14ème législature

Question N° 86112
de M. Marc Le Fur (Les Républicains - Côtes-d'Armor )
Question écrite
Ministère interrogé > Justice
Ministère attributaire > Justice

Rubrique > propriété

Tête d'analyse > indivision

Analyse > cession de parts indivis. indivisaires. droit de préemption. réglementation.

Question publiée au JO le : 28/07/2015 page : 5717
Réponse publiée au JO le : 07/06/2016 page : 5140
Date de changement d'attribution: 28/01/2016

Texte de la question

M. Marc Le Fur attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice sur les règles de la procédure de préemption dans l'indivision. L'indivision est le concours de plusieurs droits de même nature sur un même bien, sans que celui-ci fasse l'objet d'une division matérielle. Plusieurs personnes ont ainsi des droits et un intérêt commun sur un même bien. N'étant pas seul propriétaire, un indivisaire ne peut pas céder librement le bien indivis sans l'accord des autres. En revanche, il peut céder, non le bien lui-même, mais ses droits indivis ; on dit alors qu'il cède sa part dans l'indivision. Or l'indivision se rencontre souvent dans un contexte familial, notamment en matière successorale. La cession d'une part indivise à un tiers ferait pénétrer dans cette indivision une personne qui y est étrangère. Afin d'éviter les difficultés que cela pourrait susciter, l'article 815-14 du code civil prévoit que toute cession à titre onéreux faite par un des co-indivisaires à un tiers, étranger à l'indivision, est soumise au droit de préemption des autres indivisaires. Ce droit de préemption relevant du régime général de l'indivision, il s'applique à toutes les indivisions, qu'elles soient successorales, post-communautaires ou conventionnelles. De même, il s'applique à toute cession de droits faite, à titre onéreux, à un étranger à l'indivision. La notification prévue par l'article 815-14 doit être effectuée par chacun des indivisaires individuellement. Elle doit prendre la forme d'un acte extrajudiciaire, c'est-à-dire un acte d'huissier de justice. Un simple acte privé, fut-il adressé par lettre recommandée avec avis de réception, ne suffit pas. Le formalisme imposé par ce texte semble aujourd'hui trop contraignant. Il est parfois invoqué quand il n'y a pas lieu, parfois contourné. De façon générale, il complique la procédure et en accroît inutilement le coût. Une solution consisterait en la création, à côté de l'acte d'huissier, d'une nouvelle façon de purger le droit de préemption prévu par l'article 815-14. Chaque indivisaire pourrait intervenir à l'acte authentique de cession pour déclarer qu'il renonce à exercer son droit de préemption. Ceux qui ne pourraient pas ou ne souhaiteraient pas intervenir à cet acte continueraient à recevoir une signification. Il lui demande quelle suite le Gouvernement entend donner à cette proposition.

Texte de la réponse

Le formalisme imposé par l'article 815-14 du code civil vise à protéger les co-indivisaires face à l'intrusion possible d'un tiers dans l'indivision dans le cadre de la cession, totale ou partielle, de sa quote-part par l'un des indivisaires. L'arrivée d'un étranger à l'indivision peut en effet présenter des inconvénients, notamment dans les indivisions successorales où l'entrée d'une personne extérieure à la famille est susceptible de perturber la bonne gestion des biens indivis, qui nécessite une entente minimale entre les indivisaires. C'est ainsi que, tout en autorisant une telle cession afin qu'un indivisaire puisse sortir de l'indivision sans avoir à provoquer le partage, la loi impose à celui-ci d'informer ses co-indivisaires et à leur conférer un droit de préemption leur permettant de se substituer au cessionnaire avant la vente, en payant le prix convenu entre ce dernier et le cédant. Ce mécanisme issu de la loi no 76-1286 du 31 décembre 1976, relative à l'indivision, a remplacé le retrait successoral qui présentait l'inconvénient majeur de s'appliquer rétroactivement, une fois la vente conclue, générant de la sorte une forte insécurité juridique. Afin que la protection des co-indivisaires soit maximale, la notification de la cession projetée doit être effectuée auprès de chacun d'eux, par un acte notifié par huissier de justice qui revêt une importance capitale dans l'équilibre du dispositif actuel, puisqu'il fait courir un délai d'un mois dans lequel chaque co-indivisaire peut faire connaître son intention d'exercer son droit de préemption. Ouvrir la possibilité à chaque indivisaire d'intervenir à l'acte authentique de cession pour déclarer qu'il renonce à son droit de préemption ne paraît pas opportun dès lors qu'il en résulterait une incertitude sur la volonté de chacun des indivisaires jusqu'à cette date. L'absence de l'un d'eux obligerait alors à recourir à une notification, ce qui retarderait d'autant la cession. Il apparaît dès lors que le système mis en place dans l'article 815-14 du code civil permet de concilier l'intérêt individuel et l'intérêt commun, dans le but d'assurer à la fois la liberté des personnes et la stabilité du groupe.