ressources
Question de :
M. André Chassaigne
Puy-de-Dôme (5e circonscription) - Gauche démocrate et républicaine
M. André Chassaigne interroge M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement sur l'usage de l'eau en agriculture. L'industrialisation de l'agriculture et la politique agricole commune ont favorisé les cultures intensives fortement exigeantes en eau. Les conséquences en sont des prélèvements d'eau à un niveau souvent non compatible avec le fonctionnement des écosystèmes au détriment des milieux naturels indispensables au cycle de l'eau. Dans certaines régions de production, les pratiques agricoles dominantes, privilégiant l'usage des pesticides et d'engrais azotés, ont dégradé la qualité des eaux souterraines et de surface. Ce constat ne peut certes conduire à rejeter globalement tout usage de l'irrigation, indispensable pour certaines productions agricoles. Mais l'irrigation ne doit pas se faire en opposition aux systèmes agricoles respectueux de l'environnement et de la matière organique des sols, fondés sur des assolements diversifiés et le choix judicieux des espèces et variétés végétales. Aussi est-il indispensable de fixer des priorités pour l'usage de l'eau : consommation d'eau potable par la population, maintien de l'équilibre naturel des milieux hydrologique et usages économiques de l'eau, productions agricoles à haute valeur ajoutée et favorisant l'emploi. Il est aussi nécessaire de renforcer la recherche agronomique publique avec l'objectif de valoriser les pratiques paysannes et les cultures économes en eau. Il l'interroge sur les actions mises en œuvre ou en préparation pour favoriser des pratiques agricoles respectueuses de l'eau.
Réponse publiée le 1er décembre 2015
Lors de la 21ème conférence des parties de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques de 2015 (COP21), qui se tiendra à Paris, les Gouvernements doivent parvenir à un accord international sur le climat, applicable à tous les pays, dans l’objectif de maintenir l’augmentation moyenne de température en deçà de 2° par rapport aux niveaux pré-industriels. L’agriculture tient une place à part en tant que secteur très sensible aux aléas climatiques. Plusieurs facteurs liés au changement climatique affectent et affecteront de plus en plus le secteur agricole. Ainsi, l’accroissement des teneurs en CO2 et autres gaz à effet de serre, l’élévation de la température, la modification des régimes pluviométriques et de l’évaporation, du drainage et du ruissellement, l’évolution de la couverture nuageuse et donc de l’ensoleillement sont des évolutions des facteurs bioclimatiques qui influencent le fonctionnement des écosystèmes et peuvent donc avoir un impact sur les systèmes agricoles. Une augmentation en fréquence et en intensité des événements climatiques extrêmes comme les épisodes de sécheresse, les vagues de chaleur ou de fortes chutes de pluie peuvent également entraîner des pertes quantitatives et/ou qualitatives de productions agricoles. Dans ce contexte de changement climatique, la gestion équilibrée de la ressource en eau, affirmée par la loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006, suppose, une fois les besoins en matière d’eau potable, de santé, de salubrité publique et de sécurité publique respectés, de conjuguer la protection des milieux, les usages économiques et un partage équitable de l’eau. S’adapter à ce changement est désormais un enjeu partagé, comme est admise la nécessité de faire évoluer les modes de production agricole. Mais il convient aussi de mieux mobiliser les ressources à des fins économiques. En France, l’irrigation représente un enjeu important en termes de valeur ajoutée et d’emploi. Les superficies irriguées sont stables (5,8 % de la surface agricole utile). Bien que la consommation d’eau à cette fin soit orientée à la baisse, les conflits d’usage perdurent l’été dans une vingtaine de départements faisant chaque année l’objet « d’arrêtés sécheresse ». Ces tensions sont susceptibles de s’accroître du fait des modifications climatiques. Les politiques d’adaptation visent à anticiper les impacts à attendre du changement climatique et limiter leurs dégâts éventuels en profitant des opportunités potentielles. Il s’agit également d’éviter d’entrer dans le piège de la mal-adaptation définie comme un changement opéré dans les systèmes naturels ou humains qui font face au changement climatique et qui conduit - de manière non intentionnelle - à augmenter la vulnérabilité au lieu de la réduire. La France s’est ainsi dotée, depuis 2011 d’un plan national d’adaptation au changement climatique (PNACC), pour une période de 5 ans. Ce plan national identifie l’enjeu eau comme un des défis les plus importants à relever. Pour l’agriculture, cela se traduit par la promotion d’une agriculture économe en eau (réduction des besoins des cultures et amélioration de l’efficience de l’irrigation), l’optimisation du stockage de l’eau existant et la mise en œuvre de la création de retenues de substitution (substitution d’un prélèvement pendant la période d’étiage par un prélèvement hivernal), cette dernière conditionnée à la mise en œuvre de mesures d’optimisation de l’efficience de l’utilisation de l’eau. Ce plan national est en cours d’évaluation et le ministère en charge de l’agriculture participera à l’élaboration du nouveau PNACC dans les prochains mois. Lorsqu’il existe un déséquilibre quantitatif entre les prélèvements et la ressource, il convient donc d’agir tant sur l’offre (création de retenues ou de transfert d’eau compatibles avec les schémas directeur d’aménagement et de gestion des eaux) que sur la demande en eau (adaptation des cultures, amélioration de