14ème législature

Question N° 802
de M. Yannick Moreau (Union pour un Mouvement Populaire - Vendée )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transports, mer et pêche
Ministère attributaire > Transports, mer et pêche

Rubrique > chasse et pêche

Tête d'analyse > pêche

Analyse > protection des espèces. réglementation communautaire. évolution.

Question publiée au JO le : 25/11/2014 page : 9672
Réponse publiée au JO le : 03/12/2014 page : 9493

Texte de la question

M. Yannick Moreau, député de la Vendée littorale et membre du groupe d'études "Mer, pêche et souveraineté maritime" de l'Assemblée nationale, alerte M. le secrétaire d'État, auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche sur l'urgence de défendre la pêche française et les pêcheurs de notre pays, en particulier dans les négociations européennes en cours. Le Conseil européen de pêche qui se réunit en fin d'année ne permet pas aux professionnels de la mer de définir des stratégies d'entreprises viables. Par ailleurs, alors que se tiendront le 2 décembre à Nantes et à Saint-Nazaire les "Assises de la mer" ainsi qu'une grande manifestation des professionnels du secteur, il rappelle que le secteur de la pêche génère chaque année plus d'un milliard d'euros de chiffre d'affaires et regrette que ce portefeuille ne soit pas rattaché à celui de l'agriculture. C'est hélas la traduction d'une vision punitive de l'écologie et non pas valorisée comme un atout économique. Il rappelle que le nombre d'espèces de poissons qui ne sont plus menacées a été multiplié par 4 en 5 ans, alors que, depuis 15 ans, la flottille de pêche française a diminué de moitié. La pêche européenne et nos pêcheurs français ne cessent de multiplier les efforts pour répondre à des critères toujours plus exigeants. Mais il y a une concurrence déloyale que nous devons avoir la lucidité de dénoncer. Il lui demande donc où en sont les négociations européennes et ce que compte faire le Gouvernement français pour défendre nos pêcheurs, en particulier dans la négociation des totaux admissibles de captures (TAC) en plaidant notamment l'intégration de critères sociaux-économiques dans leur définition.

Texte de la réponse

DÉFENSE DES INTÉRÊTS DE LA PÊCHE FRANÇAISE


M. le président. La parole est à M. Yannick Moreau, pour exposer sa question, n°  802, relative à la défense des intérêts de la pêche française.

M. Yannick Moreau. Madame la ministre, ma question s'adresse en réalité à M. le Premier ministre. À Nantes et à La Rochelle, avec le soutien des marins de Méditerranée, de Bretagne et de la Manche, les pêcheurs de la Vendée littorale et de toute la France ont posé le sac à terre. Ils ont sacrifié des journées de pêche pour crier que la pêche artisanale française est au bord de l'agonie, asphyxiée par les contraintes, les taxes et la réduction inexorable, année après année, de leurs droits de pêche. Le poisson est bien là, présent dans le Golfe de Gascogne, et pourtant les totaux admissibles de captures – TAC – et les quotas baissent tous les ans.

Comment voulez-vous que les marins pêcheurs se sentent écoutés ? Depuis des années, aucune profession n'a fait autant d'effort pour s'adapter, aucune profession ne s'est autant remise en cause ! Quelle récompense ont-ils tirée de ces efforts ? Aucune. Et chaque année, au Conseil de l'Union européenne, à Bruxelles, en décembre, leurs TAC et quotas sont réduits, encore et encore.

Oui, les pêcheurs des Sables-d'Olonne, de Saint-Gilles-Croix-de-Vie, de L'Herbaudière, de l'île d'Yeu, les pêcheurs de France se sentent aujourd'hui abandonnés par un gouvernement qui les considère comme des prédateurs qui dégradent l'environnement et les place sous la tutelle du ministère de l'écologie. C'est une erreur grossière : les pêcheurs sont des entrepreneurs qui investissent, embauchent, payent de lourdes et multiples taxes, font vivre toute une filière et assument une part de la souveraineté alimentaire française. Au lieu d'être placés sous la tutelle du ministère de l'écologie, ils devraient relever du ministère de l'économie ou de l'agriculture, comme c'était le cas par le passé.

Ils sont également abandonnés à la roulette bruxelloise, qui chaque année, au mois de décembre, décide arbitrairement de la survie de centaines d'armements alors que les politiques de TAC et quotas devraient être pluriannuelles, afin d'offrir aux marins pêcheurs un minimum de visibilité. Dans une économie de marché, quelle entreprise peut voir arbitrairement son volume d'activité réduit de 15 % par an, à cause d'une décision irréversible prise par des technocrates qui n'ont en l'occurrence jamais mis les pieds sur un bateau ?

