14ème législature

Question N° 84072
de M. Jacques Bompard (Non inscrit - Vaucluse )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > bioéthique

Tête d'analyse > gestation pour autrui

Analyse > réglementation.

Question publiée au JO le : 07/07/2015 page : 5138
Réponse publiée au JO le : 05/01/2016 page : 166

Texte de la question

M. Jacques Bompard attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur le recours de certains citoyens français à une mère porteuse. Le Défenseur des droits a en effet publiquement alerté la garde des sceaux sur les dérives de sites internet entremetteurs en infraction à l'article 227-12 alinéa 3 du code pénal : aucune condamnation n'a été observée à ce jour. Pire, la Cour européenne des droits de l'Homme a imposé à la France en juin 2014 de reconnaître les effets de cette pratique lorsqu'elle est réalisée à l'étranger. Le Gouvernement n'a pas fait appel de cette décision, acceptant ainsi que le droit d'un autre pays, même ami, lui impose sa législation éminemment critiquable pour les droits des femmes. Il est alors à craindre un accroissement des achats d'enfants, et donc une marchandisation de la femme, de la part de Français qui sont incités à contourner la loi, comme l'indiquait encore la Cour de cassation dans son arrêt du 19 mars 2014. Enfin, la Conférence de La Haye se réunit en ce moment même pour discuter de la légalisation de ce procédé, ce qui a suscité à juste titre l'émoi de plusieurs associations dans une tribune publiée le 24 mars 2015 dans le journal Libération. Malgré ces nombreux signes d'une expansion d'un tourisme procréatif contraire aux droits de l'Homme, le Gouvernement n'a toujours pas indiqué comment il comptait renforcer la répression contre cette pratique indigne. Plusieurs propositions de lois ont pour objet aujourd'hui de reprendre un combat que le Gouvernement ne mène pas en dépit de ses déclarations d'intentions, en érigeant en délit spécial le recours à une mère porteuse. En effet, la « protection » affichée de quelques enfants victimes de cette pratique ne doit pas amener à écarter l'intérêt supérieur de tous les enfants. Il convient également de redonner à la France le rôle par lequel elle a si souvent brillé par le passé, en prenant cette fois la tête du combat pour l'adoption d'une convention internationale sur l'abolition du recours à une mère porteuse. Il souhaite donc savoir ce qu'elle a prévu d'entreprendre afin de mettre un terme à cette pratique d'un autre âge, affront fait à la dignité de la femme et de l'enfant.

Texte de la réponse

Les décisions de la Cour européenne des droits de l’homme condamnant la France ne remettent aucunement en cause le principe français de la prohibition de la gestation pour autrui, actuellement consacré aux articles 16-7 et 16-9 du code civil. Elles marquent la recherche d’un équilibre entre le principe d’ordre public de prohibition de telles conventions qui demeure, et auquel le Gouvernement français est particulièrement attaché, et la nécessaire protection qu’il convient de garantir à l’enfant au nom de son intérêt supérieur au sens de l’article 3 paragraphe 1, de la Convention de New York du 26 janvier 1990, relative aux droits de l’enfant, et du droit au respect de sa vie privée au sens de l’article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. Elles confirment la nécessité impérieuse de distinguer le sort des enfants de celui de leurs parents ayant eu recours à un contrat illicite et ainsi de leur garantir, sur le territoire national, le droit au respect de leur identité, dont la filiation et la nationalité française constituent des aspects essentiels. Si le gouvernement doit donc s’assurer, dans le strict respect de ses engagements internationaux, de l’exécution par la France des arrêts de condamnation de la CEDH, il demeure néanmoins dans le même temps particulièrement soucieux de garantir le maintien du principe français de la prohibition d’ordre public, dont le caractère essentiel a été rappelé par diverses personnalités de la société civile. A cette fin, le Gouvernement a décidé de solliciter le concours d’experts chargés de préciser les options juridiques dont dispose la France afin de concilier le droit au respect de la vie privée des enfants issus de telles conventions, et l’interdiction absolue de la pratique de la gestation pour autrui. En l’attente de leurs conclusions, le gouvernement veille d’ores et déjà au respect de la politique pénale mise en place contre toutes les atteintes à l’ordre public, lesquelles visent à la fois la lutte contre toute forme de trafic d’enfants s’apparentant à l’exploitation d’autrui, et la poursuite des intermédiaires proposant des activités interdites en France.