14ème législature

Question N° 86811
de M. Marc Le Fur (Les Républicains - Côtes-d'Armor )
Question écrite
Ministère interrogé > Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère attributaire > Agriculture, agroalimentaire et forêt

Rubrique > énergie et carburants

Tête d'analyse > biogaz

Analyse > production. développement. perspectives.

Question publiée au JO le : 11/08/2015 page : 6046
Réponse publiée au JO le : 29/09/2015 page : 7443

Texte de la question

M. Marc Le Fur attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur les perspectives de développement de la production de biogaz dans l'agriculture et l'élevage. Le couplage entre ces activités et la production d'énergie pourrait permettre de répondre dans une certaine mesure à la crise que traversent certaines filières, notamment la filière du lait actuellement en crise. La réussite de l'Allemagne dans cette voie constitue un exemple pertinent. Celle-ci repose sur une combinaison entre agriculture et énergie (usines de biogaz). Dans un rapport du 29 juin 2015, la Commission des affaires européennes du Sénat a montré qu'en Basse-Saxe, les revenus de la production d'énergie constituaient, en moyenne, la moitié des revenus des exploitations laitières. Le développement de la production d'énergie par les exploitations agricoles pourrait donc représenter une opportunité pour les agriculteurs et éleveurs français. Il pourrait pareillement s'inscrire dans une stratégie de compétitivité des exploitations françaises par rapport aux autres pays européens. Il lui demande de lui indiquer si le Gouvernement envisage des mesures dans cette voie.

