14ème législature

Question N° 87408
de M. Martial Saddier (Les Républicains - Haute-Savoie )
Question écrite
Ministère interrogé > Écologie, développement durable et énergie
Ministère attributaire > Environnement, énergie et mer

Rubrique > eau

Tête d'analyse > distribution

Analyse > impayés. coupures d'eau. réglementation.

Question publiée au JO le : 25/08/2015 page : 6429
Réponse publiée au JO le : 09/05/2017 page : 3351
Date de changement d'attribution: 07/12/2016

Texte de la question

M. Martial Saddier attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur les dispositions relatives à l'interdiction des coupures d'eau en cas d'impayés, établies par la loi de transition énergétique. À la différence des mesures relatives à l'électricité ou au gaz, l'eau est désormais frappée d'une interdiction générale de coupure d'alimentation. Pour éviter que cette interdiction générale ne pénalise gravement les distributeurs d'eau, publics et privés, la commission spéciale avait introduit, à l'initiative de son président M. Brottes, un dispositif de réduction d'alimentation en eau pour éviter notamment que des mauvais payeurs de mauvaise foi ne s'éternisent dans une telle situation. Le 22 juillet 2015, dans la précipitation des fins de débats en fin de séance, en moins de 180 secondes, l'amendement en question a été écarté du débat (amendement sur l'article 60 bis A). Si bien qu'aujourd'hui le vide ainsi créé nécessite quelques clarifications. Une clarification qui appelle quatre remarques techniques préalables. Le dispositif de réduction de débit d'alimentation en eau fonctionne déjà pour éviter des dérives qui entraîneraient à terme soit la détérioration d'exploitations de l'eau (publiques et privées) par une explosion des impayés soit la hausse du prix de l'eau pour compenser sur les bons payeurs l'impact des mauvais payeurs. La pastille réductrice de débit est un dispositif qui a fait ses preuves. Ainsi, les réductions de débits sont pratiquées depuis 17 ans sur le Grand Lyon. Elles sont mises en œuvre sur tous les compteurs accessibles pour les clients domestiques sans distinction de résidence principale ou secondaire. Leur efficacité est forte : règlement de 75 % des dossiers après paiement sous 48 heures. De façon pratique, la réduction de débit s'obtient dans ce cadre en insérant un disque en téflon à l'écrou aval du compteur. Le diamètre de percement est très faible (1/8mm) ce qui permet avec 3 bar de pression de desservir 5 litres d'eau par heure. Cette mesure permet de satisfaire aux besoins de base d'hygiène en se lavant au lavabo, d'alimentation en remplissant casserole et biberon et de chauffage qui est en circuit fermé. En second lieu, ce dispositif est le seul de nature à désormais permettre une gestion rapide d'impayés sans avoir à attendre le dénouement de procédures judiciaires longues et qui surtout exposent les intéressés à des coûts particulièrement élevés souvent disproportionnés par rapport à la facture initiale. Si bien qu'attendre l'issue desdites procédures se retourne dans la totalité des cas contre l'intérêt financier des débiteurs. Troisièmement, la gestion de l'eau est régie en France par un principe fondamental selon lequel « l'eau paye l'eau ». Déséquilibrer la chaîne de gestion de l'eau par une explosion d'impayés serait de nature à terriblement impacter un secteur qui doit faire face à des investissements lourds incontournables vis-à-vis desquels des retards déjà importants ont parfois été pris. Ainsi, à titre d'exemple parmi de nombreux autres éventuels, actuellement, 0,6 % des réseaux d'eau potable est renouvelé en moyenne chaque année. À ce rythme, il faudrait 160 ans pour les remplacer, alors que la durée de vie d'une canalisation est en principe de 30 à 80 ans. Aussi les observateurs du secteur s'accordent à dire que l'objectif de renouvellement devrait être de l'ordre de 1,2 % du linéaire par an, en moyenne nationale. Autrement dit, le niveau d'investissement annuel de renouvellement, qui est de l'ordre de 800 millions d'euros, devrait être doublé et atteindre 1,6 milliards d'euros environ. Enfin, l'explosion éventuelle des impayés impactera sévèrement les distributeurs publics et privés dans des conditions qui ne peuvent que faire craindre des tensions fortes rapides sur le prix de l'eau comme une baisse préjudiciable de la performance des actions dans ce domaine. En conséquence, pour éviter de tels risques et sans attendre les résultats de contentieux probables à venir faute d'une telle clarification, il lui demande de bien vouloir confirmer que le dispositif de réduction de débit, frappé d'aucune interdiction légale expresse, et donc déjà pratiqué dans certaines géographies, est une mesure légale de nature à être mise en œuvre face à des impayés en matière d'alimentation en eau.

Texte de la réponse

L'article 19 de la loi no 2013-312 du 15 mars 2013, en modifiant l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles a interdit les coupures d'eau, pour impayés, à toute époque de l'année pour l'ensemble des résidences principales, sans condition de ressources, alors que cette interdiction était jusque-là réservée aux familles en difficultés bénéficiant ou ayant bénéficié du Fonds de solidarité pour le logement (FSL). Les dispositions ont été confirmées par le Conseil constitutionnel le 29 mai 2015, à la suite d'une question prioritaire de constitutionnalité. Pour autant, l'interdiction de coupure d'eau n'emporte pas annulation de la dette. La facture impayée reste due par l'abonné. L'exploitant du service de l'eau conserve la possibilité de procéder à des coupures d'eau en absence d'abonnement, en cas de risque de contamination du réseau public résultant de l'utilisation d'eau provenant d'une ressource autre que le réseau public (art L. 2224-12 du code général des collectivités territoriales – CGCT) et lorsqu'une intervention sur le réseau public le nécessite. Certains gestionnaires des services publics d'eau et d'assainissement et autorités organisatrices, confrontés à un risque d'augmentation des impayés, s'interrogent sur la possibilité de procéder à des réductions de débit lorsque l'abonné ne s'acquitte pas de sa facture. Le troisième alinéa de l'article L. 115-3 du code de l'action sociale et des familles permet certes aux fournisseurs d'électricité de procéder à une réduction de puissance en cas de non-paiement des factures, mais il n'organise pas cette possibilité pour les fournisseurs d'eau. Par ailleurs, le décret d'application no 2014-274 du 27 février 2014, modifiant le décret no 2008-780 du 13 août 2008, précise à l'article 4 les conditions de mise en œuvre de la réduction de puissance, en n'évoquant que le domaine de l'électricité. Ainsi, en l'état actuel des textes, et comme l'a confirmé la jurisprudence rendue par la Cour d'appel de Limoges le 15 septembre 2016, la réduction de débit d'eau n'est pas non plus autorisée.