14ème législature

Question N° 85656
de Mme Martine Martinel (Socialiste, républicain et citoyen - Haute-Garonne )
Question écrite
Ministère interrogé > Anciens combattants et mémoire
Ministère attributaire > Anciens combattants et mémoire

Rubrique > anciens combattants et victimes de guerre

Tête d'analyse > revendications

Analyse > perspectives.

Question publiée au JO le : 28/07/2015 page : 5672
Réponse publiée au JO le : 29/09/2015 page : 7446

Texte de la question

Mme Martine Martinel attire l'attention de M. le secrétaire d'État, auprès du ministre de la défense, chargé des anciens combattants et de la mémoire sur le code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de guerre (PMIVG). La section Toulouse de l'Association nationale des cheminots anciens combattants a relevé plusieurs points susceptibles d'être améliorés lors du prochain projet de budget des anciens combattants et victimes de guerre. En effet, l'abrogation du décret n° 2010-80 du 29 juillet 2010 permettrait l'octroi de la campagne double aux anciens combattants en Afrique du Nord dans les mêmes conditions que celles accordées aux précédents conflits par la loi du 14 avril 1924. Les cheminots anciens combattants expriment des inquiétudes quant à la possible disparition de la présence de l'ONAC, établissement public, dans certains départements et rappellent la nécessité du maintien de ce lien de proximité spécifique qui nécessiterait un budget autonome, avec un interlocuteur gouvernemental à sa tête. De plus, ils souhaiteraient une revalorisation du point de la pension militaire d'invalidité, très inférieure à l'inflation depuis son indexation à un indice INSEE et sollicitent la mise en place d'une commission tripartite entre le Gouvernement, le Parlement et le monde combattant afin d'envisager une réparation plus juste et équitable pour les anciens combattants. Par ailleurs, l'attribution de l'aide spécifique assurant une nécessité de ressources établie au niveau du seuil de pauvreté aux anciens combattants doit être une priorité. Il serait enfin pertinent de veiller au principe d'égalité de traitement pour les orphelins de guerre, fils et filles des « Morts pour la France ». Aussi, elle souhaiterait savoir quelles sont les intentions du Gouvernement concernant les revendications du monde combattant.

