14ème législature

Question N° 8632
de M. Denis Baupin (Écologiste - Paris )
Question écrite
Ministère interrogé > Défense
Ministère attributaire > Défense

Rubrique > outre-mer

Tête d'analyse > COM : Polynésie

Analyse > environnement. récif corallien. protection.

Question publiée au JO le : 30/10/2012 page : 6038
Réponse publiée au JO le : 07/02/2017 page : 1045
Date de changement d'attribution: 07/12/2016

Texte de la question

M. Denis Baupin alerte M. le ministre de la défense sur les conséquences que pourraient avoir un effondrement des barrières récifales des atolls de Moruroa et de Fangataufa ayant servi aux expérimentations nucléaires françaises dans le pacifique. En 2012, dans le cadre de son rapport 2010, l'armée a rendu public l'état de santé des atolls. Ce rapport confirme les révélations de l'ancien délégué national au suivi des conséquences des essais nucléaires sur la possibilité d'un effondrement des barrières récifales de ces deux atolls. En effet, les quelques 160 tirs souterrains qui ont été effectués par l'armée ont aujourd'hui généré des failles pouvant atteindre deux mètres de large et le soubassement corallien est aujourd'hui très fragilisé. Sur la vingtaine de capteurs supposés suivre la tectonique des atolls, le tiers seulement est encore en état de fonctionnement. Si un tel scénario est en lui-même inquiétant, il prend une dimension encore plus effrayante lorsque l'on sait que les thons de l'ensemble du pacifique viennent se reproduire à quelques encablures des deux atolls. Devant ce constat, il souhaiterait savoir quelles sont les mesures prises pour surveiller correctement ces atolls et quels sont les dispositifs prévus en cas d'effondrement pour l'évacuation des atolls voisin et l'information des Polynésiens et du gouvernement de la Polynésie française. Il souhaiterait également savoir si des études ont été menées pour déterminer s'il était encore possible de consolider la barrière récifale et pour anticiper la propagation de la radioactivité aujourd'hui normalement prisonnière dans les puits.

Texte de la réponse

Les anciens sites d'expérimentations nucléaires de Polynésie française font l'objet d'un suivi radiologique et géomécanique effectué depuis 1998 par le département de suivi des centres d'expérimentations nucléaires de la direction générale de l'armement, avec le soutien du commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives et sous le contrôle de l'autorité de sûreté nucléaire de défense. Deux rapports annuels, consultables sur le site internet du ministère de la défense, sont ainsi établis et transmis aux autorités de la Polynésie française. S'agissant des conséquences des essais nucléaires sur la structure de l'atoll, une commission internationale a évalué, en 1996, l'impact géologique et géomécanique des expérimentations et la surveillance mise en place à Moruroa. Deux risques ont été identifiés dans le cadre de ce travail : l'effondrement soudain d'un bloc limité de falaise corallienne, ainsi que le glissement d'une importante masse de carbonates dans la partie nord, événement dont la probabilité, bien que très réduite, ne peut être complètement écartée d'un point de vue scientifique. Dans ce contexte, une surveillance géomécanique du site a été mise en place et maintenue depuis une trentaine d'années. Elle est exercée au moyen de capteurs, disposés en surface et dans les puits de tir, et d'études topographiques. Les observations et les analyses réalisées permettent d'établir que l'effondrement soudain d'un bloc de falaise corallienne à Moruroa provoquerait localement une vague atteignant un à deux mètres de hauteur. Le dispositif d'alerte automatique, généré en temps réel par le système de surveillance, permettrait en toute hypothèse au personnel présent sur le site de prendre les mesures de sécurité répertoriées qui s'imposent. Par ailleurs, depuis la fin des années 1980, il a été constaté un glissement de masses de calcaires correspondant à une déformation lente de la pente externe dans la zone nord de l'atoll. Ce phénomène a enregistré un ralentissement sensible depuis l'arrêt des essais nucléaires. Une évaluation des conséquences d'un glissement d'une importante masse de calcaires à Moruroa a néanmoins été effectuée. Cette étude a démontré que les capteurs permanents de surveillance géomécanique permettraient de déclencher l'alerte plusieurs jours, voire plusieurs semaines à l'avance. L'évacuation, à titre préventif, du personnel présent à Moruroa est prévue au dernier stade de l'alerte. Dans les conditions les plus défavorables, le train de houle provenant de Moruroa se traduirait pour l'île de Tureia, seul atoll habité de la région, distant d'une centaine de kilomètres, par une vague inondant le secteur sud, espace dépourvu d'habitations. Dans la partie nord de l'île de Tureia, la submersion serait de l'ordre de 1 à 2 mètres et ne menacerait aucunement le village. L'alerte graduelle permettrait d'interdire l'accès au platier sud de l'atoll puis, au stade ultime, de rassembler la totalité de la population dans le village. Cette projection a pris en compte les hypothèses les plus pessimistes afin d'anticiper les mesures de sécurité civile à mettre en œuvre en cas d'alerte. Elle a abouti, à la fin de l'année 2012, à la signature d'un plan communal de sauvegarde entre la commune de Tureia et le haut commissaire de la République en Polynésie française. De plus, il convient de noter que les conséquences radiologiques d'un glissement d'ampleur des couches calcaires supérieures de l'atoll de Moruroa seraient nulles, dans la mesure où les anciennes cavités de tir sont situées dans les couches volcaniques profondes. L'AIEA a cependant évalué l'impact d'un scénario consistant à diffuser dans l'océan l'équivalent de la radioactivité produite par un essai de sécurité et un essai nucléaire. Les résultats obtenus ont montré que dans cette hypothèse, une consommation massive des produits de la mer exposerait les populations à des doses de radioactivité inférieures à 7 microSieverts la première année, à 3 microSieverts la deuxième année, puis à 1,2 microSievert la troisième année, soit plusieurs centaines de fois moins que les doses annuelles de radioactivité d'origine naturelle, en moyenne 1000 microSieverts en Polynésie française et 2 400 microSieverts en métropole. Enfin, il est précisé qu'un programme de rénovation des équipements de surveillance géomécanique a été engagé. Le nouveau dispositif de veille qui en résultera sera pleinement opérationnel à partir de 2018. Les travaux réalisés à ce titre, dont le coût global est estimé à plus de 100 M€, mobilisent en moyenne chaque jour près de 110 personnes sur le site de Moruroa (40 militaires du détachement permanent renforcé et 70 employés d'entreprises civiles). En outre, une commission d'information sur les essais nucléaires a été créée en Polynésie en vue de répondre aux interrogations émanant du Gouvernement de la Polynésie française, des maires des communes proches des anciens sites d'expérimentations, ainsi que des associations locales. Cette commission s'est déjà réunie à deux reprises, à Papeete, depuis 2015.