Moyen-Orient
Publication de la réponse au Journal Officiel du 7 juin 2016, page 5060
Question de :
M. Hervé Féron
Meurthe-et-Moselle (2e circonscription) - Socialiste, écologiste et républicain
M. Hervé Féron attire l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur la destruction du patrimoine culturel dans plusieurs pays du Moyen-Orient. Dans les médias, les destructions des sites historiques de l'Irak et de la Syrie sont abordées, mais il est plus difficile de s'informer sur ce qui se passe au Yémen, également pris pour cible. Depuis la fin du mois de mars, en effet, l'Arabie saoudite bombarde ce pays pour éliminer les rebelles houthis chiites qui s'y trouvent, et qui sont considérés par Riyad comme des soutiens de l'Iran, son plus grand ennemi. Les chiffres avancés par l'ONU démontrent la violence de ce conflit armé : 4 300 morts, dont de nombreux civils, 10 000 blessés et 1,2 million de déplacés. Mais l'on constate également d'immenses dégâts sur le patrimoine historique particulièrement riche du Yémen. Aux confins de la péninsule Arabique, le long de la Mer rouge, le Yémen abrite un patrimoine culturel millénaire. L'ancien pays de la reine de Saba contient de véritables trésors architecturaux, dont trois sites figurent sur la liste du patrimoine mondial de l'humanité : les anciennes cités de Shibam dans l'Hadramaout (est) et de Zabid dans l'Ouest, ainsi que la vieille ville de Sanaa. Les maisons-tours en terre de la ville de Sanaa pouvant grimper à 30 mètres de haut sont en elles-mêmes une pure merveille architecturale, devant laquelle de nombreux artistes et intellectuels français sont venus s'extasier (Arthur Rimbaud, Paul Nizan, etc.). La vallée fertile et verdoyante de Wadi Hadhramaut a même valu au Yémen le nom d'« Arabie heureuse », qui lui a été donné par les Grecs et les Romains. Or l'UNESCO a constaté d'importants dommages à Sanaa, Shibam, Saada et Zabid, ainsi que sur le site archéologique de la ville préislamique de Baraqish. Certains sites isolés ne représentant même pas d'intérêt stratégique du point de vue militaire ont également été bombardés, comme la cité de Baraqish, inhabitée et aux confins du désert, ou encore le musée régional de Dhamar, qui abritait des milliers d'objets de la civilisation Himyarite (période faste du Yémen préislamique, de 275 à 571). Si l'UNESCO s'est publiquement ému, à plusieurs reprises, de la destruction de ce patrimoine, la communauté internationale est restée muette ; États-unis d'Amérique, Union européenne, France, personne n'a condamné les opérations meurtrières et destructrices de l'Arabie Saoudite. Les intérêts économiques en jeu pour les puissances occidentales (l'on parle bien évidemment du pétrole) peuvent certainement expliquer, au moins en partie, cette incroyable inaction. Pourtant, il est absolument indispensable de protéger ce patrimoine exceptionnel qui, selon la directrice générale de l'Unesco, Irina Bokova, a livré « un témoignage de la grandeur de la civilisation islamique » et qui est « dépositaire de l'identité, de l'histoire et de la mémoire de la population yéménite ». À l'image de la directrice générale de l'Unesco, il est primordial que la France enjoigne l'ensemble des parties à respecter et protéger le patrimoine culturel au Yémen. Il lui demande de bien vouloir s'exprimer publiquement sur le sujet, afin d'officialiser l'engagement de la France aux côtés de l'UNESCO, afin d'empêcher l'Arabie Saoudite de raser la mémoire plusieurs fois millénaire de cette partie du monde. Car, comme l'écrivait George Orwell, « le moyen le plus efficace pour détruire les gens est de nier et d'effacer leur propre compréhension de leur histoire ».
Réponse publiée le 7 juin 2016
Le Yemen connaît actuellement une destruction sans précédent de ses sites archéologiques et de son patrimoine urbain. C'est un patrimoine culturel millénaire qui disparaît. Plusieurs sites inscrits sur la liste du patrimoine mondial sont effectivement malheureusement concernés : l'ancienne ville de Shibam et son mur d'enceinte, la ville historique de Zabid et la vieille ville de Sana'a. Le ministère de la culture et de la communication travaille en étroite collaboration avec le ministère des affaires étrangères et du développement international, l'UNESCO et le Conseil international des monuments et des sites ICOMOS pour alerter la communauté internationale sur l'importance de préserver le patrimoine du Yemen, dans le cadre des actions qu'il mène pour les patrimoines détruits au Proche et Moyen-Orient. Le ministère de la culture et de la communication, en lien avec ses musées et autres institutions, propose d'accueillir des professionnels yéménites en formation en France pour permettre qu'une génération de professionnels soit formée et puisse intervenir dès l'arrêt du conflit. Pour lutter contre le vol et le trafic illicite d'objets culturels, la France (ministère de la culture et de la communication) a attiré l'attention de l'UNESCO et de l'« ICOM international » sur le trafic dont pourrait faire l'objet le patrimoine yéménite. La ministre de la culture et de la communication et le ministre chargé des douanes mettent tout en œuvre pour lutter contre le trafic illicite. Les biens culturels, en particulier issus de pays en zone de conflits, sont particulièrement ciblés lors de contrôles douaniers. Par ailleurs, le projet de loi relatif à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine, qui est présenté actuellement au Parlement, comporte une mesure concernant la mise en place d'un contrôle à l'importation des biens culturels et une mesure pour rendre effectives les mesures contraignantes en matière de circulation des biens culturels prescrites dans ces situations d'urgence par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Il prévoit également la création de refuges pour les biens culturels menacés dans leur pays d'origine. Enfin, le Président-directeur du musée du Louvre a rendu fin 2015 un rapport au Président de la République sur la protection du patrimoine dans les pays connaissant des situations de conflit armé qui intègre le patrimoine du Yémen.
Auteur : M. Hervé Féron
Type de question : Question écrite
Rubrique : Politique extérieure
Ministère interrogé : Culture et communication
Ministère répondant : Culture et communication
Signalement : Question signalée au Gouvernement le 10 mai 2016
Dates :
Question publiée le 15 septembre 2015
Réponse publiée le 7 juin 2016