Texte de la réponse

Les bénéfices de campagne constituent une bonification d'ancienneté prévue par le code des pensions civiles et militaires de retraite et par certains régimes spéciaux de retraite. Ce sont des avantages particuliers accordés aux ressortissants de ce code et de ces régimes, c'est-à-dire aux militaires ainsi qu'aux fonctionnaires et assimilés. L'attribution de la campagne double signifie que chaque jour de service effectué est compté pour trois jours dans le calcul de la pension de retraite. Ces bonifications s'ajoutent dans le décompte des trimestres liquidés aux périodes de services militaires ou assimilées au moment de la liquidation de la pension de retraite. S'agissant des conflits d'Afrique du Nord, il convient de rappeler qu'en substituant à l'expression « aux opérations effectuées en Afrique du Nord », l'expression « à la guerre d'Algérie ou aux combats en Tunisie et au Maroc », qualifiant le conflit en Algérie de « guerre », la loi du 18 octobre 1999 a créé une situation juridique nouvelle. Il en a découlé que les personnes exposées à des situations de combat au cours de la guerre d'Algérie étaient susceptibles de bénéficier de la campagne double. Cela a été confirmé par le Conseil d'État dans sa décision n° 328282 du 17 mars 2010. Le décret n° 2010-890 du 29 juillet 2010 portant attribution du bénéfice de la campagne double aux anciens combattants d'Afrique du Nord accorde ce droit aux militaires d'active et aux appelés pour toute journée durant laquelle ils ont pris part à une action de feu ou de combat ou ont subi le feu, et s'applique aux seuls fonctionnaires et assimilés dont les pensions de retraite ont été liquidées à compter du 19 octobre 1999, date d'entrée en vigueur de la loi du 18 octobre 1999. En effet, il convient d'observer, à cet égard, qu'il ne résulte ni des termes de la loi, ni de ses travaux préparatoires que le législateur ait souhaité donner une portée rétroactive aux dispositions en cause, comme l'a confirmé le Conseil d'État dans sa décision n° 366253 du 13 juin 2013. Dès lors, les pensions liquidées antérieurement à la date d'entrée en vigueur de la loi du 18 octobre 1999 sont devenues définitives et ne peuvent être révisées en vertu du droit actuel. Pour autant, comme il l'a déclaré au Sénat lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2015, le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire est favorable à une réflexion sur l'extension éventuelle du bénéfice de la campagne double aux personnes dont les pensions ont été liquidées avant le 19 octobre 1999, dès lors qu'elles ont pris part à une action de feu ou de combat ou ont subi le feu en Afrique du Nord. Il tient à préciser qu'un groupe de travail s'est réuni le 11 mai 2015 pour conduire cette réflexion. L'Association nationale des cheminots anciens combattants a d'ailleurs participé à cette réunion. Le secrétaire d'État ne manquera pas d'informer l'honorable parlementaire des suites de ces travaux lors des débats parlementaires. Pour ce qui concerne la pérennité des services départementaux de l'Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONAC-VG), il convient de préciser que l'Office, au titre de sa mission d'opérateur de la politique de reconnaissance, de réparation et de solidarité en faveur du monde combattant, dispose d'un maillage territorial composé de 102 services départementaux, 2 services en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie et 3 services en Algérie, au Maroc et en Tunisie. Ces services de proximité animent un vaste ensemble de partenaires associatifs et institutionnels oeuvrant dans les domaines de la mémoire, de la solidarité, de la reconnaissance et de la réparation. La réforme de l'administration au service des anciens combattants engagée ces dernières années a eu pour effet d'étendre les missions des services de l'ONAC-VG, avec, notamment, en 2010, la reprise d'une partie des missions anciennement dévolues à la direction des statuts, des pensions et de la réinsertion sociale. En outre, le comité interministériel pour la modernisation de l'action publique (CIMAP) a décidé, le 17 juillet 2013, de conforter le rôle de service de proximité de l'établissement public en élargissant son action aux anciens membres des forces supplétives, à leurs ayants cause et aux rapatriés. Parallèlement, l'Office a mis en oeuvre des mesures visant à simplifier et à dématérialiser les procédures concernant notamment l'attribution des cartes et titres, et à mutualiser certaines tâches administratives afin de permettre aux agents de recentrer leur action sur les missions de proximité. La rationalisation des méthodes de travail et la modernisation des outils à la disposition des services de l'Office vont se poursuivre dans l'avenir afin de renforcer encore davantage la capacité de l'établissement public à répondre aux attentes légitimes du monde combattant. Le réseau de l'ONAC-VG emploie aujourd'hui près de 530 équivalents temps plein (dont 62 en Afrique du Nord) qui oeuvrent au profit de 3 millions de ressortissants. Il constitue un outil exceptionnel au service du monde combattant. Le budget triennal 2015-2017 consolide le maillage territorial de l'ONAC-VG en confortant l'existence et les effectifs de ce