14ème législature

Question N° 86223
de Mme Michèle Bonneton (Écologiste - Isère )
Question écrite
Ministère interrogé > Logement, égalité des territoires et ruralité
Ministère attributaire > Logement et habitat durable

Rubrique > urbanisme

Tête d'analyse > permis de construire

Analyse > action en démolition. réglementation.

Question publiée au JO le : 28/07/2015 page : 5719
Réponse publiée au JO le : 19/04/2016 page : 3456
Date de changement d'attribution: 12/02/2016
Date de signalement: 06/10/2015

Texte de la question

Mme Michèle Bonneton attire l'attention de Mme la ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité sur le champ d'application de l'article L 480-13 du code de l'urbanisme. Cette disposition permet notamment aux tiers de demander au juge judiciaire de démolir une construction édifiée conformément à un permis de construire qui a été annulé par la juridiction administrative. Cette disposition, modifiée à plusieurs reprises, a toujours eu pour objectif de garantir la sécurité juridique des constructeurs en imposant que le tiers saisisse préalablement le tribunal administratif d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire avant de saisir le tribunal de grande instance. Cependant, il a été porté à sa connaissance des cas dans lesquels l'auteur des travaux a d'abord réalisé à l'insu des tiers ses constructions en violation d'une servitude d'urbanisme et sans autorisation, puis a ensuite sollicité et obtenu de l'administration un permis de construire de régularisation qui n'a pas été attaqué au tribunal administratif dans les délais ni par le préfet ni par les tiers. Dans cette hypothèse, le constructeur est donc de mauvaise foi, car nul n'est censé ignorer qu'il faut un permis de construire dès par exemple qu'on édifie une construction avec une surface de plancher conséquente. Si le constructeur fait l'objet de poursuites pénales pour construction sans permis de construire et en violation d'une servitude d'urbanisme sur le fondement des articles L 480-4 et L 160-1 du code de l'urbanisme, il pourra cependant en cours d'instance invoquer la régularisation de sa construction par un permis de construire délivré après travaux et, sur le fondement de l'article L 480-13, il pourra demander au juge judiciaire de se déclarer incompétent pour se prononcer sur la démolition sollicitée par le ministère public ou la partie civile. Il lui apparaît que, dans cette hypothèse, l'intention du législateur n'était pas de favoriser les constructions illégales réalisées par des constructeurs peu scrupuleux. Elle lui demande en conséquence si elle estime que l'article L 480-13 du code de l'urbanisme vise également les constructions édifiées à l'origine sans permis de construire puis régularisées et, dans l'affirmative, si elle entend proposer une modification de l'article afin d'exclure cette hypothèse.

Texte de la réponse

L'article L. 480-13 du code de l'urbanisme prévoit que la démolition d'une construction édifiée conformément à un permis de construire ne peut être prononcée par le juge judiciaire que si le permis de construire a été annulé par le juge administratif. L'hypothèse de l'application de cet article dans le cas d'une construction sans autorisation, qui fait ensuite l'objet d'une autorisation de régularisation, a été soumise à la Cour de cassation. Cette dernière a considéré que la délivrance d'un permis de construire de régularisation fait obstacle à la démolition de l'ouvrage tant que ce permis n'a pas été annulé pour excès de pouvoir ou, selon la rédaction de l'article L. 480-13 antérieure au 16 juillet 2006, que son illégalité n'a pas été constatée par la juridiction administrative (Cour de cassation, Crim. 18 juin 1997, no 96-83082, Cour de cassation, Crim. 29 juin 1999, no 98-83960 ; Cour de cassation, Crim. 18 novembre 2008, no 08-83542). Il sera donc nécessaire d'obtenir l'annulation du permis de régularisation avant d'envisager une action en démolition de la construction, que cette démolition soit demandée au juge civil ou au juge pénal. Pour le juge pénal, la démolition prononcée sur le fondement de l'article L. 480-5 du code de l'urbanisme est en outre considérée comme une mesure à caractère réel destinée à faire cesser une situation illicite (Cour de cassation, Crim. 8 juin 1989, no88-86756 ; Cour de cassation, Crim. 6 novembre 2012, no 12-82449). Or, en présence d'un permis de régularisation, il n'y a plus de situation illicite, le juge pénal ne pouvant alors prononcer la démolition. Pour le juge civil, les dispositions de l'article L. 480-13 font obstacle à l'action en démolition dès lors que les travaux sont réalisés conformément à un permis de construire en régularisation qui n'a pas été remis en cause par la juridiction administrative (Cour de cassation, Civ. 3ème, 20 novembre 2013, no 12-26595). Le juge administratif admet de même la délivrance d'un permis visant à régulariser l'édification antérieurement opérée d'un ouvrage dont la démolition a été ordonnée par une décision de justice devenue définitive (Conseil d'Etat, 8 juillet 1996, no 123437, publié). En revanche, toute possibilité de sanction n'est pas exclue. En effet, la Cour de cassation considère également dans ses deux arrêts précités de 1997 et 1999 que la régularisation de la construction ne fait pas disparaître l'infraction pénale. Les sanctions habituelles en matière de droit pénal de l'urbanisme, autres que la démolition puisque celle-ci est exclue du fait du permis de régularisation, peuvent alors être prononcées par le juge pénal. Ainsi dans ces deux arrêts, la Cour de cassation a censuré le prononcé de la démolition par la Cour d'appel, mais a expressément maintenu la condamnation à l'amende. De même, les actions civiles sur le fondement du trouble anormal de voisinage, d'une atteinte au droit de propriété (par exemple en cas d'empiétement sur la propriété voisine) ou d'une violation de servitude de droit privé, sont possibles en présence d'une autorisation de construire, qu'il s'agisse de l'autorisation initiale ou d'une autorisation de régularisation. Les autorisations de construire sont en effet toujours délivrées sous réserve des droits des tiers. Ces actions pénales comme civiles restent offertes y compris suite à la modification de l'article L. 480-13 par la loi no 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques, qui a modifié le champ d'application géographique de cet article.