Madame la ministre, les pêcheurs, les mareyeurs, les femmes et les familles de marins, les élus qui sont mobilisés aujourd'hui à Nantes, à La Rochelle et ailleurs croient à l'avenir de la pêche artisanale française. Ils croient à l'avenir de leur entreprise, à l'avenir de cette belle filière qui emploie 100 000 personnes en France – car pour un emploi en mer, on compte deux à trois emplois à terre. Ils y croient, pour peu que le gouvernement français les défende vraiment à Bruxelles, au mois de décembre, au conseil « agriculture et pêche ». Toute réduction des droits de pêche pour 2015 provoquerait la liquidation immédiate de centaines d'entreprises et la disparition des emplois correspondants.

Avec tout le respect que nous avons pour notre secrétaire d'État chargé de la pêche, M. Vidalies, nous estimons que seul, il n'a pas le poids suffisant pour négocier à Bruxelles avec le commissaire européen aux affaires maritimes et à la pêche et ses homologues, ministres de plein exercice de l'Union européenne. Nous demandons donc à M. le Premier ministre de s'engager personnellement dans ces négociations pour la survie de la pêche artisanale vendéenne – pour la survie de la pêche artisanale française !

M. le président. La parole est à Mme la ministre de la décentralisation et de la fonction publique.

Mme Marylise Lebranchu, ministre de la décentralisation et de la fonction publique. Monsieur le député, le Premier ministre a certainement entendu par avance votre message puisqu'il est actuellement, en compagnie de M. Vidalies, aux Assises de l'économie de la mer. Il a tenu à y être présent car il est bien conscient de l'importance de ce sujet.

La Commission européenne a diffusé le 28 octobre dernier ses propositions de TAC et quotas pour 2015. C'est un moment important, car toutes les entreprises de pêche, sur toutes les côtes de l'Atlantique, de la Manche et de la mer du Nord, dépendent de ces quotas de pêche. Nous savons que certaines espèces sont stratégiques pour les pêcheries françaises. Concernant ces espèces, la Commission européenne propose des baisses qui ne sont pas acceptables : c'est en tout cas la position du Gouvernement. C'est le cas par exemple pour la sole de Manche orientale, avec une baisse de 60 %, ou pour certains stocks de mer Celtique : - 61 % pour le cabillaud, et - 41 % pour l'églefin.

Depuis plusieurs années, vous l'avez dit, l'état global des stocks de poissons s'améliore, dans l'Atlantique nord-est, selon les chiffres de la Commission européenne. Une réforme de la politique commune de la pêche a été adoptée en mai 2013. Le principe de gestion durable des stocks figure, et c'est normal, parmi ses objectifs, par le biais du rendement maximum durable – le RMD – qui permet aux stocks de se renouveler, souci que nous partageons tous. Mais le soutien de la France au principe de gestion par le RMD est notamment subordonné au respect des équilibres socio-économiques sous-jacents et à la préservation des ressources halieutiques. Cet équilibre est essentiel : d'une manière générale, nous partageons donc votre vision, monsieur le député.

Faites donc confiance non seulement à Alain Vidalies et au Premier ministre, mais aussi à tous les membres du Gouvernement pour défendre avec fermeté, au cours des prochains conseils des ministres chargés des pêches de l'Union européenne, des niveaux de TAC compatibles avec la poursuite, en 2015, de l'activité de toutes les flottilles françaises exploitant les quotas de pêche. Nous seront vigilants face aux propositions qui aboutiraient à des variations trop importantes dans les possibilités de captures, car il est essentiel pour la compétitivité du secteur que leur évolution soit contenue. La France s'opposera par ailleurs à toute démarche qui viserait à réduire automatiquement les TAC d'espèces pour lesquelles il n'existe pas d'avis scientifique, ou pour lesquelles les avis sont seulement parcellaires.

La France insistera sur les efforts des professionnels pour une gestion durable et responsable de la ressource halieutique. Vous avez salué ces efforts, le Gouvernement le fait aussi. Le partage de ces ressources était urgent il y a quelques années, et les professionnels l'ont réalisé. Nous insisterons également sur le rôle essentiel de ces pêcheries pour notre économie maritime.

M. le président. Il faut conclure, madame la ministre.

Mme Marylise Lebranchu, ministre . La France défendra donc une approche équilibrée permettant le maintien de l'activité de pêche sur ces littoraux que vous connaissez bien également, monsieur le président !

M. le président. La parole est à M. Yannick Moreau.

M. Yannick Moreau. J'ai bien pris note de ce que vous avez dit, madame la ministre. Ce sujet ne constitue pas un clivage droite-gauche, c'est un combat collectif.

J'insiste sur le fait qu'une nouvelle réduction des TAC et quotas en 2015 menacerait immédiatement la survie de centaines d'entreprises artisanales de pêche françaises. Nous serons à vos côtés, aux côtés de tout le Gouvernement et aux côtés des pêcheurs, les 15 et 16 décembre à Bruxelles, pour vous aider. Je pense que M. Vidalies, quel que soit son poids politique au niveau européen, mérite le soutien de M. le Premier ministre et de l'ensemble du Gouvernement pour l'aider dans ces négociations qui s'annoncent très difficiles.