14ème législature

Question N° 82536
de M. Fabrice Verdier (Socialiste, républicain et citoyen - Gard )
Question écrite
Ministère interrogé > Réforme de l'Etat et simplification
Ministère attributaire > Logement et habitat durable

Rubrique > urbanisme

Tête d'analyse > permis de construire

Analyse > contestations. réglementation.

Question publiée au JO le : 23/06/2015 page : 4721
Réponse publiée au JO le : 17/05/2016 page : 4287
Date de changement d'attribution: 12/02/2016

Texte de la question

M. Fabrice Verdier appelle l'attention de Mme la secrétaire d'État, auprès du Premier ministre, chargée de la réforme de l'État et de la simplification sur le processus d'élaboration et de contestation des plans locaux d'urbanisme. De nombreux exemples de communes qui ont travaillé pendant des années à l'élaboration des PLU et qui voient leur proposition annulée suite à des contestations portant parfois uniquement sur la forme, démontrent qu'aujourd'hui les communes sont soumises à des contestations abusives. Il est logique et légitime que la définition de l'urbanisation d'une commune fasse l'objet d'une participation des habitants. Les phases successives de l'élaboration du PLU, notamment la phase d'enquête publique, garantissent le respect de l'intérêt général dans les décisions prises. Malgré un encadrement réel de cette procédure, des contestations fondées sur des motifs qui ne relèvent pas du fonds du document d'urbanisme peuvent en faire échouer l'élaboration. La facilité de ces annulations entre en contradiction avec l'investissement en temps, en travail et en argent public que requière la définition des PLU. Aussi, dans une perspective de simplification, il demande s'il est envisageable de modifier le cadre réglementaire des contestations des plans locaux d'urbanisme.

Texte de la réponse

L'annulation d'un document d'urbanisme, lorsqu'elle intervient, entraîne de graves conséquences pour la commune ou l'établissement public de coopération intercommunal (EPCI) concerné : dans ce cas, c'est en effet l'ancien document d'urbanisme, ou même le règlement national d'urbanisme (RNU) qui est remis en vigueur, en application de l'article L. 600-12 du code de l'urbanisme dans sa version recodifiée, y compris si l'annulation résulte d'un vice de forme ou de procédure pourtant facilement régularisable. La commune ou l'EPCI est alors obligé d'appliquer des règles obsolètes ou totalement inadaptées à la mise en œuvre de ses choix en matière d'urbanisme, et ce tant qu'un nouveau document n'a pas été élaboré. Cela étant, le contentieux des documents d'urbanisme est déjà fortement encadré et offre des outils au juge administratif pour moduler les effets d'une annulation contentieuse. L'article L. 600-9 du code de l'urbanisme, mis en place par la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové du 24 mars 2014 (ALUR), permet au juge, sous certaines conditions, de surseoir à statuer lorsqu'il est saisi d'une demande d'annulation d'un document d'urbanisme mais que l'illégalité est régularisable. Le document d'urbanisme reste alors applicable dans l'attente de l'adoption d'un nouveau document dans un délai fixé par le juge. Le juge se prononcera ensuite et pourra valider le document puisque l'illégalité aura été régularisée. Par ailleurs, ce même article prévoit que les juridictions administratives peuvent prononcer des annulations partielles des documents d'urbanisme. À titre d'exemple, si l'illégalité constatée n'affecte que le programme d'orientations et d'actions (POA) du plan local d'urbanisme (PLU), ou les dispositions des orientations d'aménagement et de programmation (OAP) relatives à l'habitat ou aux transports et déplacements ou, les plans de secteur du document, le juge pourra limiter l'annulation qu'à la partie du document affecté par l'illégalité. L'article L. 600-9 emploie toutefois le terme « notamment », laissant ainsi ouverte la possibilité pour le juge de prononcer une annulation partielle dans d'autres hypothèses, par exemple pour une erreur de délimitation de zones. L'annulation ne portera alors que sur le seul zonage concerné et le reste du PLU perdurera. Ce mécanisme est utilisable pour toutes les dispositions divisibles des autres documents d'urbanisme ou de planification (schéma de cohérence territoriale, cartes communales). En outre, l'article 70 de la loi no 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d'amélioration de la qualité du droit éclairé par l'arrêt du Conseil d'État « Danthony » (23 décembre 2011, no 335033) consacre le principe selon lequel un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie. Le Conseil d'État précise que l'application de ce principe n'est pas exclue en cas d'omission d'une procédure obligatoire, à condition qu'une telle omission n'ait pas pour effet d'affecter la compétence de l'auteur de l'acte. En application de cette jurisprudence, la cour administrative d'appel de Lyon a refusé d'annuler un document d'urbanisme pour lequel le centre régional de la propriété forestière avait été consulté au lieu du centre national de la propriété forestière. L'omission d'une formalité pourtant obligatoire n'ayant pas eu d'influence sur la décision, ne privant pas les intéressés d'une garantie et n'affectant pas la compétence de l'auteur du plan local d'urbanisme (PLU), le PLU n'a pas été annulé (CAA Lyon, 24 avril 2012, no 11LY02039). Cette jurisprudence, combinée aux dispositions de la loi du 17 mai 2011, ouvre ainsi des perspectives intéressantes en matière de contentieux pour des motifs liés à des vices de forme ou de procédure, et ce pour les autorisations de construire comme pour les documents d'urbanisme. En ce qui concerne un autre type d'illégalité, lié à l'insuffisance ou au défaut de motivation des rapports d'enquête publique, l'article R. 123-20 du code de l'environnement permet à l'autorité responsable de l'enquête publique de saisir le tribunal administratif pour que ce dernier demande au commissaire enquêteur de compléter son rapport. L'autorité compétente dispose d'un délai de quinze jours pour saisir le tribunal et il importe donc qu'elle surveille attentivement la remise du rapport auprès de ses services. Le tribunal peut faire usage de cette faculté également lorsque le rapport lui est remis. Enfin, il est possible pour une commune de saisir la juridiction compétente pour obtenir des dommages et intérêts du fait d'une requête qu'elle estime abusive contre son document d'urbanisme. Elle devra toutefois démontrer la faute, à savoir le caractère abusif de la requête, le préjudice qu'elle subit, et le lien de causalité, conformément aux règles de droit commun en matière de responsabilité. Ces outils et principes, récents, permettent d'ores et déjà d'atténuer les effets de l'annulation contentieuse des documents d'urbanisme.