14ème législature

Question N° 82024
de M. Hervé Féron (Socialiste, républicain et citoyen - Meurthe-et-Moselle )
Question écrite
Ministère interrogé > Économie, industrie et numérique
Ministère attributaire > Économie, industrie et numérique

Rubrique > marchés publics

Tête d'analyse > maîtrise d'ouvrage

Analyse > directive. transposition.

Question publiée au JO le : 23/06/2015 page : 4678
Réponse publiée au JO le : 21/06/2016 page : 5799
Date de signalement: 17/05/2016
Date de renouvellement: 26/04/2016

Texte de la question

M. Hervé Féron attire l'attention de M. le ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique sur le projet d'ordonnance relative aux marchés publics. Dans le cadre de la loi n° 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises et portant diverses dispositions de simplification et de clarification du droit et des procédures administratives, le Parlement a habilité le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures pour adapter la loi dans plusieurs domaines. Ces mesures doivent notamment permettre la transposition de la directive européenne sur les marchés publics en modifiant les règles de passation et d'exécution des contrats de la commande publique, considérés comme des marchés publics au sens du droit de l'Union européenne et les conditions de recours et de mise en œuvre des contrats globaux à l'article 42. Un projet d'ordonnance a été élaboré et communiqué en décembre 2014, une deuxième version a été proposée en avril 2015 mais le maintien de plusieurs dispositions continue de susciter l'inquiétude légitime de plusieurs secteurs professionnels et notamment des architectes qui regrettent que les dispositions envisagées aillent au-delà des exigences européennes. Comme ils le soulignent, la construction représente un secteur d'activité particulier en ce que les bâtiments ont une durée de vie étendue et qu'ils s'insèrent une fois édifiés dans le paysage et la vie des habitants du quartier, participant ainsi à leur bien-être et à son attractivité. Les phases de conception en amont, comme les marchés dits de maîtrise d'œuvre, doivent ainsi être menées avec soin car elles ont une influence considérable sur le résultat final. C'est pourquoi elles font l'objet de procédures spécifiques de commande afin de garantir la qualité du cadre de vie. L'obligation de concours obligatoire au-dessus du seuil européen de procédure formalisée permet une concurrence qualitative des équipes ainsi qu'une maîtrise du projet par le maître d'ouvrage. Il s'agit d'un outil assurant un égal accès à la commande publique et la promotion de l'excellence. Si le Premier ministre a annoncé le maintien de cette obligation, les architectes déplorent que le projet d'ordonnance n'y fasse pas mention. Par ailleurs le recours aux contrats globaux est élargi avec une généralisation qui fait craindre que l'architecte ne soit plus qu'un sous-traitant de l'entreprise retenue et que son travail ne soit entravé par ce lien de dépendance. L'ordonnance supprime également les dispositions actuelles applicables aux contrats de partenariat qui impose l'identification d'une équipe de maîtrise d'œuvre chargée de la conception des ouvrages et du suivi de leur réalisation, le dépôt d'offres comportant obligatoirement un projet architectural et la qualité globale des ouvrages parmi les critères d'attribution du contrat. Enfin les architectes craignent un accroissement de la concurrence de la part des structures publiques et parapubliques qui pourront désormais intervenir jusqu'à hauteur de 20 % de leur activité dans le cadre de marchés in house, avec un risque de détruire le tissu économique privé qui offre pourtant un savoir-faire et des qualifications de haut niveau. Toutes ces mesures risquent de conduire à des projets moins élaborés par manque de temps ou de moyens avec pour conséquences une standardisation des constructions et un appauvrissement de la qualité des cadres de vie. Il lui demande ainsi que le Gouvernement écoute les principaux intéressés et revienne sur ces dispositions litigieuses.

