locations saisonnières
Question de :
M. Christian Franqueville
Vosges (4e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Christian Franqueville attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur ce que la presse appelle « le scandale des résidences hôtelières ». En effet, en France, plus de 20 000 ménages ayant investi dans des appartements en résidences de tourisme seraient, à ce jour, asphyxiés par des sociétés exploitantes peu scrupuleuses. Ces petits épargnants, souvent retraités, n'imaginaient pas en réalisant un tel investissement locatif, être tombés dans un piège redoutable. Au contraire, l'achat en résidence de tourisme classée, entraînant une déduction de TVA sur le prix d'achat voire une réduction d'impôt supplémentaire si la résidence se trouve en zone de réhabilitation rurale, et promettant des rendements très élevés, de l'ordre de 5 % par an, il est traditionnellement jugé comme une valeur sûre. Qui plus est, une société d'exploitation spécialisée se chargeant de commercialiser l'appartement, les propriétaires n'ont plus à s'occuper de rien. La société verse un loyer fixe défini dans un contrat de bail commercial irrévocable pendant neuf ans, et les propriétaires ont même le loisir d'occuper leur logement plusieurs semaines par an pour leurs vacances. Mais il se trouve que plusieurs sociétés de ce type, en France, ne s'acquitteraient pas de leurs loyers malgré de multiples relances par lettre recommandée avec accusé de réception, des plaintes ou encore des commandements de payer signifiés par huissier. De même qu'ils ne s'acquitteraient pas de certaines de leurs autres obligations contractuelles telles que l'entretien des systèmes de chauffage et de climatisation, par exemple. Lorsque les propriétaires, dont 10 % environ seraient des investisseurs étrangers, essentiellement britanniques, irlandais et belges, s'engagent dans la délivrance d'un congé, à l'échéance du contrat, ces sociétés exploitantes s'appuieraient alors sur leurs services juridiques pour en contester le contenu. Cette procédure leur permettrait, dans un premier temps, de rester dans les lieux et de faire pression sur les propriétaires en leur demandant une indemnité d'éviction. Les méthodes ainsi poursuivies seraient avant tout destinées à « inviter » les propriétaires à signer un nouveau bail si possible avec des loyers en baisse de 20 % à 65 % ! Ces ménages, souvent issus de la classe moyenne, se retrouvent aujourd'hui, pour une grande part, dans une situation financière extrêmement délicate et doivent en outre faire face, par voie de conséquence, à des redressements fiscaux. Parallèlement à cela, ces sociétés exploitantes afficheraient souvent des résultats d'exploitation positifs et distribueraient même des dividendes importants à leurs actionnaires. Les experts et professionnels du droit qui se penchent sur ce sujet majeur auquel une bonne partie de la société est confrontée, ont pu identifier une « crise de la gestion des résidences » qui vient s'ajouter à la crise du tourisme. Ces biens immobiliers seraient en effet construits dans des zones touristiques où le problème de surexploitation est manifeste. Dans le contexte de ce marché fort concurrencé, les promoteurs immobiliers s'entendraient en réalité au préalable avec une société de gestion peu regardante en lui promettant de lui verser pendant deux ou trois ans une subvention appelée « fonds de concours » qui lui permet de verser le différentiel de loyers surévalués. C'est ainsi que ces promoteurs parviendraient à vendre insidieusement des logements à des prix supérieurs aux marchés en promettant des loyers garantis et des rendements très élevés. En réalité, l'expression « loyer garanti » serait une hypocrisie puisque la rentabilité promise ne serait en fait garantie que sur deux ou trois ans, le temps pour l'exploitant d'épuiser ce fonds de concours, et non sur toute la durée du bail. Alors que le fonds de concours est une pratique ancienne censée lancer la résidence, il serait plutôt utilisé par le promoteur pour convaincre une société de se charger de l'exploitation en échange du versement d'une subvention, le temps que les lots soient tous vendus. Ces pratiques imparables ont mis sur la paille des milliers d'épargnants à petits revenus qui imaginaient préparer leur retraite en investissant dans l'acquisition d'appartements exploités par des sociétés qui n'honorent plus leurs obligations contractuelles et le paiement des loyers. Aussi, il lui demande quelles mesures le Gouvernement envisage de prendre pour lutter contre ces pratiques et, ainsi, protéger les propriétaires en résidences partagées.