réseau. Cet élément illustre la constante attention du secrétaire d'État pour qui le maintien de l'implantation départementale de l'ONAC-VG et la préservation des missions de l'établissement public constituent une priorité réaffirmée à plusieurs reprises. Il convient d'ajouter qu'en tant qu'établissement public, l'ONAC-VG dispose de la personnalité juridique et de l'autonomie financière, conformément aux articles L. 517, R. 572, D. 431 et suivants du code des pensions militaires d'invalidité et des victimes de la guerre (CPMIVG). Son budget est adopté par son conseil d'administration, présidé par le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants et de la mémoire. L'Etat contribue au financement du budget principal de l'ONAC-VG par le versement de subventions pour charges de service public et d'action sociale, soit, en 2015, respectivement 57,7 millions d'euros et 23,4 millions d'euros, sur le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ». L'Office bénéficie également de subventions versées sur le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » par la direction de la mémoire, du patrimoine et des archives (DMPA) du ministère de la défense, au titre de la politique de mémoire, notamment pour la rénovation des nécropoles, soit, en 2015, 8,15 millions d'euros. Ainsi, l'ONAC-VG dispose de ressources identifiées, rattachées pour les crédits budgétaires à des programmes et actions conformes au cadre général fixé par la loi organique relative aux lois de finances. Cela étant, il n'apparait pas opportun de confier à l'ONAC-VG la responsabilité budgétaire de l'ensemble des crédits consacrés aux anciens combattants et à leurs ayants cause. Actuellement, cette responsabilité est assumée par le secrétaire général pour l'administration du ministère de la défense, pour ce qui concerne les crédits figurant au programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ». L'ONAC-VG, en tant que gestionnaire d'une partie de ces crédits et surtout en raison de son positionnement comme interlocuteur principal du monde combattant, occupe déjà un rôle de tout premier plan dans la mission de reconnaissance de l'Etat à l'égard des anciens combattants. Dans ce cadre, l'établissement public a pour mission principale de dispenser une action sociale en faveur des bénéficiaires du CPMIVG. Il assure également, en partenariat avec la DMPA, l'entretien courant des sépultures de guerre et des hauts lieux de mémoire. Dès lors, le transfert à l'Office de la responsabilité des crédits dédiés au monde combattant n'apporterait pas de réelle plus-value aux bénéficiaires du CPMIVG. En effet, la majeure partie des versements effectués notamment au titre des pensions militaires d'invalidité et de la retraite du combattant resterait sous la responsabilité du service des retraites de l'Etat. Le simple transfert de la responsabilité budgétaire à l'ONAC-VG n'aurait donc aucun effet sur la situation existante au regard des délais en vigueur ou des règles de versement des prestations servies. Par ailleurs, le positionnement du budget des anciens combattants sous la responsabilité administrative du secrétaire général pour l'administration constitue une garantie de visibilité et de gestion optimisée et transversale des crédits qui sont ainsi placés au niveau ministériel. Enfin, la nomination, au sein du Gouvernement, d'un secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants et de la mémoire, par le Président de la République sur proposition du Premier ministre, traduit la volonté affirmée de maintenir ce poste ministériel ainsi que la mission et les structures administratives au service des anciens combattants. Concernant l'évolution du point de pension militaire d'invalidité (PMI), il convient de rappeler que depuis la modification de l'article L. 8 bis du CPMIVG par l'article 117 de la loi de finances pour 2005 qui a porté réforme du rapport constant, la valeur du point de PMI est révisée proportionnellement à l'évolution de l'indice INSEE des traitements bruts de la fonction publique de l'État, à la date de cette évolution, et non plus de manière rétroactive comme dans le dispositif en vigueur auparavant. Cet indice est donc aujourd'hui la seule référence pour l'évolution de la valeur du point de PMI. Cette méthode permet de revaloriser régulièrement les pensions militaires d'invalidité, la retraite du combattant et la rente mutualiste. Il est utile de préciser, à cet égard, que depuis l'entrée en vigueur du décret n° 2005-597 du 27 mai 2005 qui avait fixé la valeur du point de PMI au 1er janvier 2005 à 12,89 euros en application de l'article R.1 du CPMIVG, le point de PMI a été réévalué à plus de 20 reprises pour atteindre la valeur de 13,97 euros au 1er avril 2014, conformément à l'arrêté du 28 novembre 2014 publié au Journal officiel de la République française du 9 décembre 2014. Il n'est pas envisagé actuellement de revenir sur ce dispositif qui a été mis en place en concertation avec les principales associations du monde combattant. Cependant, le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire s'est engagé à veiller à la publication rapide, dès la fixation des nouveaux indices de l'INSEE, des arrêtés fixant la nouvelle valeur du point de PMI. Par