14ème législature

Question N° 82
de M. Jean-Christophe Lagarde (Union des démocrates et indépendants - Seine-Saint-Denis )
Question orale sans débat
Ministère interrogé > Transports, mer et pêche
Ministère attributaire > Transports, mer et pêche

Rubrique > transports ferroviaires

Tête d'analyse > transport de marchandises

Analyse > matières dangereuses. circulation en zone urbaine. Seine-Saint-Denis.

Question publiée au JO le : 15/01/2013 page : 262
Réponse publiée au JO le : 25/01/2013 page : 351

Texte de la question

M. Jean-Christophe Lagarde attire l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur la question des trains de matières dangereuses qui transitent par la gare de triage de Drancy-Le Bourget. Depuis plusieurs mois, il n'a de cesse d'alerter les différents ministres en charge de ces questions sur ce dossier sensible. Par cette gare, comme par de nombreuses autres gares de triage situées en zone urbaine dense, transitent chaque année des milliers de wagons chimiques très dangereux. Des accidents, des déraillements, des fuites ont régulièrement lieu. Une étude réalisée par la DRIEE en mai 2011 concernant « les enjeux environnementaux du territoire du Bourget », et dont une copie a été transmise en septembre 2012 à Mme la Ministre de l'écologie et M. le ministre des transports, montre que la gare de triage de Drancy-Le Bourget reçoit chaque année plus de 20 000 wagons de matières dangereuses qui correspondent à 8 % de son activité globale. Parmi ces matières dangereuses, on relève plusieurs milliers de wagons de chlore gazeux, d'ammoniac, d'acrylonitrile et d'hydrocarbures. Dans cette étude, il est précisé que le périmètre retenu pour les « effets létaux majorants » d'une fuite de wagon de chlore est de 2,6 km, c'est-à-dire qu'il touche également les communes limitrophes de Drancy avec leurs hôpitaux (Avicenne notamment), leurs établissements scolaires et l'aéroport du Bourget sans oublier les milliers d'usagers de la ligne B du RER. Rien que pour la gare du Bourget, 210 000 habitants seraient concernés alors même que 80 % des trains transportant des matières dangereuses qui la traversent ne sont pas destinés à l'Île-de-France. Les wagons les plus dangereux, n'importe qui pourrait le concevoir, devraient passer non pas au milieu des fortes concentrations humaines mais bien plus loin, en dehors des zones urbaines. Les logiques économiques de Fret SNCF ne doivent pas conduire à exposer des milliers de personnes à des risques vitaux absurdes. L'accumulation de wagons de matières dangereuses (toxiques, radioactives, explosives, inflammables), côte à côte, sur la zone de triage peut à l'évidence aboutir en cas d'accident à une catastrophe d'une gravité sans précédent. Évidemment, cette menace réelle pour les populations conduit légitimement les élus locaux à suspendre toute perspective d'urbanisation soucieux d'ores et déjà du devenir des populations déjà installées dans les alentours de la gare. Pourtant, un contrat de développement territorial a été signé qui vise toutes les communes situées autour de l'aéroport du Bourget et qui prévoit la réalisation de plusieurs milliers de logements et la réalisation d'un important pôle gare autour de l'actuelle gare RER du Bourget. C'est pourquoi il lui demande ce que le Gouvernement entend prendre comme décisions afin de respecter le principe de précaution et éviter qu'une catastrophe, hélas prévisible, ne se produise.