Texte de la réponse

Les filières de méthanisation font partie des priorités du Gouvernement en matière de développement durable. La méthanisation est en effet un procédé exemplaire, local et créateur d'emploi, qui permet à la fois de traiter et valoriser les déchets urbains, industriels ou agricoles, et de produire une énergie d'origine renouvelable. La France s'est fixée des objectifs ambitieux pour la filière biogaz, qui prévoient notamment sur une dizaine d'années la multiplication par quatre de la production d'électricité (625 MW en 2020) et par sept de la production de chaleur (555 ktep en 2020) à partir de biogaz. Elle bénéficie à ce titre de plusieurs instruments de soutien public (tarifs d'achat de l'électricité, tarif d'injection du biogaz dans le réseau, fonds déchets...). Pour le monde agricole, la méthanisation, en particulier à la ferme, est aussi intéressante pour la gestion de la fertilisation azotée qui constitue une problématique centrale, aussi bien d'un point de vue économique, de par son coût et l'objectif de production qui lui est lié, que d'un point de vue environnemental. La méthanisation constitue ainsi une des solutions, permettant de conserver l'azote contenu dans certains sous-produits de l'exploitation et de l'exporter, à condition que les digestats bruts fassent l'objet de post-traitements permettant leur transport et leur valorisation. Conformément à la feuille de route établie à l'issue de la conférence environnementale de septembre 2012 qui prévoyait la préparation d'un plan national biogaz et dans le prolongement du projet agro-écologique lancé en décembre 2012 par le ministre chargé de l'agriculture, le Gouvernement a présenté le 29 mars 2013 le plan énergie méthanisation autonomie azote (EMAA). Le plan EMAA vise à améliorer la gestion de l'azote et à développer un « modèle français de la méthanisation agricole », pour faire de la méthanisation agricole un complément de revenus pour les exploitations agricoles, en valorisant l'azote et en favorisant le développement de plus d'énergies renouvelables ancrées dans les territoires, dans une perspective d'agriculture durable et de transition énergétique. Ce modèle de méthanisation repose essentiellement sur le traitement des déjections animales issues des élevages par méthanisation, permettant ainsi leur valorisation énergétique, agronomique et économique, mais également sur le traitement des autres sous-produits ou co-produits des exploitations agricoles, qui sont une source de potentiel méthanogène intéressante pour le fonctionnement et la rentabilité des installations de méthanisation. Le ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt privilégie, dans une logique de hiérarchie des usages, la vocation alimentaire de l'agriculture et ne souhaite pas que le modèle français de la méthanisation s'appuie fortement sur les cultures dédiées. Le modèle allemand est en ce sens très différent de ce qui a été mis en place en France, car basé sur l'utilisation massive de cultures de maïs dédiées. En effet, environ les trois quarts de la production énergétique dans les installations de biogaz agricoles allemandes sont attribuables aux cultures énergétiques. Notre voisin à toutefois fait évoluer drastiquement sa politique en 2012, puis en 2014 face aux effets négatifs induits : 1,157 million d'hectares de cultures énergétiques employées en méthanisation (soit 6,9 % de la surface agricole utile), hausse du prix du foncier dans certaines régions, retournement accru des prairies... Le plan EMAA s'attache donc particulièrement au développement d'une méthanisation, « agricole » dite « à la ferme », de taille intermédiaire, privilégiant le traitement des effluents d'élevage. Il encourage de plus les approches collectives par le regroupement d'exploitations agricoles pour la réalisation de ces projets, afin de concevoir des installations dans une logique d'ancrage territorial et dans le respect de la diversité des territoires. Cette ambition a été réaffirmée lors de la communication du 30 juillet 2014 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui prévoit notamment de favoriser la production d'énergies renouvelables en valorisant toutes les ressources, dont les bio-déchets. Par ailleurs, la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie a annoncé le 4 septembre 2014 le lancement d'un appel à projets pour le développement de 1500 méthaniseurs en 3 ans répartis dans les territoires ruraux. Le dispositif vise à mieux accompagner les porteurs de projets dans leurs démarches. Egalement, afin d'assurer la cohérence et la pérennité de la stratégie et des actions mises en oeuvre pour le déploiement de la filière biogaz, la ministre en charge de l'énergie a souhaité la mise en place d'un comité national biogaz, dont la première réunion s'est tenue le 24 mars 2015. Ce comité a vocation à être une plate-forme d'échange et un lieu de concertation, facilitant l'interaction entre les parties prenantes. Il a vocation à permettre aux services de l'État d'expliquer la stratégie et les actions mises en oeuvre pour la filière d'une part, et aux acteurs de la filière d'apporter leurs retours d'expériences afin de faire évoluer cette stratégie et ces actions si nécessaires. Les travaux du comité s'articulent à ce jour autour de quatre groupes de travail, dont un groupe de travail spécifique sur les mécanismes de soutien au biogaz, auquel participe activement le ministère en charge de l'agriculture. Ce groupe de travail a pour objectifs d'échanger avec la filière sur l'évolution des mécanismes de soutien pour donner de la visibilité aux porteurs de projets, de clarifier l'articulation des différents mécanismes de soutien (aides à l'investissement, tarifs réglementés, appels d'offres), et d'assurer les conditions nécessaires pour faire de la méthanisation agricole un véritable complément de revenus pour les agriculteurs. Ce groupe de travail sur les mécanismes de soutien au biogaz a contribué à l'élaboration d'un nouveau cadre tarifaire pour l'électricité produite à partir de biogaz, répondant aux conditions de nouvelles lignes directrices de la Commission européenne adoptées en juillet 2014 concernant les aides publiques en faveur des projets dans le domaine de la protection de l'environnement et de l'énergie, favorisant une évolution progressive vers des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables fondés sur le marché (communication de la Commission européenne 2014/C 200/01, publiée au Journal officiel de l'Union européenne du 28 juin 2014). Ce groupe de travail s'est concentré plus particulièrement sur le cas des installations d'une capacité de production d'électricité installée inférieure à 500 kWe, pour lesquelles les tarifs d'achat resteront autorisés. Un projet d'arrêté tarifaire, soumis à la concertation avec les acteurs de la filière au sein de ce groupe de travail spécifique, a été examiné par le conseil supérieur de l'énergie le 31 juillet 2015, qui a rendu un avis favorable. Ce projet sera ensuite soumis à consultation auprès de la commission de régulation de l'énergie, puis notifié à la Commission européenne, pour une entrée en vigueur au 1er janvier 2016 au plus tard. Enfin, le Gouvernement a fait le constat que, l'activité de méthanisation nécessitant la construction de nombreux immeubles (locaux techniques, digesteurs, construction de cuves...), les impôts locaux - la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) et la cotisation foncière des entreprises (CFE) - impactent la rentabilité des projets et constituent dès le démarrage de l'activité une charge importante au regard de sa rentabilité. En conséquence, l'article 51 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013 a instauré, sur délibération des collectivités locales, une exonération facultative et temporaire de TFPB au titre des installations et bâtiments affectés à la méthanisation agricole (réalisée dans les conditions prévues à l'article L.311-1 du code rural et de la pêche maritime) pour une durée de cinq ans à compter du 1er janvier de l'année suivant celle de l'achèvement des installations et bâtiments. Cette exonération étant facultative, et aucune mesure n'étant prévue en matière de CFE, des évolutions ont été apportées par l'article 60 de la loi n° 2014-1654 du 29 décembre 2014 de finances pour 2015 à l'exonération facultative de TFPB, qui demeure applicable aux installations achevées avant 2015 lorsque les collectivités locales ont pris la délibération adéquate. Les installations achevées à compter du 1er janvier 2015 bénéficient quant à elles pour une durée de sept ans d'une exonération de plein droit de TFPB et les entreprises débutant leur activité à compter de cette même date bénéficient d'une exonération de plein droit de CFE pour une durée de sept ans également. La situation actuelle n'apparaît pas entièrement satisfaisante, car si elle constitue indéniablement un soutien important au développement de la méthanisation agricole, le dispositif actuel crée un désavantage pour les unités de méthanisation agricole qui ont été achevées et/ou ont débuté leur activité au plus tard le 31 décembre 2014, qui ne peuvent bénéficier que d'une exonération temporaire facultative de TFPB de cinq ans, sous réserve que la collectivité locale ou l'établissement public de coopération intercommunale dont elles dépendent aient pris une délibération en ce sens, par rapport aux unités de méthanisation agricole achevées ou livrées à compter du 1er janvier 2015 qui bénéficient d'une exonération temporaire automatique de TFPB et de CFE pour une durée de sept ans. Le Gouvernement, conscient de la problématique des unités pionnières de méthanisation agricole, a décidé, le 22 juillet 2015 à l'occasion de la mise en oeuvre du plan de soutien à l'élevage français, d'étendre les exonérations de fiscalité locale et foncière applicables aux nouvelles installations, aux installations de méthanisation agricole déjà en fonctionnement (avant le 1er janvier 2015). Ces unités sont en effet essentielles pour la confirmation de la dynamique positive de développement de la méthanisation agricole, car elles servent de référence pour les porteurs de nouveaux projets et les financeurs. Le ministère en charge de l'agriculture s'attache à ce que la valorisation des effluents d'élevage par la méthanisation agricole soit encouragée par ce nouveau cadre fiscal et tarifaire, pour l'ensemble des installations, en cohérence avec les objectifs du projet agro-écologique pour la France et du plan énergie méthanisation autonomie azote en particulier, et contribue à soutenir les filières d'élevage françaises.