de la question

Mme Marie-Françoise Bechtel attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social sur l'augmentation importante des cas de « burn-out » et ses effets sur le système de l'assurance-maladie. Les cas de « burn-out » affectant les salariés se sont multipliés de façon préoccupante depuis un certain nombre d'années. Nous vivons dans une période caractérisée par la pression exercée sur les salariés aux fins d'une productivité toujours accrue dans le cadre d'un système économique mondial qui a connu une inversion de la rémunération du capital par rapport au travail. Le résultat très concret en est que les relations de travail sont devenues une variable d'ajustement des politiques de gain de productivité et de rentabilité financière auxquelles s'astreignent les entreprises sous la pression de la concurrence. Estimant qu'il n'est pas normal que les effets de cette pression, comptabilisés en congés, pèsent sur le système de l'assurance maladie alors que la responsabilité de l'employeur est seule en cause, elle lui demande quelles mesures le Gouvernement prévoit de prendre pour que soient prises en compte, par la branche maladies professionnelles - accidents du travail, les affections dont il est dûment constaté qu'elles sont imputables aux relations de travail, c'est-à-dire à l'employeur.

Texte de la réponse

CONSÉQUENCES DE L'ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL SUR LE SYSTÈME D'ASSURANCE MALADIE


M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel, pour exposer sa question, n°  785, relative aux conséquences de l'épuisement professionnel sur le système d'assurance maladie.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Madame la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, je souhaiterais attirer votre attention et celle du Gouvernement sur un phénomène devenu assez préoccupant pour que les pouvoirs publics aient à y prêter une attention toute particulière, ce que l'on nomme le burn out.

En France, les cas d'épuisement nerveux se multiplient de telle façon depuis des années que l'on ne peut plus se borner à y voir des accidents isolés. Non seulement l'épuisement au travail est devenu un phénomène quantitatif mais, sur le plan qualitatif, si j'ose dire, il atteint toutes les catégories de la population. Nous le voyons bien dans nos circonscriptions, le phénomène ne s'arrête pas aux portes des usines, il frappe les ouvriers comme les cadres et n'épargne ni le secteur public ni le secteur privé.

Aujourd'hui, un salarié sur quatre déclare avoir eu un problème psychologique grave au cours de sa carrière, et plus de 3 millions d'actifs auraient un risque élevé de souffrir d'épuisement nerveux.

Or, en dépit de ces chiffres, seuls une dizaine de cas sont reconnus par an, et ce au prix de très longues démarches pour le salarié. En effet, les critères réglementaires de recevabilité des demandes sont aujourd'hui difficiles à réunir, et le traitement par les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles reste très hétérogène.

Pour que l'épuisement nerveux soit reconnu comme maladie professionnelle, il faut accomplir un véritable parcours du combattant. Pour que le dossier monté par le médecin conseil de l'assurance maladie qui instruit la demande ait la moindre chance d'être accepté par le comité régional, le taux d'incapacité permanente partielle – taux d'IPP – doit être au moins égal à 25 %, ce qui est très lourd. Une main coupée, c'est 20 % ; une dépression très grave, 15 à 20 %.

Reconnaître ces réalités en inscrivant l'épuisement professionnel au tableau des maladies professionnelles permettrait, ce qui serait justice, de faire basculer le financement des congés liés au burn out sur la branche Accidents du travail et maladies professionnelles plutôt que sur le régime général de la Sécurité sociale, qui pèse sur tout le monde.

Une telle mesure serait d'intérêt général. Elle permettrait de responsabiliser la direction des entreprises vis-à-vis de ces sujets en suscitant une vraie réflexion autour de l'organisation du travail. Ce serait bien entendu dans l'intérêt du salarié, mais également dans celui de l'employeur, et, au-delà, de la compétitivité de notre pays puisque chacun sait qu'une entreprise mettant l'humain à sa juste place est plus productive et performante qu'une autre.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.

Mme Ségolène Neuville, secrétaire d'État chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Vous avez raison, madame la députée, les pathologies psychiques comme le syndrome d'épuisement nerveux ne figurent actuellement dans aucun tableau de maladies professionnelles. Toutefois, lorsqu'il est établi qu'une maladie, non désignée dans un tableau, est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime, son origine professionnelle peut être reconnue dans le cadre des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, les CRRMP, qui sont chargés de procéder à une expertise individuelle.

En 2010, un groupe de travail sur les pathologies psychiques a été constitué au sein du Conseil d'orientation sur les conditions de travail. Constitué de représentants des organisations syndicales et patronales, de l'administration et d'experts, celui-ci a dressé une typologie des pathologies d'origine psychique susceptibles d'être examinées par les comités régionaux et formulé des recommandations pour les aider à mieux apprécier le lien entre ces pathologies et le travail. Les personnes qui prennent les décisions n'ont peut-être pas, en effet, la formation et la connaissance de ces pathologies qu'il faudrait.

Des mesures ont aussi été prises pour améliorer la prise en charge de ces pathologies. Il a été demandé aux caisses d'assurance maladie, en mars 2012, de fixer un taux d'incapacité « prévisible » à la date de la demande sans exiger que l'état de la victime soit stabilisé. La voie de la reconnaissance par les comités régionaux est depuis ouverte à davantage de victimes et les indemnités journalières sont maintenues jusqu'à la consolidation effective de la maladie.

Grâce à ces mesures, le nombre de reconnaissances du caractère professionnel de ces maladies est passé de moins de moins de 100 en 2011 à 239 en 2013. C'est encore modeste mais on voit bien que cela progresse peu à peu depuis que le système a été mis en place et que ces pathologies ont été reconnues au début des années 2010. En 2013, 512 demandes de reconnaissance ont été examinées, et le lien direct et essentiel entre la pathologie et le travail a été reconnu dans la moitié des cas.

Enfin, l'essentiel, c'est la prévention de ces risques psycho-sociaux, et c'est une priorité pour le Gouvernement et la Caisse nationale d'assurance maladie. Ces risques figurent dans le plan Santé au travail 2010-2014 comme risques prioritaires, dans le prolongement du plan d'urgence contre le stress au travail de 2009. De plus, la CNAMTS s'est engagée avec l'État, dans le cadre de l'actuelle convention d'objectifs et de gestion, à mieux organiser l'offre globale de prévention de ces risques aux plans national et local afin d'éviter toute redondance.

C'est donc une action de fond en matière de prévention et de réparation qui est menée par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Françoise Bechtel.

Mme Marie-Françoise Bechtel. Je vous remercie, madame la secrétaire d’État, de votre réponse précise et argumentée.

La question est tout de même de savoir si nous restons dans le système en l'améliorant empiriquement ou si nous le faisons basculer afin de faire financer par l'employeur, par le biais du financement par la branche Accidents du travail et maladies professionnelles, des faits qui devraient normalement être à leur charge plutôt qu'à celle de l'assurance maladie. Il y a peut-être là une question de justice économique.