Texte de la réponse

lign='center'>CIRCULATION EN ZONE URBAINE
DE TRAINS DE MATIÈRES DANGEREUSES

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde, pour exposer sa question, n° 82, relative à la circulation en zone urbaine de trains de matières dangereuses.
M. Jean-Christophe Lagarde. Monsieur le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, ma question porte sur les trains de matières dangereuses qui transitent régulièrement par la gare de triage de Drancy-Le Bourget.
Depuis plusieurs mois, monsieur le ministre, je n'ai eu de cesse que les différents ministres en charge de ces questions sur ce dossier sensible soient alertés.
En effet, des milliers de wagons chimiques très dangereux transitent chaque année par la gare de triage de Drancy-Le Bourget comme par de nombreuses autres gares de triage situées en zone urbaine dense. Des accidents, des déraillements, des fuites ont régulièrement lieu. Le dernier exemple en date remonte à trois jours : le wagon d'un train parti de la centrale nucléaire du Tricastin, dans la Drôme, pour la Hollande, transportant des fûts de matières radioactives coulées dans du béton, est sorti de ses rails lundi dernier en gare de triage à Saint-Rambert-d'Albon dans la Drôme. Parce qu'il s'agissait d'un wagon de matières nucléaires, ce matériel était sans doute mieux protégé que d'autres, mais vous imaginez les risques encourus par les populations dans une zone urbaine dense.
Une étude réalisée par la DRIEE ou Direction régionale et interdépartementale de l'environnement et de l'énergie d'Île-de-France en mai 2011 concernant les enjeux environnementaux du territoire du Bourget, dont une copie a été transmise en septembre dernier à Mme la ministre de l'écologie ainsi qu'à vous-même, montre que la gare de triage de Drancy-Le Bourget reçoit chaque année plus de 20 000 wagons de matières dangereuses qui correspondent à 8 % de son activité globale. Parmi ces matières dangereuses, on relève plusieurs milliers de wagons de chlore gazeux, d'ammoniac, d'acrylonitrile et d'hydrocarbures.
Dans cette étude, il est précisé que le périmètre retenu pour les " effets létaux majorants " d'une fuite de wagon de chlore est de 2,6 km : " effets létaux majorants " signifie la mort de milliers de personnes. Ce périmètre inclut des communes limitrophes de Drancy avec leurs hôpitaux - notamment l'hôpital Avicenne -, leurs établissements scolaires et l'aéroport du Bourget sans oublier les milliers d'usagers de la ligne B du RER. Rien que pour la gare du Bourget, 210 000 habitants seraient concernés si un drame survenait alors même que 80 % des trains transportant des matières dangereuses qui la traversent ne sont pas destinés à l'Île-de-France.
Les wagons les plus dangereux, n'importe qui pourrait le concevoir, devraient passer non pas au milieu des fortes concentrations humaines mais bien plus loin, en dehors des zones urbaines, et devraient y être triés.
Monsieur le ministre, les logiques économiques de Fret SNCF ne doivent pas conduire à exposer des milliers de personnes à des risques vitaux absurdes. Cette logique économique a récemment fait passer par Drancy des trains en provenance des Pays-Bas et destinés à la Hague, en Normandie.
L'accumulation de wagons de matières dangereuses - toxiques, radioactives, explosives, inflammables - côte à côte sur une vaste zone de triage et à proximité de centaines de milliers d'habitants peut à l'évidence aboutir en cas d'accident à une catastrophe d'une gravité sans précédent. Évidemment, cette menace réelle pour les populations conduit légitimement les élus locaux à se mobiliser pour défendre la sécurité des populations déjà installées dans les alentours de la gare.
Pourtant un contrat de développement territorial a été signé avec l'État, qui vise toutes les communes situées autour de l'aéroport du Bourget et qui prévoit la réalisation de plusieurs milliers de logements et d'un important pôle gare autour de l'actuelle gare RER du Bourget.
Aussi, face à cette situation sérieuse et préoccupante, je vous demande, monsieur le ministre, de prendre ce problème à bras le corps et de faire respecter le principe de précaution afin d'éviter qu'une catastrophe, hélas prévisible, ne se produise.
La logique de rentabilité, la logique financière de la SNCF ne peuvent pas prévaloir sur la sécurité des populations. Je souhaite en tout cas que votre gouvernement veille à ce que la vie des gens vaille plus que l'argent.
M. François Rochebloine. Très bien !
M. Jean-Luc Reitzer. Il a raison !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche.
