14ème législature

Question N° 86600
de M. Alain Leboeuf (Les Républicains - Vendée )
Question écrite
Ministère interrogé > Écologie, développement durable et énergie
Ministère attributaire > Environnement, énergie et mer

Rubrique > produits dangereux

Tête d'analyse > pesticides

Analyse > utilisation. conséquences. apiculture.

Question publiée au JO le : 04/08/2015 page : 5835
Réponse publiée au JO le : 21/06/2016 page : 5821
Date de changement d'attribution: 12/02/2016

Texte de la question

M. Alain Leboeuf attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la question de l'interdiction des produits phytopharmaceutiques à base de néonicotinoïdes envisagée dès janvier 2016. L'utilisation de ces pesticides est soupçonnée d'être à l'origine d'une surmortalité des abeilles au cours des dernières années. Sans nier les risques liés à l'utilisation des pesticides sur la santé humaine et l'environnement, des études ont montré que le recours actuel aux néonicotinoïdes permet de limiter sensiblement l'utilisation totale d'insecticides dans les cultures, et ce, quelles que soient les filières végétales agricoles. Leur interdiction brutale génèrerait plusieurs problèmes. Tout d'abord, les produits phytopharmaceutiques font l'objet d'un encadrement juridique précis défini au niveau européen et l'échelon national n'est qu'un échelon de mise en œuvre. Dans ces conditions, l'interdiction totale d'une catégorie de produits ferait porter à la France le risque d'un recours en manquement auprès de la Commission européenne. Elle poserait également de grosses difficultés aux filières déjà concernées par nombre d'usages orphelins, comme les productions fruitières, légumières, horticoles et florales. Elle aggraverait en outre encore davantage les distorsions de concurrence, au détriment du « Produire et consommer français ». Aussi, il lui demande de bien vouloir lui préciser les intentions du Gouvernement sur cette question, ainsi que les mesures de compensation qu'il prévoit en cas d'interdiction totale de ces produits.

Texte de la réponse

Le déclin des populations d'abeilles et des pollinisateurs sauvages est un sujet de préoccupation pour la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer, chargée des relations internationales sur le climat. Le déclin s'explique par plusieurs facteurs dont l'utilisation de certains pesticides. Parmi les pesticides agricoles qui préoccupent les apiculteurs, la famille des insecticides néonicotinoïdes qui comporte sept substances actives insecticides (dont cinq sont approuvées dans l'Union Européenne) est la plus décriée. Depuis plusieurs années, il est avéré que les usages de trois substances néonicotinoïdes (thiamétoxam, imidaclopride et clothianidine) ont des effets importants sur les populations d'abeilles et de pollinisateurs dont les services sont estimés à 1,5 milliard d'euros par an en France. Plus récemment, des publications scientifiques soulèvent également des questions sur les effets sur l'homme. À l'initiative de la France, des restrictions d'usage ont été établies en 2013 au niveau européen sur l'utilisation de ces trois substances en pulvérisation (en préfloraison des cultures) ainsi qu'en traitement de semences et de sol, à l'exception notable des céréales d'hiver. Ces traitements de semences des céréales d'hiver (orge, blé…), non couverts par le moratoire européen, continuent à être en forte croissance. Ainsi, l'usage total des néonicotinoïdes a crû de 26 % en France entre 2013 et 2014, notamment du fait de leur utilisation en traitement de semences des céréales d'hiver (orge, blé). On peut noter que les particuliers n'utilisent que 0,3 % des néonicotinoïdes mis sur le marché. Dans la logique du plan « France, terre de pollinisateurs », les autorités françaises ont fait valoir à la commission qu'à l'issue de la réévaluation en cours, les actuelles restrictions des trois substances actives néonicotinoïdes sous moratoire devaient être renforcées. Elles ont également demandé que l'évaluation en cours des deux autres substances actives néonicotinoïdes (acétamipride et thiaclopride) soit accélérée. Par ailleurs, l'European Food Safety Authority (Efsa), agence européenne chargée de réexaminer le moratoire, a confirmé en août dernier que les risques identifiés pour la pulvérisation sont avérés. Elle procède actuellement à la réévaluation des risques sur les traitements de semences. En vue de défendre des mesures de gestion de risques renforcées dans le cadre des débats communautaires qui auront lieu à la fin du processus d'évaluation début 2016, les ministères en charge de l'environnement, de l'agriculture et de la santé ont saisi le 24 juin 2015 l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses). L'Anses a remis son rapport le 7 janvier 2016, dans lequel elle constate qu'en l'absence de gestion adaptée, l'utilisation de néonicotinoïdes a de sévères effets négatifs sur les pollinisateurs, notamment des effets sublétaux, y compris à des doses d'exposition faibles. L'Anses a ainsi émis de nouvelles recommandations ou propositions de restrictions d'usage,  notamment pour l'enrobage des céréales d'hiver ou pour la limitation d'implantation de cultures suivantes non attractives pour les abeilles et les autres pollinisateurs. L'Assemblée nationale a décidé lors de l'examen de la loi pour la reconquête de la biodiversité le principe d'une interdiction des produits pesticides néonicotinoïdes au 1er septembre 2018. À la suite de ce vote,  la ministre de l'environnement et la ministre de la santé ont saisi l'Anses afin d'obtenir de nouvelles informations sur les risques pour la santé humaine des insecticides néonicotinoïdes. Les services du ministère en charge de l'environnement seront très attentifs à ce que les risques que font peser l'usage de ces traitements de semences sur la faune pollinisatrice avant l'hiver soient bien pris en compte dans les décisions à venir. Enfin, afin de proposer aux agriculteurs des solutions de substitution efficaces, la nouvelle version du plan Ecophyto présentée le 26 octobre 2015 prévoit la valorisation des projets territoriaux visant la suppression des néonicotinoïdes et le développement des alternatives. Le ministre de l'agriculture est en charge du soutien aux exploitations pour le développement de ces techniques alternatives, notamment au travers des mesures agroenvironnementales et climatiques.