14ème législature

Question N° 84064
de M. Jacques Bompard (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Affaires sociales, santé et droits des femmes
Ministère attributaire > Affaires sociales et santé

Rubrique > bioéthique

Tête d'analyse > génétique

Analyse > diagnostic préimplantatoire. risques.

Question publiée au JO le : 07/07/2015 page : 5074
Réponse publiée au JO le : 20/09/2016 page : 8363
Date de changement d'attribution: 12/02/2016

Texte de la question

M. Jacques Bompard alerte Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes sur le danger de l'élargissement des indications du DPI (diagnostic préimplantatoire). Les 12 et 13 juin 2015 a eu lieu un congrès de la société française de médecine prédictive et personnalisée. Il a annoncé un élargissement des indications du DPI avec des propositions non éthiques et dangereuses pour la société. Ce congrès proposait de « n'implanter dans l'utérus de la future mère que le (ou les) embryons(s) indemnes de la mutation BRCA1 - prédisposition aux cancers du sein et de l'ovaire. Les embryons porteurs de la mutation seront quant à eux détruits ou si le couple est consentant, utilisés à des fins de recherche ». Cette annonce est d'une part eugéniste pour une population donnée, inhumaine parce qu'elle concerne la destruction d'embryon et indigne car les embryons deviennent des objets de laboratoire pouvant être manipulés à loisir. La tentation d'obtenir un homme parfait est dangereuse. Ces faits évoquent Bienvenue à Gattaca. Il s'agit d'une société divisée en deux classes : les hommes conçus de façon naturelle ou ceux sélectionnés génétiquement. Les premiers étant inférieurs dans la société et rangés au banc de la société. Ce film illustre le danger d'une telle mesure. Il lui demande l'interdiction d'un élargissement des indications du DPI.

Texte de la réponse

Le diagnostic préimplantatoire, réalisé sur les cellules d'un embryon conçu après une fécondation in vitro, n'est autorisé qu'à titre exceptionnel dans les conditions suivantes (article L. 2131-4 du code de la santé publique) : - un médecin exerçant son activité dans un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal tel que défini par l'article L. 2131-1 doit attester que le couple, du fait de sa situation familiale, a une forte probabilité de donner naissance à un enfant atteint d'une maladie génétique d'une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic ; - le diagnostic ne peut être effectué que lorsqu'a été préalablement et précisément identifiée, chez l'un des parents ou l'un de ses ascendants immédiats dans le cas d'une maladie gravement invalidante, à révélation tardive et mettant prématurément en jeu le pronostic vital, l'anomalie ou les anomalies responsables d'une telle maladie ; - les deux membres du couple expriment par écrit leur consentement à la réalisation du diagnostic ; - le diagnostic ne peut avoir d'autre objet que de rechercher cette affection ainsi que les moyens de la prévenir et de la traiter ; - il ne peut être réalisé, à certaines conditions, que dans un établissement spécifiquement autorisé à cet effet par l'agence de la biomédecine. Cet encadrement, plus strict que celui du diagnostic prénatal, exclut de procéder à un « tri » d'embryons sur d'autres critères et permet un examen au cas par cas des situations. Aucune liste n'est établie car elle aurait pour effet de stigmatiser les malades porteurs des maladies y figurant et serait une source de discriminations comme le relève le conseil national d'évaluation des normes (CCNE) dans son avis no 107. Les formes héréditaires de cancer ne sont donc pas exclues a priori du DPI. Ces situations médicales sont expertisées par des équipes pluridisciplinaires spécialisées qui fondent notamment leur avis, comme pour les autres maladies génétiques, sur les critères de gravité et d'incurabilité susmentionnés. En l'espèce, il s'agit essentiellement de prédispositions héréditaires associées à des risques de cancers très élevés et précoces (dans l'enfance ou chez le jeune adulte), et pour lesquels les moyens thérapeutiques sont limités. C'est le cas par exemple du syndrome de Li Fraumeni (une mutation du gène TP53 qui induit de nombreux cancers parfois dès l'enfance) et des rétinoblastomes héréditaires (cancers de la rétine se déclarant chez l'enfant de moins de 4 ans). Un couple dont la femme est porteuse d'une mutation du gène BRCA1, prédisposant aux cancers du sein et de l'ovaire, a effectivement été autorisé à bénéficier d'un diagnostic préimplantatoire en juin 2015. Cette décision a été prise dans les conditions précitées et dans le cadre législatif en vigueur. En effet, de telles pathologies multiplient par 4 à 6 le risque de tumeur du sein et par 10 à 50 celui de tumeur de l'ovaire et, devant une histoire familiale particulièrement grave, une demande de DPI peut être recevable. Les garde-fous législatifs actuels tels que les critères de gravité et d'incurabilité ont apporté la preuve de leur capacité de régulation des demandes et des pratiques. L'encadrement actuel présente des garanties éthiques suffisamment solides pour prévenir des risques de dérives eugénistes et les rapports annuels de l'Agence de la biomédecine ne traduisent pas de dérive par rapport aux dispositions de la loi.