Texte de la réponse

Les travaux de transposition des directives européennes no 2014/24/UE du 26 février 2014 sur la passation des marchés publics et no 2014/25/UE du 26 février 2014 relative à la passation des marchés par des entités opérant dans les secteurs de l'eau, de l'énergie, des transports et des services postaux, ont été engagés par le Gouvernement avec l'objectif de simplifier, d'unifier et de rationaliser le droit national de la commande publique. Ces travaux, désormais achevés, ont abouti à la publication de l'ordonnance no 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et de son décret d'application no 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics. Ces textes ont été rédigés conformément à l'habilitation adoptée par le Parlement à l'article 42 de la loi no 2014-1545 du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises, et ont fait l'objet de concertations publiques de grande envergure. Les directives européennes ne comportent pas de dispositions spécifiques sur les marchés de maîtrise d'œuvre, au contraire des anciens textes nationaux. L'article 74 du code des marchés publics désormais abrogé et les articles 41-2 des décrets d'application de l'ordonnance no 2005-649 du 6 juin 2005 également abrogée, constituaient des spécificités du droit français de la commande publique qui reconnaissait ainsi le rôle fondamental joué par les architectes et les professionnels de la maîtrise d'œuvre dans la conception d'un cadre de vie innovant et de qualité. Conscient de cette importance, le Gouvernement a tenu à conserver des dispositions particulières aux marchés de maîtrise d'œuvre, qui figurent à l'article 90 du décret no 2016-360 relatif aux marchés publics. Le concours, défini à l'article 8 de l'ordonnance no 2015-899, permet à l'acheteur d'acquérir un ou plusieurs projets puis de négocier avec le ou les lauréats afin de conclure un marché public. Les conditions de recours au concours ainsi que la description de son déroulement sont précisées aux articles 88 et 89 du décret no 2016-360. Il demeure obligatoire pour les marchés publics de maîtrise d'œuvre passés par l'Etat, ses établissements publics à caractère autre qu'industriel et commercial, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements lorsqu'ils agissent en tant que pouvoir adjudicateur et lorsque le marché répond à un besoin dont le montant est égal ou supérieur aux seuils de procédure formalisée. Les travaux de transposition ont également constitué l'occasion de moderniser le régime des marchés publics globaux, afin de permettre aux acheteurs de disposer d'un outil contractuel mieux adapté à leurs projets. Les marchés globaux sont des contrats par lesquels une personne publique peut confier à un titulaire unique une mission globale pouvant inclure la conception, la construction, l'entretien et la maintenance des ouvrages, dont l'utilité et l'efficacité sont reconnues dans un certain nombre de cas. Ces marchés restent soumis, à la différence des marchés de partenariat, à l'interdiction du paiement différé et aux règles relatives à la maîtrise d'ouvrage publique. Les conditions de recours aux marchés publics de conception-réalisation ont été maintenues, conformément aux attentes des professionnels de la maîtrise d'œuvre.  Seuls les marchés publics globaux de performance ont vu leurs de condition de recours assouplies dans le but de créer pour les acheteurs une véritable alternative aux montages de type partenariats public-privé, réalisée sous maîtrise d'ouvrage publique et avec un financement public pour un coût moindre. L'ordonnance no 2015-899 a également sécurisé le cadre juridique des marchés de partenariat : le recours à cette formule contractuelle ne pourra se faire qu'au-delà de seuils restrictifs et devra faire l'objet d'une justification accrue. Dans ces marchés, la mission de conception des ouvrages, équipements ou biens immatériels demeure facultative et l'acheteur est libre de confier une partie de la conception à une équipe de maîtrise d'œuvre. Certains contrats demeurent exclus du champ d'application des règles de la commande publique et ne sont donc pas soumis à une obligation de concours. Ces exclusions résultent du fait de modalités particulières d'organisation de la relation entre l'autorité publique et l'opérateur concerné, du fait de la nature particulière de l'activité confiée, ou encore du fait des conditions particulières d'exercice de cette activité. L'ordonnance no 2015-899 reprend fidèlement les nouveaux dispositifs des directives en matière de quasi-régie et de coopération public-public qui étaient jusqu'alors régis par la jurisprudence de la Cour européenne de justice. Ces dispositions répondent au besoin souvent exprimé par les professionnels chargés des marchés publics de bénéficier d'une plus grande sécurité juridique. Elles aident en particulier les acheteurs locaux à tirer pleinement parti des possibilités de coopération pour exécuter leurs tâches avec le maximum d'efficacité, au bénéfice des citoyens. Conformément aux objectifs de simplification, la rédaction des textes de transposition s'est faite au plus près de la lettre des directives et, lorsque des marges d'appréciation étaient laissées au législateur national, les solutions les plus susceptibles d'alléger les charges pesant sur les entreprises ont été privilégiées.