ailleurs, l'aide différentielle en faveur des conjoints survivants de ressortissants de l'ONAC-VG, âgés de 60 ans au moins, s'est révélée nécessaire du fait des difficultés financières grandissantes rencontrées par un certain nombre de veuves ne disposant pas d'une retraite ou de ressources personnelles, et se trouvant d'autant plus démunies au décès du conjoint qu'elles étaient désormais privées des avantages fiscaux ou sociaux dont disposait leur mari, alors que leur incombaient les charges du ménage. Depuis sa création, cette aide a été régulièrement revalorisée, comme en atteste l'évolution de son montant plafond mensuel qui a été porté de 550 euros en 2007 à 932 euros en 2014. Ce montant a été porté à 987 euros au 1er janvier 2015, ce qui représente une augmentation de 79,5 % en 8 ans. De plus, la loi de finances pour 2015 a relevé le montant de la dotation des crédits d'action sociale de l'établissement public, dont relève cette prestation, à hauteur de 23,4 millions d'euros, soit une augmentation de 1,5 million d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2014. Toutefois, ce dispositif a dû être adapté pour des raisons juridiques. Cette évolution s'inscrit dans le cadre de la refonte de la politique sociale de l'ONAC-VG qui doit conduire à une amélioration sensible de la situation des plus nécessiteux des ressortissants de l'Office. Conformément aux engagements du secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire, un groupe de travail a été constitué en vue de finaliser cette refonte de la politique sociale, à travers la commission « Mémoire et solidarité » de l'Office qui s'est réunie le 17 mars. Cette refonte a été adoptée par le conseil d'administration du 27 mars 2015. C'est dans ce contexte qu'un régime transitoire a été mis en place pour l'année 2015. Ce dernier permettra aux conjoints survivants de continuer de bénéficier des aides de l'ONAC-VG pour atteindre un revenu mensuel égal à 987 euros comme précité. A terme, la situation de chaque ayant cause sera réétudiée au regard de différents critères de fragilité et non plus au vu de leurs seuls revenus. De même, l'aide apportée ne sera plus différentielle mais adaptée à chaque situation étudiée isolément. Cet examen individualisé des dossiers permettra d'apporter une aide plus significative aux conjoints survivants, aux anciens combattants les plus démunis, les plus fragiles et les plus isolés, ainsi qu'aux autres ressortissants en situation de précarité. Enfin, le secrétaire d'État chargé des anciens combattants et de la mémoire accorde une attention toute particulière à la demande d'extension des dispositifs mis en place par les décrets n° 2000-657 du 13 juillet 2000 instituant une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites et n° 2004-751 du 27 juillet 2004 instituant une aide financière en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins dont les parents ont été victimes d'actes de barbarie durant la Deuxième Guerre mondiale. Ainsi que le prévoit le CPMIVG, tout orphelin de guerre peut percevoir, ou a pu percevoir, une pension spécifique jusqu'à son 21e anniversaire. En revanche, l'indemnisation mise en place par les décrets de 2000 et 2004 est plus particulièrement destinée aux victimes de l'extrême barbarie nazie, qui renvoie à une douleur tout à fait spécifique, celle d'avoir perdu un père ou une mère, ou parfois les deux, dans un camp d'extermination. En effet, c'est fondamentalement le caractère particulièrement insoutenable d'extrême barbarie nazie propre à ces disparitions spécifiques à la Seconde Guerre mondiale, le traumatisme dépassant le strict cadre d'un conflit entre États, qui est à l'origine de ce dispositif réservé aux enfants dont les parents, résistants ou ayant fait l'objet de persécutions antisémites ou raciales, sont décédés en déportation ou ont été exécutés dans les circonstances définies aux articles L. 274 et L. 290 du CPMIVG. Ce dispositif doit rester fidèle à sa justification essentielle qui est de consacrer solennellement le souvenir des victimes de la barbarie nazie, à travers leurs enfants mineurs au moment des faits. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé de maintenir cette spécificité pour ne pas porter atteinte à la cohérence de ces décrets. Néanmoins l'examen de plusieurs dossiers a laissé apparaître la difficulté d'appliquer des critères stricts à des situations extrêmement diverses. La mise en oeuvre de ces critères doit donc s'opérer de manière éclairée, afin de donner aux deux décrets leur pleine portée, dans le respect de leur ambition initiale d'indemniser la souffrance des orphelins dont les parents ont été frappés par cette barbarie. Aussi, et comme l'ont rappelé le secrétaire d'Etat chargé des anciens combattants et de la mémoire et son prédécesseur, lors des débats au Parlement sur le projet de loi de finances pour 2015, le Gouvernement s'est engagé en faveur d'un réexamen au cas par cas des dossiers en cause, afin de garantir une égalité de traitement entre les situations les plus proches, tout en confirmant la nécessité de préserver le caractère spécifique de cette indemnisation dont l'extension à tous les orphelins de guerre ne saurait être envisagée tant sur le plan symbolique que financier.