l’efficience de l’irrigation, pratiques culturales permettant de mieux stocker et mobiliser l’eau pour les plantes). Le ministère en charge de l’agriculture est mobilisé pour soutenir le maintien de l’irrigation et son développement là où il est nécessaire et possible. Le ministère en charge de l’agriculture a ainsi veillé à ce que le règlement de développement rural (RDR) permette de reconduire au maximum les mesures d’aides à la gestion quantitative de l’eau en agriculture inscrites dans le précédent programme de développement rural hexagonal. Les négociations entre les conseils régionaux et la Commission européenne ont été riches et denses, la Commission européenne étant particulièrement exigeante en matière d’irrigation, notamment s’agissant du respect des conditions imposées par le RDR. Des accords ont cependant été trouvés et la majorité des programmes de développement rural régionaux qui prévoient des aides aux investissements d’irrigation a pu être adoptée ces derniers mois. Les investissements dans des matériels économes en eau peuvent être aidés sous les conditions décrites à l’article 46 du RDR et cette mesure a été ouverte par les régions concernées par des déficits en eau présents ou futurs. De même le RDR prévoit la possibilité de subventionner les investissements dans des projets de stockage et de transfert d’eau. Les mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) « systèmes » et MAEC localisées qui permettent d’accompagner l’évolution vers des systèmes de production plus durables plus résilients peuvent favoriser le développement de pratiques économes en eau. Une mesure spécifique permet d’apporter une aide aux irrigants qui s’engagent pour 5 ans à introduire dans leurs rotations une légumineuse en substitution du maïs. Ainsi, la politique agricole commune 2014-2020 apporte un appui financier à l’évolution des systèmes et des pratiques, en mobilisant les fonds européens et les fonds nationaux, en lien avec les régions. Le ministère en charge de l’agriculture a en parallèle œuvré pour que le moratoire sur le financement des retenues de substitution par les agences de l’eau soit levé dans les meilleures conditions pour les irrigants et prenne en compte la nécessaire adaptation au changement climatique. La levée du moratoire et la parution de l’instruction relative aux projets de territoire (le 4 juin 2015) devrait permettre de relancer les projets, avec pour objectif de trouver un nouvel équilibre entre l’ensemble des acteurs sans polariser les débats. L’instruction prévoit que le financement des projets de stockage par les agences de l’eau ne soit possible que lorsqu’ils s’inscrivent dans le cadre d’un projet de territoire prenant en compte l’ensemble des usages de l’eau et mobilisant des actions visant à promouvoir les économies d’eau. Le ministère en charge de l’agriculture travaille par ailleurs conjointement avec les ministères en charge de l’écologie et de la santé sur les alternatives au prélèvement d’eau dans le milieu naturel telles que la réutilisation des eaux usées traitées. A ce sujet, l’arrêté du 2 août 2010 modifié fixe les conditions à respecter pour l’irrigation de cultures ou d’espaces verts avec des eaux usées traitées. S’agissant de l’adaptation des cultures et des assolements, l’attention doit être portée sur les leviers à mobiliser pour lever les freins à la diversification des cultures, enjeu mis en évidence par une expertise remise en décembre 2012 par l’institut national de la recherche agronomique. Le projet agro-écologique pour la France, initié par le ministre chargé de l’agriculture en décembre 2012, devrait participer à cet effort en œuvrant pour le développement d’une agriculture plus résiliente et performante sur les plans économique, environnemental et social. Ce projet vise à impulser la transition écologique des modes de production agricole en s’appuyant de manière privilégiée sur des démarches collectives impliquant plus efficacement l’ensemble des acteurs des filières, des territoires et du développement agricole, démarches qui semblent incontournables pour l’adaptation des cultures et des assolements. Le groupement d’intérêt économique et environnemental, mis en place dans le cadre de la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, permet de disposer d’un outil structurant pour porter des projets collectifs. De plus, l’outil de diagnostic agro-écologique, mis en ligne gratuitement le 5 octobre 2015, prend largement en compte la problématique de la gestion quantitative de l’eau en prévoyant deux indicateurs spécifiques et une thématique consacrée à l’économie de la ressource en eau, avec de nombreuses pratiques contribuant à l’agro-écologie, à des degrés divers. Enfin, conscient de la nécessité de développer de nouvelles mesures et d’appuyer les agriculteurs devant la complexité de la gestion de l’enjeu que représente la gestion de l’eau en agriculture, le ministère en charge de l’agriculture soutient la recherche dans le domaine de l’économie d’eau en agriculture (assolement, matériels et autres pratiques) et travaille sur deux études : la première a pour objectif de réfléchir à la mise en place d‘outils incitatifs favorisant des changements de pratiques ; la seconde vise à appuyer l’identification des matériels d’irrigation économes en eau dans le cadre de la mise en œuvre opérationnelle des conditions définies à l’article 46 du RDR.
Auteur : M. André Chassaigne
Type de question : Question écrite
Rubrique : Agriculture
Ministère interrogé : Agriculture, agroalimentaire et forêt
Ministère répondant : Agriculture, agroalimentaire et forêt
Dates :
Question publiée le 15 septembre 2015
Réponse publiée le 1er décembre 2015