Réponse publiée le 26 janvier 2016
Les avantages fiscaux attachés à l'investissement dans les résidences de tourisme, notamment sous la forme de réductions d'impôts, imposent aux investisseurs de confier la gestion de leur bien par bail commercial à l'exploitant de la résidence de tourisme dans laquelle se situe ce bien, durant une période minimale de neuf ans, sous peine de perdre l'avantage fiscal accordé. De nombreuses résidences ont ainsi pu être réalisées, notamment en territoire rural, et sont encore exploitées à la satisfaction de toutes les parties concernées. Des cas d'exploitants qui n'honoraient pas leurs engagements au titre du bail commercial ont effectivement été signalés, et notamment qui, sur la base des difficultés de gestion qu'ils rencontraient, proposaient aux propriétaires de baisser les loyers de façon importante. Quand ceux-ci n'acceptaient pas ces baisses, les exploitants se déclaraient en faillite et empêchaient parfois la reprise de la résidence par un autre gestionnaire, dans la mesure où ils étaient propriétaires des locaux et équipements à usage collectif. En l'absence de gestionnaire pour la résidence, les propriétaires-investisseurs perdaient à la fois le produit de la location et le bénéfice de la défiscalisation, qui leur est repris. Diverses dispositions ont été prises pour sécuriser les investisseurs, faciliter le changement d'exploitant et ouvrir la possibilité d'une autogestion. Il s'agit notamment, d'une part, de l'obligation de communiquer aux futurs acquéreurs des documents de commercialisation comprenant des informations précises sur les caractéristiques des baux qu'ils seront amenés à contracter et sur l'identité du gestionnaire retenu et, d'autre part, de l'obligation pour un exploitant gérant plusieurs résidences de tourisme, de tenir des comptes d'exploitation distincts par établissement, de les communiquer aux propriétaires qui en font la demande et de leur fournir tous les ans un bilan détaillé de l'année écoulée. De plus, l'interdiction de résiliation triennale des baux commerciaux signés entre les propriétaires et les exploitants de résidences de tourisme a été posée par la loi no 2009-888 du 22 juillet 2009 de développement et de modernisation des services touristiques (article 16), et fait l'objet de l'article L. 145-7-1 du code de commerce. Ainsi, contrairement au droit commun, les exploitants de résidence de tourisme n'ont pas la possibilité de résilier un bail lors de ses échéances triennales. Cette disposition, applicable depuis la promulgation de la loi susvisée, est de nature à assurer la pérennité de l'exploitation de l'établissement pendant la première génération de bail, période qui correspond à la durée d'engagement à laquelle est tenu l'investisseur au regard des réductions d'impôts dont il a bénéficié. En outre, la loi no 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR, a prévu une interdiction pour les locaux à usage collectif composés d'équipements et de services communs de faire l'objet d'un ou plusieurs lots distincts vendus à un propriétaire. Cette même loi donne la possibilité à l'assemblée générale des copropriétaires, pour les résidences existantes, de saisir le tribunal de grande instance afin que lui soit confié l'entretien des locaux à usage collectif en cas de carence du gestionnaire, voire leur propriété en cas de défaillance avérée. S'agissant des dispositions fiscales, dans certains cas de défaillance de l'exploitant, il est admis une période de vacance de douze mois avant la location à un nouvel exploitant, période pendant laquelle le bénéfice de la défiscalisation n'est pas remis en cause. A l'issue de cette période, si aucun gestionnaire ne s'est porté candidat à la poursuite de l'exploitation ou si aucune candidature n'a été retenue, la réduction d'impôts sera également maintenue si les copropriétaires, représentant au moins 50 % des logements de la résidence, substituent au gestionnaire défaillant une ou un ensemble d'entreprises assurant les mêmes prestations de gestion pour la période de location restant à courir. Cette disposition permet ainsi aux propriétaires-investisseurs de poursuivre eux-mêmes l'exploitation en autogestion et de conserver leurs avantages fiscaux. Enfin, compte tenu non seulement des dérives constatées dans la commercialisation du dispositif et des conséquences préjudiciables qui en résultent pour les investisseurs, mais aussi de l'inefficacité d'une partie de la dépense fiscale qui génère ainsi une offre de logement excédentaire ne correspondant pas aux besoins du marché, l'ensemble des avantages fiscaux ont été abandonnés au 31 décembre 2012. Seul subsiste le dispositif Censi-Bouvard, prorogé jusqu'au 31 décembre 2016, qui attribue une réduction d'impôt sur le revenu de 11 % du prix de revient du logement neuf en résidence de tourisme ou de plus de 15 ans réhabilité. En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), la taxation des loyers facturés à la société exploitante a pour corollaire la possibilité pour le propriétaire de l'immeuble de déduire la TVA ayant grevé l'acquisition de son investissement immobilier. La disposition du code général des impôts, qui prévoyait un reversement intégral de la taxe initialement déduite lorsque la condition de location par un contrat d'une durée d'au moins neuf ans n'était pas respectée, a été supprimée par le décret no 2009-510 du 5 mai 2009. En conséquence, aucune régularisation de la TVA déduite « en amont » ne sera exigible auprès des investisseurs confrontés à une situation de défaillance de la société gestionnaire de la résidence de tourisme, si les propriétaires parviennent à conclure un contrat avec un nouveau gestionnaire fournissant des prestations d'hébergement. Il en sera de même si, en dehors du dispositif « Demessine ZRR », les propriétaires décident d'affecter leur appartement à une activité hôtelière ou para hôtelière soumise à la TVA, c'est-à-dire dans ce dernier cas une activité qui, en sus de l'hébergement, offre à ses bénéficiaires au moins trois des prestations suivantes : petit déjeuner, nettoyage quotidien des locaux, fourniture de linge de maison et réception, même non-personnalisée, de la clientèle. En revanche, dans la mesure où l'activité exercée ne serait, en définitive, plus soumise à la TVA (par exemple si l'appartement est loué en logement meublé ou garni, sans offrir de prestations d'hébergement, les loyers perçus étant exonérés de plein droit de la TVA), les propriétaires restent exposés au risque de devoir restituer la TVA initialement remboursée, diminuée d'un vingtième par année écoulée depuis l'acquisition de l'immeuble. Ces mesures de facilitation et de sécurisation sont donc déjà très complètes. Pour autant, les fédérations de professionnels (syndicat national des résidences de tourisme) et les associations de consommateurs (fédération nationale des associations de propriétaires en résidences de tourisme) ont souhaité, en parallèle de ces mesures, travailler à des dispositions volontaires. Convaincus de la persistance de difficultés, ils ont décidé d'élaborer une charte de bonnes pratiques visant à encadrer les pratiques des exploitants et à instaurer un dialogue constructif et transparent avec les propriétaires.
Auteur : M. Christian Franqueville
Type de question : Question écrite
Rubrique : Tourisme et loisirs
Ministère interrogé : Économie, industrie et numérique
Ministère répondant : Commerce, artisanat, consommation et économie sociale et solidaire
Dates :
Question publiée le 28 avril 2015
Réponse publiée le 26 janvier 2016