M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le député, je connais la situation et je comprends vos préoccupations quant au trafic de matières dangereuses dans la gare de Drancy-Le Bourget. Le transport des marchandises dangereuses est une problématique complexe et sensible sur laquelle, je tiens à ce que vous le sachiez, je porte une attention particulière.
Permettez-moi tout d'abord de mentionner que le transport par mode ferroviaire de telles marchandises a un bilan environnemental favorable en comparaison avec le mode routier, de façon similaire aux autres marchandises. Il faut souligner surtout la faiblesse du taux d'accidents par rapport au mode routier, ce qui est un élément essentiel en matière de transport de marchandises dangereuses.
Ce dernier fait en effet l'objet d'une réglementation internationale extrêmement détaillée et régulièrement mise à jour portant aussi bien sur les matériels utilisés, leur maintenance et leur contrôle, que sur certaines conditions d'exploitation.
Pour autant, je partage votre avis selon lequel le risque zéro ne peut être raisonnablement atteint, tant dans les gares de triage où se concentrent des wagons que sur le tracé linéaire où ces wagons circulent.
Les services de l'État travaillent à réduire encore le risque. Ainsi, la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages a prévu la remise, en 2010, d'études de dangers pour les principales gares de triage où un nombre important de wagons de marchandises dangereuses est trié. L'État vous a communiqué avec transparence les conclusions de cette étude de dangers s'agissant de votre territoire. Cette étude a notamment permis d'identifier de nouvelles pistes de progrès pour la gestion des wagons de chlore - vous y faisiez référence, monsieur le député - qui permettront d'améliorer encore la sécurité de leur triage. Un système de contrôle d'accès au site a été mis en place. Les éléments juridiques permettant de rendre obligatoires ces actions de progrès pour les acteurs ferroviaires impliqués sur la gare de Drancy-Le Bourget sont en cours de rédaction et seront ensuite signés.
Par ailleurs, les efforts d'organisation des flux réalisés ces dernières années et ces derniers mois par les entreprises ferroviaires utilisant cette infrastructure ont permis de réduire significativement le nombre de wagons transportant des produits toxiques nécessitant d'être triés à la gare de Drancy-Le Bourget. À votre demande, les entreprises ferroviaires ont étudié d'éventuelles possibilités de suppression totale de ces trafics mais, pour l'heure, aucune solution soutenable sur les plans technique et économique n'a encore pu être identifiée.
Vous avez été récemment reçu par mon cabinet pour échanger sur les problèmes de nuisances, notamment sonores, en gare de Drancy. Nous travaillons activement aussi sur ce sujet, que je suis avec les autorités ferroviaires - RFF, la SNCF - et pour lequel nous avons pu constater une forte mobilisation. Il a été convenu lors de cet entretien que vous soyez également reçu au ministère par le cabinet de Mme Delphine Batho et que mon propre cabinet se tenait à votre disposition pour faire un point précis et technique sur les dernières avancées susceptibles d'intervenir en matière de transport de matières dangereuses.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.
M. Jean-Christophe Lagarde. J'ai en effet, monsieur le ministre, été reçu et un rendez-vous est programmé pour une date ultérieure.
Le sujet est vital, au sens littéral du terme, et je voudrais simplement vous indiquer une piste que j'avais suggérée à l'un de vos prédécesseurs, lequel avait bien compris que la responsabilité, y compris personnelle, des uns et des autres était en cause dans cette affaire dès lors que le danger était avéré.
Il est vrai qu'il est globalement moins dangereux de transporter des matières dangereuses sur des wagons que sur la route. Je vous propose qu'une infrastructure permettant de trier hors zones denses soit réalisée et qu'elle puisse être financée à partir des prix que les industriels ayant besoin de ces matières dangereuses doivent payer aux transporteurs. Parallèlement, il conviendrait par la réglementation - ce qui relève de votre responsabilité, monsieur le ministre - d'interdire le transport par camion autrement que dans le cas du cabotage sur quelques kilomètres. On nous objecte en effet que le transport par wagon étant plus cher, cela aurait pour conséquence un report sur le transport par camion. Il vous appartient d'interdire que des camions transportant des matières dangereuses puissent circuler au-delà du cabotage.
Je souhaite que nous travaillions dans les mois qui viennent à résorber ce problème.